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Vivre ici; Spinoza, éthique locale


Auteur du livre: David Rabouin

Éditeur: PUF

Année de publication: 2010

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Nous appelons réel la collection de ces petits bouts donnés localement, soit l’expérience du désir. Le désir ne se suspend pas, il contraint autant qu’il est contraint. La contrainte est une force s’opposant à un désir. Mais pour s’y retrouver sans le recours à la PHUSIS et au NOMOS, il nous faut prendre du recul et dégager la structure. Car comment sinon rendre possible une forme de communication qui permettrait une définition intrinsèque des affects. il y a pour Spinoza  une structure affective universelle, explicable quelle que soit la diversité évidente des régimes de représentation.

Chapitre 1 : à la manière des géomètres

Section 1 : la pensée peut-elle se comprendre sans songer à l’étendue ? (C’est ce de quoi il y a lieu de douter)

Je suis affecté : mon évidence s’expérimente comme la corrélation de 2 régimes de variations relevant de la pensée et du monde. On peut tenir ensemble les 2 exigences que sont le rationalisme et la primauté de l’affect, en concevant la métaphysique comme l’étude rationnelle et géométrique de la structure ontologique non pas des objets de notre représentation mais des affects eux-mêmes.

Les affects sont les soutiens de l’éthique. Ne nous sentons nous pas plus intimes à notre pensée ? N’est ce pas ça qui fonde le primat de la conscience ? Eh bien non ! Peirce rappelle que la vivacité des représentations n’ouvre à aucun primat ontologique. La conscience dans l’intimité de laquelle nous vivons n’est ni simple ni transparente mais une construction complexe laquelle repose sur les affects qui en sont les briques élémentaires.

Le perceptif et l’affectif sont intimement liés. Il n’y a qu’une plage continue d’affects corrélés à d’autres affects qu’on appelle sentiments et passions d’un côté et sensations et perceptions de l’autre. Ceci plaide pour un feuilletage des idées des affections du corps. Avez-vous remarqué que pour parler de la conscience on emploie des métaphores spatiales ? Le rapport prétendu immédiat à la conscience est décrit à partir de l’expérience primitive du corps se rapportant à d’autres corps. Et cet espace à notre époque est susceptible de variations multiples.

L’ordre et la connexion des idées est le même que l’ordre et la connexion des choses, même si c’est plus complexe que ce que Spinoza le pensait (rapport de mouvement et de repos) car il n’y a pas plus de régime de l’espace pur que de régime de la pensée pure. L’espace n’est pas un attribut des corps, il est un nom de l’ordre qui peut régner entre eux. La cartographie des gènes est l’écriture symbolique nécessaire à les penser et les partager à d’autres penseurs. Mais il y a d’autres espaces et l’unité éventuelle de toutes ces spatialités n’est pas encore trouvée.L’extension se voit re-qualifiée en termes d’activité et pas d’attribution. C’est dans ces rapports entre corps que se dessinent des formes complexes de spatialisation. L’espace est quelque chose qu’on constitue plutôt qu’un cadre donné. Faire espace c’est connecter des lieux.

Section 2 : des êtres de raison ?

Reste la question des mathématiques. Les nombres et les grandeurs sont des êtres de raison. De quel type d’objet traitent les mathématiques, si on réalise que la forme déductive n’est adéquate qu’à un type d’objet particulier ? Tout ce qui a une existence dans notre esprit a un répondant dans la réalité, dans notre corps. Ce qui distingue ces êtres de raison  est un certain fonctionnement où se précise le rapport à une cause externe qui leur donne une existence référentielle. On peut ici départager réalité et fiction. 

Mais cette distinction trompe encore car il y a dans notre imagination un fonctionnement qui représente les objets extérieurs à notre corps en limitant ce corps à des points terminaux des sens (laissant hors corps des organes comme le coeur et le foie). Il faut en conclure que les êtres de raison n’existent pas que dans notre esprit mais que certains malgré tout sont délestés du poids de la référence selon laquelle nous imaginons notre rapport au monde.

Ces idées peuvent alors jouer un autre rôle comme par exemple dans le domaine de la mémoire. Ils ne sont pas de purs produits de l’esprit, ils ont des répondants dans une affection du corps, par exemple l’amour que l’on ne peut classer dans un mode référentiel. Il n’y a donc pas qu’un régime ordinaire d’affects. Le nombre n’est pas tant un objet qu’un outil et celui-ci parce qu’il est corrélé à une affection du corps doit être lié à des images. Il nous faut moins mettre au point un langage de concepts qu’une écriture de concepts.Comment obtient-on ce couplage entre stabilité de l’essence et labilité de la représentation sensible ? L’imagination peut-elle aider ? Il y a 2  imaginations : il y en a une qui n’est pas passive mais active parce qu’elle est traversée par une dynamique propre dont la raison va se servir pour porter ses enchaînements conceptuels (schémas). L’approche projectionniste fait tomber le problème de la représentation : il y va de la projection de certains rapports conceptuels sur l’espace de l’imagination et donc d’une certaine dynamique propre de l’imagination comme support d’inférences, ainsi que d’une syntaxe, d’une contrainte par la structure du support. C’est le rôle du médium car le dispositif géométrique doit être pensé selon une adhérence idéale des enchaînements conceptuels à une dynamique de l’imagination. On est face à un régime d’objets dont le lieu gnoséologie propre est fourni par l’imagination mathématique…et dans un autre ordre qu’euclidien. (Leibniz). On en viendra plus loin à la géodésique.

Section 3 : …ou des aides de l’imagination ?

Ce qui est en jeu dans l’intervention de la causalité corporelle est l’existence des objets mathématiques. La notion d’individuation ajoute quelque chose à la notion de simple essence. 

L’attention doit être portée aux moyens utilisés pour exprimer cette individuation, soit l’usage des signes matériels : soit 2 cercles C et C’ qui entretiennent des relations d’apparente ressemblance (les icônes de Peirce), il suffit de l’apostrophe pour qu’on y voit une différence. Une place se dessine alors aussi pour des figures impossibles dans l’espace euclidien (Escher) ouvrant le soupçon sur l’affirmation que n’existent que les figures possibles. On peut raisonner sur des figures qui ne représentent rien dans la réalité euclidienne.À revenir sur les affects, on se demandera alors si la logique peut pénétrer le domaine des affections du corps. Oui. L’approche projectionniste permet de régler ces questions en court-circuitant le modèle représentationnel. Il n’y a pas à juger du vrai ou faux, de la similitude ou de la différence entre les images, il suffit de les détecter comme un système d’alarme permettant le déploiement d’un réseau d’inférences. Ce serait d’ailleurs ainsi que la vache aborde la question de l’herbe.

Section 4 : Philosophie, géométrie, espace

Et le support d’inférence peut même être dé-matérialisé, ce qui est important si on veut justifier l’utilisation d’une même logique en mathématiques et en éthique. Est-ce un raisonnement « comme si » ? En tout cas la science ne peut pas boucler ses raisonnements quand elle traite de problèmes ; là s’ouvre un espace de dialogue avec des autres, comme la philosophie. Ici le problème de l’espace est le problème par excellence. Riemann pose ici la question des hypothèses sur lesquelles reposent la constitution d’une géométrie en général. 

La primauté du lieu engage une certaine façon de penser l’espace. On ne peut plus partir de l’espace comme système de places mais partir de la place toute nue, ici, et tenter de récupérer à partir de cette donnée un concept renouvelé de l’espace. Ensuite se pose le problème des instruments  dont nous allons disposer pour effectuer les mesures de ces lieux et éventuellement les organiser en systèmes géométriques. Et puis le problème d’un système de déplacement préservant la forme de mes outils quand je passe d’un lieu à un autre.  Riemann part de l’approche infinitésimale (quadrillage + mesure de variations au niveau infinitésimal = cela fait penser à la géodésique). 

Mais nous on veut se passer des nombres puisqu’on vise les affects : 2 lieux mis ensemble doivent former un nouveau lieu et 2 lieux qui se chevauchent ont comme partie commune un lieu. Explorer un espace c’est se donner les moyens de comprendre les variations de mesure d’un lieu à un autre. Et si on veut sortir de notre lieu primitif d’attache, alors il faudrait comparer notre système de repérage à celui qui vaut dans le lieu d’à côté…ce qui ne nous est pas donné a priori. Exemple : il fait noir comme dans une cave. 

Je veux explorer mon espace : est-il carré ? Y a-t-il une ouverture ? Je peux m’imaginer que je longe un mur ; je peux même compter mes pas ; je peux buter sur des marches et les monter ; je peux passer dans un espace à côté et en revenir ; je me construis un monde où mes outils valent comme instruments de repérage. Complexifions un peu : dans le noir quelqu’un me dit avoir lui aussi une pièce annexe à son espace, il me donne ses repères mais moi je ne sais rien en faire. Heureusement il y a une situation intermédiaire, à l’intersection. Entre son monde et le mien, on a un passage de rencontre et là on peut comparer nos repérages et compléter notre vision de nos deux mondes où chacun conserve une zone inaccessible à l’autre mais pas partout.

Voilà ce qu’on appelle une structure. Mais en quoi nous donne-t-elle une nouvelle façon de penser ? C’est ainsi qu’on fonctionne dans le noir tendant nos mains et avançant pas à pas dès lors qu’on peut faire le tour de cet espace. On peut tomber sur des coins ou des trous. Ces accidents donnent des caractéristiques de ces espaces ; on peut avoir des infos globales mais limitées. Ainsi pour Spinoza les mesures éthiques données par les morales fondées sur des notions absolues du bien et du mal peuvent être localisées à partir du moment où l’on se place sous une exigence génétique. C’est le désir et non la norme qui est donné primitivement comme système de valorisation locale.

Chapitre 2 : construire, dit-il

Section 1 : qu’est ce qu’un affect ?

La définition des affects ne fait mention ni d’un objet ni d’une cause. Ceci ouvre la possibilité de leur caractérisation d’une façon intrinsèque. Mais d’un autre côté cette définition perd tout recours à un système de référence. En éthique il n’est pas besoin  de poser des valeurs comme cadre de référence extérieure et préalables au désir. Il faut démarrer la recherche d’une solution qui supplée à la perte de référence par le rappel d’une ambiguïté de Spinoza en faveur de la substance par rapport aux modes. Il y a un ordre des choses si pas de la nature.

Pour Deleuze, Matheron et René Thom chaque chose prend une place de façon déterminée parfaitement, une puissance située dans un lieu de rencontres. Cette puissance est assignable et située, il n’y a plus besoin de postulats globaux. Mais attention les affects ne sont pas liés à des contextes culturels ou autres. Le désir crée les valeurs.

L’affect est attaché non pas à une affection du corps (un choc extérieur) mais à une augmentation ou à une diminution de la puissance d’agir. On suit la voie d’une approche immanente de l’objet de proche en proche (analogie). Mais qu’est ce que ce moteur puissant ? Les affects ne se donnent pas comme des atomes de plaisir ou de déplaisir mais sont pris dans des variations dont la découpe suit les contours des actions des hommes (ce qu’ils peuvent faire plus ou moins). Mais alors comment distinguer de façon intrinsèque ce qui relève de notre puissance  ou pas au delà de ces fluctuations permanentes ? Et l’importance d’une assignation de cette puissance dans l’individu peut-elle se faire autrement qu’à une place dans une grande chaîne de causes et effets extérieurs (les rencontres) ? Il suffirait d’isoler certaines relations invariantes ? Impraticable : comment déterminer ce que sont ces rapports déterminés pertinents pour tel individu ? Un spinoziste n’a jamais la possibilité de faire une différence claire entre une variation de puissance et un changement d’essence.

Section 2 : conatus I : la structure affective

La puissance n’est rien d’autre que ce que nous sentons varier. On peut toujours sentir si on est triste ou joyeux (et leur opposition). L’individu se caractérise par un réseau de relations où il se constitue.

Une approche phénoménologique en somme ? NON car on n’y trouve pas d’appui pour cerner ce qu’est la puissance que j’ai en propre. Il existe en effet plusieurs types de variation de puissance. Il suffit d’isoler une forme particulière car l’augmentation de poids suivi de la perte de poids n’empêche pas de sentir la tendance à une prise de poids in fine. 

Ceci renvoie à l’idée de force, de vecteur, d’effort dans une direction (grandeur intensive). Un affect peut en neutraliser un autre, on parlera de polarisation du désir (Riemann emploie la notion des tenseurs). Cette neutralisation n’est d’ailleurs pas une destruction si les affects ne sont pas de même genre : j’appréhende d’aller chez le dentiste et je m’achète une douceur chargée de supprimer cet affect d’ appréhension ; mais le bonbon étant sucé, il se peut bien que l’appréhension resurgisse montrant mieux la portée du bonbon qui n’aura touché qu’à la tristesse associée.

L’accès à l’orientation de fond (primordiale, de structure) est la donnée intuitive à partir de laquelle on comprend joie et tristesse et même indifférence, selon telle ou telle tendance, notre conatus.

La fluctuation de l’âme montre qu’un ensemble d’affects n’a pas de raison de former pour autant un nouvel affect. La quantification affective n’est pas purement extensive, les comparaisons ne valent que le long d’une direction et ces directions n’ont aucune raison d’être comparables entre elles. Le constat qui vaut pour moi ne vaudra pas pour une autre personne ou moi demain.

On ne dira pas qu’il y a indépendance d’affects (comme si ceci n’avait rien à voir avec cela) mais qu’il y a DE l’indépendance. Le problème est que trop souvent cette indépendance est liée à un système d’évaluation extérieur. C’est ici que se constatent des régularités sociales (découpage de directions fondamentales de mes affects en raison de mon histoire personnelle). Pour Spinoza qui n’est pas d’accord, le problème n’est pas dans le choix de directions fondamentales à partir desquelles vous vous repérez dans votre espace et leur importance relative. Il n’est pas non plus dans le fait que ces évaluations affectives vont varier d’un individu à l’autre ou au sein d’un même individu demain puisque cette variabilité est inhérente à la structure choisie.

Donc le problème est de savoir si nous pouvons retrouver dans la structure des affects, des invariants fondamentaux qui permettraient de caractériser cette structure indépendamment de ses variations. Dans un appel à Proust, il faut se placer au plan de l’imagination.

Il y a une logique immanente de l’imagination qui n’a pas à être subordonnée à un ordre de nature donné. C’est à l’intérieur que cette logique se donne maintenant à nous. La madeleine signale qu’on porte en nous des affects lointains exprimant ainsi une forme essentielle de continuité dans un même voisinage. La tragédie d’Antigone ne  me permet que je ressente avec elle ses affects, qu’à ma manière. 

Peut-on se passer de croiser son point de vue avec celui d’un autre quand on cherche à se connecter avec une position très éloignée de mon espace affectif ? Oui. Mon thérapeute n’est pas dans un point de vue garantissant avec moi l’objectivité sur ma cure. Le postulat de compatibilité n’a rien à voir avec la représentation que je me fais des lignes affectives de l’indien d’Amazonie que je rencontre…je les invente.

La question est alors : comment est-il possible que je les ressente quand je pleure ou ris avec lui (chose nettement plus à ma portée que de saisir ses objets et valeurs) ? C’est parce que nos 2 espaces affectifs sont compatibles en un point de rencontre, les faisant sentir comme semblables. 

Autre question : pourquoi ne peut-on établir sûrement la dimension d’un espace affectif ? Alors qu’on le fait en physique de l’univers (3D + temps) ? Mon humiliation dans la petite enfance perdure (trajectoire dans mon espace affectif). Est-ce une ligne affective simple ou une combinaison de lignes indépendantes (+ orgueil +peur + …). Il faut postuler un espace de base.

Section 3 : l’espace de base

Partons d’un changement de la situation dans une expérience : là où j’y voyais grâce à une ampoule, on installe des néons. Les modifications perceptives n’influent en rien dans mon espace affectif. Et ce parce que l’affect regarde ailleurs, ces détails l’indiffèrent. Il nous faut descendre sous les images et perceptions et rejoindre la structure des mondes. La théorie ne sera pas celle des ensembles pour laquelle la donnée première est un ensemble de pures singularités sur lesquelles adviendrait ensuite les ressemblances, singularités dont nous pourrions nous servir pour repérer sans équivoque nos expériences.

Eh bien non. On n’a pas accès même de façon perceptible à des événements réellement singuliers …de ce qu’ils impliquent nécessairement une frange d’indifférence. Cette indifférence se signale du fait que certaines différences non expérimentées sont pourtant objectivement testables dans d’autres expériences. Ces trop petites différences nous ne les percevons pas parce qu’elles nous indiffèrent. Et ceci c’est la forme même de l’expérience : elle suppose un fond d’indiscernabilité. 

L’affect regarde ailleurs attaché qu’il est à l’instauration de son propre régime d’expérience, ses propres différences. Qu’en est-il de cette découpe des points de vue, des affects eux-mêmes ? Cette découpe non plus n’est pas donnée au préalable. Notre vie éthique est notre monde et les voisinages y sont tissés d’indifférence. Une découpe qui ferait advenir une différence pas accessible sur le lieu de la découpe serait alors un autre point de vue, une autre expérience affective. On voit bien que la proximité des composants de notre expérience n’a rien de fixe. Cela variera beaucoup en fonction des expériences affectives. 

Cette section met la question de la continuité de mon expérience comme projet de vie, tributaire de ma capacité de relier des expériences affectives différentes. Autrement dit tributaire de ma capacité de dépasser le bord de cette expérience découpée de cette façon, avec une autre expérience (de moi, demain) découpée par une découpe relevant de cette autre expérience (ce que Mr K dans l’exemple du Dr Sachs ne peut pas faire).Il nous faut arriver à un conatus redéfini de façon non locale ?

Section 4 : conatus II : béatitude et persévérance dans son être

Notre construction a été jusqu’ici locale : il faut voir que cela suffit pour récupérer l’horizon entier de l’Ethique de Spinoza. En effet pour cela il suffit de comprendre la vie affective. Pas besoin d’ascèse. L’exercice plein et entier de la connaissance suffit à construire la positivité nécessaire et cet exercice est ce que nous faisons lorsque nous comprenons la structure de nos affects.

Mais il y a la béatitude, elle est de l’ordre d’un savoir-faire qui n’est pas attaché à une quête de satisfaction. Ici soulignons l’importance de la notion d’association : nos affects sont affaire d’images et donc d’associations que nous ne contrôlons pas ; mais on peut modifier les régimes d’associations. Comprendre que les affects ont une structure et obéissent à des lois, implique que la paix provient alors de ce qu’on sait que les choses vont dans l’ordre. À cette connaissance d’une structure universelle récupérable en tout lieu, est corrélé l’affect le plus fort, celui qui est le mieux à même de contaminer peu à peu l’ensemble de notre existence.

(Cela dit, cette description locale a l’inconvénient de sauter au-dessus de l’étape de la servitude dans un modèle idéal symétrique de l’homme libre).

Spinoza ici recourt à la notion de puissance propre. On touche au problème de la connexion. Bergson parle de dualité pour parler de variation de variation (passage au 2d ordre). Néanmoins nous avec tout ce que ce livre a pris comme pas d’écart d’avec le Spinoza orthodoxe, nous disposons d’un système de projection d’un nouveau type : la capacité où nous nous trouvons de représenter non pas tel ou tel affect mais la totalité de notre vie affective elle-même, soit une évaluation de 2d ordre. On peut se réjouir d’être heureux et désolé d’être triste. On peut faire soi-même son propre malheur. Toutefois pour Spinoza il n’y a pas de raison de combattre cette tristesse car la joie n’est pas moins contaminante et finit par s’accroître à condition d’avoir une joie de départ, soit une idée vraie. Revenons à notre évaluation de 2d ordre : c’est une représentation…parmi d’autres. Elle n’est ni fidèle ni objective. Notre système de représentation est plus complexe que ce que Rabouin nous en a dit jusqu’ici, avec Spinoza. Cette évaluation transcrit un affect général qui vient s’ajouter aux autres. C’est cet affect qui va jouer le rôle de représentant de notre vie affective et permettre une comparaison. Le fait que de telles comparaisons soient possibles, induit des affects de 2d ordre qui ne valent plus dans tel ou tel lieu mais le long de certains chemins. Persévérer dans son être est un fait de structure, il décrit une forme de tristesse de 2d ordre dont le corrélât n’est pas un désir de joie de 2d ordre mais un désir de stabilité, un désir de ne pas voir sa puissance diminuer. Autrement dit, Rabouin nous invite à continuer de suivre son intuition car elle prolonge l’intuition de Spinoza sans le trahir. Mais ce sera dans un autre livre que Rabouin ira chercher son appui, un livre de Spinoza bien sûr.

Conclusion : en quoi ce livre est un livre d’éthique

Ce que ce livre est bien …surtout que ce n’est pas un livre de politique. L’auteur prend rendez-vous avec le lecteur car il annonce faire un livre sur ce second versant.On en vient à une redéfinition de l’individu, comme un certain régime stable de variation de puissance. Le bien est une norme immanente qui émerge que nous le voulions ou non comme fait de structure de notre vie affective. Est-ce du conservatisme ? À suivre donc.