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Qu’est ce que la métaphysique ?


Auteur du livre: Frederic Nef

Éditeur: Gallimard

Année de publication: 2004

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La question de la métaphysique d’aujourd’hui, en son centre qui est l’ontologie, ce n’est pas l’être mais un réseau de concepts : le possible, l’essence, l’objet et l’événement. Mumford est proche de Frederic Nef qui se définit comme empiriste et particulariste. La métaphysique ne peut pas tourner le dos à l’expérience.

Avant-propos

Le livre est critique et synthétique. Après sa mort annoncée, la métaphysique a suscité des courants en sens divers qui réclament d’être appréciés quant à leur capacité de dégager la structure de la réalité de notre monde en insistant sur les modalités du possible et de l’existence. 

Selon l’opinion actuelle, la métaphysique est une discipline purement historique chargée d’éclairer le passé en aidant à expliquer des systèmes complexes de croyance. Mais n’est-ce pas un peu court. 

La première tâche est de s’attaquer à nos préjugés. Quant au passé, la naissance de la métaphysique n’est pas soumise à la logique et à la théologie. Contrairement à l’idée que pour comprendre la matière et la vie, il faut se tourner vers la science, actuellement la métaphysique s’est renouvelée au contact des sciences de la cognition et de la physique. Wittgenstein,Russell, Mc Taggart, Whitehead, Lewis, Armstrong… ont pris pour objet la structure ultime du monde grâce aux concepts d’essence, existence, propriété, objet, monde et possibilité.

Première partie : la métaphysique n’est pas morte

Chapitre 1 : Champignons fantômes, passoires, casseroles et autobus

Malgré le fait qu’elle est dite morte, on assiste à une re-sémantisation sauvage de cette notion de métaphysique sous forme de créations de langage peu intéressants puisqu’il s’agit surtout de recouvrir un vide. Les textes sur la fin de la métaphysique sont loufoques.

Et pourtant la métaphysique est présente là où on ne l’attend pas, en littérature par exemple : les textes explicitement lourds de non-sens sont en fait porteurs de vraies questions métaphysiques. Ainsi du texte de Rouxel autour des trous dans les passoires.

Chapitre 2 : deux conceptions de textes métaphysiques

On l’a déjà dit, la métaphysique se comporte en partenaire d’autres disciplines philosophiques où le besoin s’est fait sentir d’une analyse conceptuelle de type fondamental. Il y a un débat rationnel entre les différents partisans de différents programmes. Ces programmes acceptent un réseau de normes minimales et de critères communs comme si le débat sur les normes se soumettait à des normes d’ordre supérieur conduisant le débat sur la méthode.

De l’histoire on peut polariser A versus B  les familles de philosophie autour d’une séparation : atomiste versus holiste, relativiste versus absolutiste, discontinuiste versus continuiste. Ces familles s’inscrivent par rapport à la vérité dans des doctrines, des cadres, ou en interaction avec le Temps. Cela a des conséquences métaphysiques puisque les holistes la considère comme achevée. Prendre la position B revient à définir la philosophie comme produisant des énoncés absolument vrais, bien que non vérifiables et non quantifiés par des mesures, mais par leur place dans une chaîne de raisons et non relatifs à l’opinion, la science et la religion.

Chapitre 3 : la métaphysique est-elle soluble dans les règles d’usage du langage ?

On ne sort pas de ceci : il y a à trouver une méthode de vérification, en s’appuyant sur une correspondance dans la réalité des faits ou en s’appuyant sur une cohérence interne des énoncés. Mais dans tous les cas, les concepts ne sont pas coupés de l’outil communicationnel qu’est le langage. Un langage le plus naturel possible est toujours un jeu de langage (Wittgenstein).

En pragmatique, le langage articule le sens à l’usage. Dans l’exemple « la soupe refroidit », l’usage de cette expression réclame des outils sémantiques montrant le moment où le sens référait à une règle de conduite hiérarchisant les personnes autour de la table depuis le père de famille pour finir par les derniers enfants. Il était interdit de réclamer une préséance. Avec le temps l’expression a perdu sa référence mais est restée dans l’usage pour redemander de la soupe. Autrement dit le contexte relie le sens des énoncés. 

Mais comment comprendre l’énoncé métaphysique de Spinoza : « il y a une seule substance » ? comme décrivant la réalité de manière abstraite et générale, ou comme un modèle enjoignant de considérer la réalité de cette façon, en corrigeant notre vision critiquée comme biaisée par des préjugés ? La théorie des modèles permet de sortir de l’impossibilité de dire quoique ce soit sur la réalité d’autre que ce que nous y projetons : l’homme est maître de ses modèles de connaissance. Aujourd’hui on retrouve la notion de substance (décidément trop vieille) dans celle d’événement.

Deuxième partie : la mort lui va si bien

Kant est celui par qui le mal arrive. 

Chapitre 4 : la philosophie sur son quant à soi

L’ambiguïté de la position kantienne a valeur de symptôme. Il y a dans ses propos des affirmations qui ont servi d’appui pour décréter l’entrée dans la période post-métaphysique. Fidèle à son objectif critique, Frederic Nef prend son temps pour départager les positions, sur base des passages prêtant à discussion. 

Le premier mode d’argumentation est historique. Mais cet argument est faible. L’histoire de la philosophie a pris en charge tous les tournants théoriques depuis les présocratiques et a construit des filiations sans cesse remises en cause. Pour Dummett, il y a deux lectures profondément antinomiques selon que l’on parte d’Aristote, Duns Scot, Leibniz et Locke pour en arriver à Wolff, ou bien que l’on parte de l’idée que la métaphysique est la maladie de la philosophie outrepassant les limites bétonnées par Kant. La deuxième façon de procéder est analytique ouvrant la philosophie à la pratique de l’analyse conceptuelle dans le respect des normes de vérité et ce en ayant foi dans la progressivité de la connaissance. Ici Nef fait tout un travail de lecture des textes dans Critique de la raison pure et pratique (CRP et CRp). Mais aussi dans des textes postérieurs.

Kant est considéré comme porte étendard de la fin de la métaphysique

L’antiréalisme kantien trouve son interprétation chez Alain Renaut mais surtout Habermas, en termes d’une thèse de la déconstruction post-métaphysique. Il y aurait une filiation entre le nominalisme et l’empirisme comme étant post-métaphysiques. Et l’idéalisme allemand est pointé en opposition à ce courant. L’idéalisme allemand scindrait l’Un avec le Devenir entrainant une déchirure dans la métaphysique. Nef ne s’attarde pas et conclut que Habermas avance comme alternative une raison située attentive à l’opinion en contexte démocratique. Surtout le tournant linguistique est avancé comme facteur de transition vers l’immanence pure du quotidien, où la nature est relais au langage dans un travail de sélection et différenciation.

Heidegger de son côté disqualifie la lecture de Cassirer, qui manque de pointer chez Kant une possibilité de sauver la métaphysique, car il lui faut cet aval pour son propre projet. En fait quand Heidegger en viendra à développer la métaphysique qu’il veut, c’est de Nietzsche qu’il aura surtout besoin.

Il y a une fin de la métaphysique chez Badiou et Van Frassen. Badiou s’appuie sur Kant pour faire valoir une métaphysique soustractive. Van Frassen insiste sur l’ambiguité de la philosophie kantienne pas toute contraire à la métaphysique, et celle-ci comme la source d’une définition analytique de la métaphysique à l’époque contemporaine.

Le problème de la subjectivité chez Kant nous amène à Wolff qui parle d’un infléchissement vers la subjectivité transcendantale provoquant la critique idéaliste de Fichte et Schelling. Kant a libéré la possibilité d’une philosophie positive que l’on retrouvera dans la philosophie autrichienne de Brentano et Bolzano. Pour Dummett il y a 2 lectures de l’histoire de la métaphysique : la première est celle de Leibniz et Wolff ouvrant à une philosophie analytique ; la seconde part de l’enterrement de la métaphysique avec Kant et sa résurrection avec Hegel. Nef considère que seule la première a survécu en prenant la voie de la philosophie analytique qui pratique l’analyse conceptuelle, respecte les normes de vérité et croit à la progressivité de la connaissance philosophique.

Les rapports de Kant avec Wolff s’enveniment : Wolff distingue une psychologie empirique d’une psychologie rationnelle, Kant refuse l’insertion de la psychologie dans la métaphysique considérée comme science a priori. La position kantienne par rapport à la métaphysique est à nuancer. Il y a une évolution chez Kant. La CRP  marque un tournant vis-à-vis du caractère a priori de la métaphysique. Il ne parle pas de fin de la métaphysique, de toute métaphysique. Un changement de ton se décèle entre les deux préfaces à la CRP, la seconde se limitant à des problèmes de méthode. Entre les deux, Kant insiste sur la partie positive de son entreprise tout en dégageant toute la complexité de la tâche.

Ceci dit, Kant fourvoie la métaphysique.

La critique de Kant ne s’adresse pas dans la Dialectique transcendantale à l’ontologie mais à la psychologie rationnelle, la théologie rationnelle et la cosmologie rationnelle. Antiréalisme va avec intuitionnisme, et c’est là le péché de Kant. À partir de Heidegger, on a compris cette réduction dans trois ordres de raisons : la réduction de l’essence au concept, l’intuitionnisme sémantique et la thèse de la stérilité ontologique de la logique. 

L’intuitionnisme kantien est à l’origine d’une doctrine de philosophie de la connaissance qui maintient l’éliminabilité de l’intuition. L’antiréalisme sémantique parle d’énoncé dépourvu de procédure de vérification le privant de valeur de vérité. L’antiréalisme métaphysique lui soutient la dépendance forte de l’existence réelle des objets à l’égard des dites procédures. Qu’en est-il alors de l’intuitionnisme sémantique kantien ? les jugements synthétiques sont ceux qui apportent la connaissance. Mais la définition des jugements synthétiques est purement nominale et donc ne relevant pas d’une analyse sémantique, d’où la nécessité de l’intuition. Les énoncés métaphysiques se fondent dans un constructionnisme. En ruinant l’objectivité des concepts, Kant barre la route de l’ontologie. Et la stérilité de la logique ? un concept riche réclame une théorie de la proposition que Kant ne peut livrer puisqu’il confond proposition et jugement. La rupture avec Wolff est une rupture avec l’essentialisme. Le concept central de Wolff est l’essence et non l’existence. L’essence c’est le possible. Et le possible est défini comme le non-contradictoire. Logique formelle et logique transcendantale ? Kant rejette la logique formelle parce qu’elle n’a pas de rapport direct aux objets, à la différence de la logique transcendantale. L’objet dont il est question n’est pas l’objet empirique mais X, l’objet à priori. La logique a perdu sa capacité d’inventer, elle ne sert qu’à corriger les erreurs.

Chapitre 5 : fin de la métaphysique et mort de Dieu

Nietzsche est après Kant pointé comme fossoyeur de la métaphysique. Nietzsche interprète le courant littéraire des Romantiques comme la fin du suprasensible. Nietzsche pense par figures autant que par concepts. La mort de Dieu a inspiré la théologie de la sécularisation, le concept de nihilisme et la fin de la métaphysique. 

Badiou lie la mort de Dieu à l’effondrement de la pensée. Pour Badiou c’est le Dieu de la religion qui est mort car la mort du Dieu des métaphysiciens est encore à venir. De son côté Van Frasseninterprète Dieu est mort comme signifiant la mort du Dieu des philosophes. Il se dit athée mais rappelle chez Saint Paul la différence entre la lettre et l’esprit pour rejeter la métaphysique du côté de la lettre, dans des formalismes conceptuels sans pertinence concrète… mais il y aurait une place  pour une théologie naturelle analytique.

Chapitre 6 : de la destruction à la déconstruction de la métaphysique

Il y a en gros 6 manières de viser à la destruction : le « dépassement » de Heidegger, la condamnation positiviste, le quiétisme thérapeutique ou grammatical, la réduction de la métaphysique à une activité littéraire, la dévaluation pragmatiste, le débordement par l’éthique. 

Ce qui ne va pas sans critiques. Le mot dépassement apparait chez Heidegger et chez Carnap mais le mot destruction c’est chez Heidegger.

La reconstruction d’une ontologie du monde sensible a semblé possible à Carnap en utilisant les outils nouveaux de la logique et des sciences naturelles. Les énoncés de la métaphysique sont des simili-énoncés. Carnap vise des énoncés qui ici ne renvoient pas à des crières empiriques ou à des énoncés protocolaires et même si ces énoncés métaphysiques sont pris pour des énoncés universels, ils n’ont pour eux aucune condition de vérité. Mais ces critères sont trop forts, même pour Carnap et il voit bien que les énoncés métaphysiques parlent de la Vie mais d’une façon inadéquate, en fait dans le langage de l’art. Schlick a développé des vues plus nuancées mais conclut que cette expérience de pensée est illusoire si on y cherche la transcendance. Entre 1920 et 1935, on ne cesse d’osciller entre vérification et construction.

Popper rappelle alors que la métaphysique n’a nul besoin d’être dépourvue de sens pour ne pas être une science. La métaphysique est-elle une science ? tous les énoncés non scientifiques sont-ils des non-sens ? Popper remplace le critère de vérifiabilité par celui de réfutabilité. La méthode de Carnap s’était appuyée sur un langage formel, or Popper amène des distinctions : Carnap ramène le langage physicaliste au langage de la science unifiée. Et il y a un troisième langage construit sur la syntaxe où les énoncés métaphysiques seront évidemment fautifs (Chomsky). Où donc est passé l’objet ?

La déconstruction de la métaphysique est l’effet de l’impact de la pensée de Derrida. Il dit d’emblée deux choses : je n’écrirai pas de textes philosophiques, la métaphysique est un ensemble de textes. On peut montrer que la déconstruction repose sur des sophismes : on pourrait montrer que ça ne peut pas être non p donc p est nécessaire. Tout à la base, Nef pointe une mécompréhension de de Saussure. Cette dérive impacte la science qui elle aussi peut être déconstruite..à bon marché.

Troisième partie : l’hypothèse de la pensée volée

Chapitre 7 : l’ontothéologie et l’essence de la métaphysique

Voilà le paradigme qui infecte la lecture contemporaine de la métaphysique. L’origine du terme est à chercher chez Kant. Heidegger a enfoncé le clou en insistant sur la logique. La notion travaillée est celle de commencement. Par une démarche régressive, il recule vers la différence : il y a une vraie différence renvoyant à une négation originaire.

Chapitre 8 : penser contre la raison

La métaphysique de Heidegger se perd dans une démarche examinant la figure de la conciliation. Heidegger ne procède pas par définition mais par des jeux d’équivalence…sans respecter lq règle du jeu qui est de dire ce que l’on substitue avant de le faire. La figure de l’être est la survenue et la figure de l’étant est l’arrivée. La conciliation concilie la survenue et l’arrivée : il s’agit d’actions car la survenue découvre et l’arrivée abrite. On est tombé dans une sorte de poésie.

Chapitre 9 : la structure de la métaphysique et son histoire

Ici on se risque à explorer le mode d’exposition de Heidegger car les mots ont plus d’importance que les énoncés. Brentano s’en prend à une conception linéaire de l’histoire propre à Heidegger. Au contraire Brentano soutient qu’il y a des cycles qui répètent 4 phases : évolution ascendante, accomplissement, déclin, décadence ( réaction contre puis échec définitif). Avec ce shéma appliqué à l’époque actuelle se succèdent : Frege, Carnap, Heidegger, Derrida. D’où est venue cette conception d’une ontothéologie ? d’Aristote suivi de Erigène, Thomas d’Aquin, Duns Scot, Leibniz et …Wolff. Mais on verra que cette ontothéologie est une conclusion hâtive et non fondée.

Quatrième partie : l’onto-théo-logie est introuvable

Chapitre 10 : métaphysique aristotélicienne

Le point de départ est : la métaphysique s’occupe de la forme en général et la physique s’occupe des formes sensibles. Par rapport à la théologie, Aristote crée l’ambiguité. Les sciences s’intéressent à l’être en tant que vivant et l’opérateur « en tant que » permet de distinguer entre deux autres acceptions de l’être : en tant que immobile et engagé dans la matière (les mathématiques) ou en tant que mouvement (physique). Ceci étant, il y a dans l’être quelque chose de fondamental : X en tant que X, qui produit une réflexion, laquelle s’ajoute à la reduplication des « en tant que », qui focalisent la signification.

Aristote recourt à la synonymie ; entre des synonymes lexicaux comme courageux et audacieux, il y aurait une communauté de nature qui provient d’une synonymie élargie. À côté de la synonymie, il y a la paronymie qui permet le rapport entre les sciences par rapport à une science dite première. Il ne s’agit pas ici d’antériorité mais de dérivation.Ce sont les textes appartenant à la composante théologique qui gènent Heidegger. Aristote est extrèmement discret sur la forme que prend le divin. Une science théorétique doit avoir un certain type d’objet : celui qui doit être immobile, séparé et substantiel… mais Aristote n’affirme pas que cet objet est Dieu. Il y a un problème de taille si on prend la mesure de cet écart entre les deux pôles du système, le pôle naturaliste et le pôle intellectualiste lesquels distingueront Avicenne d’Averroès. Les sciences particulières sont inaptes à être des ontologies parce qu’elles ne disent rien de l’existence ou inexistence de leur objet et elles n’en définissent pas l’essence. L’introduction de la théologique se fait par plusieurs étapes. C’est à propos des mathématiques que se pose le problème d’une science des êtres séparés et immobiles ; on est proche ici d’une science première. C’est dans ce contexte qu’Aristote en vient à parler de l’existence de quelque chose d’éternel, immobile et séparé. Mais il n’en parle que de façon hypothétique. Pour fixer que l’objet de la science théorétique est Dieu, il lui aurait fallu le Moyen-Âge chrétien. Il faut prendre tout le temps de ce développement supplémentaire pour dégager le terrain. Les intuitions d’Aristote serviront pour une métaphysique analytique.

Chapitre 11 : Scot Erigène, Avicene : le néoplatonisme court-circuité

Scot Erigène parle de Dieu mais assimilé au non-être, car il est sans fondement. Il y a ici reprise d’un courant méontologique développé par Denys l’Aréopagite dans « les Noms divins » où on dégage un non-être suressentiel. Erigène applique aux catégories aristotéliciennes la méthode de la théologie négative. Dans ce courant on a le souci de ne pas identifier Dieu avec un étant suprême ni avec la totalité de ce qui est.

Avicenne fait retour aux textes arabes. Dans la métaphysique du Shifa, il reprend la division des sciences du livre E d’Aristote. Il rappelle que la métaphysique étudie ce qui est séparé de la matière ; selon la subsistance et la définition, son objet ne peut être l’être de Dieu. L’existence de Dieu ne saurait être admise dans la métaphysique car Dieu fait l’objet d’une recherche. La métaphysique cherchera l’existence de Dieu mais cette existence ne sera pas le sujet de la métaphysique. Le sujet de la métaphysique, c’est l’existant en tant que tel. La quiddité d’une chose est son essence (là où elle subsiste) ou sa définition. La nature de quelque chose de quelconque, c’est sa quiddité (sa nature propre) et c’est à distinguer de l’existence en tant que telle, qui est affirmation. C’est à propos de l’existant nécessaire que se joue le problème de l’existence de Dieu, objet insaisissable.

Chapitre 12 : Thomas lecteur d’Aristote, sans qu’il y ait consolidation de l’hypothèse ontothéologique

Entre sa doctrine efective et nous il y a des filtres accumulés dans les commentaires d’Aristote. Thomas considère la métaphysique comme une science universelle (identifiant les universaux aux substances séparées ; ce qui n’est pas une théologie). La philosophie première est une science spéculative (théorétique) parce qu’elle a sa fin en soi. La métaphysique n’est pas la servante de la théologie parce qu’elle n’est pas servile. La métaphysique traite des choses divines : Dieu est l’objet de la métaphysique en tant qu’il est cause et principe. Thomas concilie Avicenne et Averrroès. La connaissance métaphysique non seulement représente pour l’homme le type le plus élevé d’une science mais elle est également pour l’homme le partage d’une vie divine, celle de l’intellect divin.L’analogie est de deux types chez Thomas : ad unum (sain est pris dans un sens analogue quand on l’applique à la santé et à l’urine) et unum ad alterum (appliquée à la médecine « sanativa » ou pour dire qu’un patient est sain). L’analogie sert à Thomas dans la métaphysique en exerçant un infléchissement vers une doctrine des modes de l’être mais aussi dans la théologie où l’on retrouve la problématique dyonisiaque des Noms divins : la théologie est négative. Il appartient à une seule science d’étudier tous les êtres. Thomas dégage une ontologie hiérarchisée avec au sommet l’ens perfectissimum.  Chez Thomas il y a quatre modes : purs êtres de raison produits de la négation et de la privation, êtres hors de la raison mais soumis à la corruption, êtres non mêlés de non-être mais relatifs et dépendants d’autres choses, être non dépendant existant par soi-même : la substance. Mais Thomas ne dit jamais que l’ens perfectissimum est Dieu. L’analogie se dérobe au sol de la théologie. L’analogie qu’elle soit prédicamentale ou de proportion ne peut combler l’abîme d’équivocité entre l’être divin et l’étant créé ; la différence est de nature. Thomas en vient alors à un rapport sans rapport, sinon il n’y aurait pas de théologie du tout. L’hypothèse ontothéologique gomme toute la tension entre les deux traditions de la métaphysique médiévale.

Chapitre 13 : Duns Scot et l’émergence de la contingence

Il y a à traiter successivement : la distinction réelle, l’univocité de l’être, la connaissance du singulier, la réduction de l’étant au possible. 

La théorie de la distinction réelle précède tout acte d’intellection alors que la distinction de raison est une distinction qui suppose un acte d’intellection même si cet acte ne fait qu’actualiser une distinction virtuelle de la chose. La distinction formelle est intermédiaire car comme la distinction réelle elle est fondée dans la chose et comme la distinction de raison elle est secundum quid. La distinction formelle permet d’expliquer le mode de relation d’une chose à ses parties et à ses propriétés. Le nœud de la différence est l’opposition entre ce qui est actuel et ce qui est virtuel. 

Quant à l’univocité de l’être, il s’agit d’une thèse selon laquelle l’être est commun à Dieu et à sa créature. La distinction entre l’être de Dieu et l’être des créatures n’est pas réelle, ni de raison. La question au 13ème siècle est de savoir si l’objet de la métaphysique est Dieu ou l’être. Les premiers ont besoin de l’analogie, les seconds de l’univocité. L’objet premier de l’intellect n’est pas Dieu mais l’étant. Pour Duns Scot les relations entre l’intellect humain et l’intellect divin relèvent de la volonté de Dieu. 

Le troisième point est essentiel : c’est la connaissance du singulier. Chez Aristote il y a une contradiction entre son ontologie et son épistémologie. La première privilégie l’individu, la seconde déclare qu’il n’y a de sens que du général. Soit on fait des substances individuelles des collections d’universaux (mais ce n’est pas possible car il y a de la contingence) soit on admet que la connaissance du singulier est possible. Au Moyen-Âge le problème est traité soit : par individuation par des faisceaux de qualités, par accident, par une caractéristique spécifique (selon la forme, la matière ou l’haeccéité). La métaphysique s’identifie à l’ontologie mais pas à la théologie ni à la logique. Haeccéité : soit une différence individuelle : « cette » chose (attention ce n’est pas une désignation). À côté, il y a la connaissance intuitive, soit pour un intellect infini ou pour un intellect fini. L’enjeu est : si je connais la vérité des énoncés contingents, il faut bien que j’aie une connaissance même limitée des singuliers en tant que singuliers (ici Duns Scot ouvre à l’étude de la perception et à la mémoire). La mémoire est souvenir de vision. L’entité individuante n’est ni forme, ni matière, elle est la réalité ultime du composé. Dans l’ontologie contemporaine le problème tournera autour d’exemplification et instanciation. Quant à la question du possible, elle renvoie à deux façons de penser les modalités. Aucune possibilité authentique ne demeure éternellement non réalisée. Ce qui n’est jamais est impossible. Ce qui est toiujours l’est par nécessité. Rien d’éternel n’est contingent. À côté, il y a la distinction ontologique qui pense la possibilité en termes de potentialité. Et du coup il y a un problème avec la notion de liberté. Il faut dans la contingence dégager les conditions de l’acte libre. L’occasion de la liberté est un événement de bifurcation où se séparent deux lignes du monde : où il y a le salut, où il y a la perdition. Il y a une perfection de la liberté dans la mesure où elle suppose l’intentionnalité de la volonté comparable à l’intentionnalité de l’intellect. Duns Scot dégage une puissance logique qui est aussi une puissance réelle, la simple puissance logique est la non répugnance des termes. Est possible un état de choses non contradictoire, c’est-à-dire dont la description n’implique pas des termes qui répugnent l’un à l’autre. De ce point de vue, l’énoncé « il peut y avoir un monde » est logiquement possible avant la création. Mais Duns Scot ne raisonne pas en termes de mondes possibles : « il y a un monde » est vrai au moins dans un monde. Il se maintient dans un cadre actualiste où c’est le monde actuel qui est possible avant la création. Il y a articulation entre possibilité réelle et puissance réelle au-delà de la non-répugnance. La puissance métaphysique ne doit pas être confondue avec la puissance naturelle. Une chose non nécessaire et actuelle est possible. Avicenne inspire cette pensée. La métaphysique n’est pas qu’une rumination de l’être car elle forge les concepts d’essence, de possibilité, de substance, de propriété, d’objet.

Chapitre 14 : Leibniz et le vague modal réel ou conceptuel 

Leibniz va ouvrir quelque chose de tout à fait nouveau sur le possible. Au départ il faut analyser la définition du possible en termes d’essence puis examiner la notion de vague, de l’Adam vague. 

La raison complète d’un état du monde donné ne peut se trouver dans l’état antérieur, donc il faut admettre une unité transcendante à la série des états du monde qui en est la raison complète. Il recourt à trois moyens : l’analogie, la supposition, la déduction. Il y a prévalence de l’existence sur la non existence, l’essence n’est que la possibilité de l’être. Il nous faut donc passer de la nécessité physique à la nécessité métaphysique. Si la possibilité de l’existence qui est une perfection, est l’essence, alors la quantité d’essence est le degré de perfection. Le monde actuel offre le maximum d’essence par rapport à tous les autres mondes qui ne sont que possibles. Le concept d’essence trouve une objectivité. Un mécanisme métaphysique consiste en ce qu’une fois posé le principe de la différenciation interne des possibles par leur quantité d’essence, le principe du maximum s’applique pleinement. Le maximum d’effet doit être fourni avec un minimum de dépense. 

Un individu ne peut pas appartenir à plus d’un monde possible. Et voilà Adam. Pour l’Adam possible, il y a ce fait objectif que la connaissance d’autres possibles est entachée d’un certain vague. Existe-t-il un vague pour Dieu ? Sextus fait un rêve de la pyramide inversée où la pointe est le monde actuel. Que Dieu prévoie p n’implique pas que p est nécessaire. Le monde où Judas trahit est le meilleur monde possible et c’est dans notre monde actuel. Il n’y a pas de vague réel. 

Les principes métaphysiques sur les possibles s’appliquent à la preuve de l’existence de Dieu. Il suffit que Dieu soit possible pour qu’il soit nécessaire. L’ontologie comme science de l’être en tant qu’être nous conduit à oublier que l’ontologie peut être la science du possible, une théorie de l’objet et même de quelque chose. Sous res, ens, esse est exprimée une catégorie plus générale que les autres, un supertranscendantal.

Cinquième partie : la métaphysique, le retour

Chapitre 15 : la métaphysique de l’atomisme logique

Le tractatus logico-philosophique de Wittgenstein et les leçons sur l’atomisme logique de Russell sont des textes métaphysiques cherchant à définir une analyse ultime des constituants de la réalité.

La fonction de cette philosophie consiste à voir correctement le monde. Le dépassement que Carnap appliquera à une philosophie scientifique, Wittgenstein le pratique par rapport à sa propre philosophie. Les énoncés métaphysiques sont vides de signification au moins en partie, en raison de l’usage que nous avons du langage. La métaphysique doit utiliser le langage commun en détournant ses termes de leur sens original. 

Peut-on concevoir dans ces conditions, une ontologie ? Carnap a repris Wittgenstein sur la question de la démarcation entre métaphysique et science. Mais là où les positivistes imposent une séparation par l’extérieur, personne ne comprend que Wittgenstein travaille à fixer des limites en insistant sur la nécessité que cette démarcation soit opérée de l’intérieur. Dans le Tractatus, il s’agit de découper des touts en parties ; en logique les connecteurs aident à dégager la forme des états de choses. 

Wittgenstein évite les propositions métaphysiques, se contentant de division catégorielle à priori : le monde actuel se situant parmi une infinité de mondes possibles à l’intérieur d’un espace logique. Le point de départ c’est le monde comme tout ce qui a lieu. Le monde se décompose en faits. Les faits sont la subsistance d’états de choses. La distinction exister/subsister est essentielle : Wellington est aux antipodes de Paris : être aux antipodes est subsistant, Wellington et Paris existent.  Est-ce que les états de choses subsistent ? la subsistance désignant un mode d’être idéal et dépendant. L’état des choses est relationnel, c’est une connexion d’objets. L’état de choses est donc subsistant alors que les objets existent, c’est-à-dire jouissent du statut d’indépendance.

Modalité : il est certain que toute chose appartient à un état de choses. Il est tout aussi certain que les choses premièrement font partie d’un espace de possibilités, deuxièmement, si elles sont de nature spatiale, sont des parties d’un espace physique, ces deux types d’espace étant en relation. L’objet spatial doit se trouver dans un espace infini. Non seulement la définition de l’objet est modale mais les propriétés qui en découlent sont des propriétés internes. Si la possibilité est inhérente à la nature de l’objet, alors il s’agit d’une propriété interne. Une propriété est interne quand il est impensable que son objet ne la possède pas. La relation interne n’existe pas seulement entre deux situations possibles mais s’exprime dans le langage au moyen d’une relation interne entre les propositions qui la figurent. 

Le monde est la totalité des faits, non des choses. Pour Wittgenstein, la distinction supplémentaire (par rapport à Aristote) entre faits et états de choses a pour objet la description et l’analyse du monde conçu comme une combinaison dans un espace logique, la structure. Le fait est l’existence ou l’inexistence de l’état de choses. Un second volet concerne les relations qui sont étudiées avec difficulté depuis Aristote et durant le Moyen-Âge. Le fait ne peut être considéré comme le fondement de la relation. Si la locomotive laisse souffler de la vapeur, il y a deux relations : entre la locomotive et la vapeur et entre la vapeur et le being blowing de la vapeur, c’est-à-dire la propriété pour la vapeur d’être soufflée. Ces deux relations sont un fait qui à son tour est le fondement de la relation. 

Il faut parler d’une contrainte descriptive qui éclaircisse les relations entre sémantique et ontologie, en fixant la référence à un seul fait. Le fait est défini comme la subsistance ou l’existence d’un état de choses. L’état de choses est du côté du contenu dans un jugement ou une assertion. Mais le statut ontologique de l’état de choses reste ouvert. Wittgenstein est réaliste car l’état de choses, défini comme une connexion d’objets, appartient à la structure ontologique du monde. On est proche de Wolff et de son nexus rerum, sauf que chez Wittgenstein, la considération de la totalité du monde transcende le nexus rerum, parce que nous ne pouvons enchainer les connexions, chaque état de choses ayant son nexus. Le monde est de l’ordre de l’esthétique, de l’éthique, de la mystique. 

On peut se demander quelle est la nature des objets. Bien sûr il y a des tables mais il y a aussi des objets de pensée. Ceux-ci sont définis en termes relationnels car on les saisit par leur rôle dans l’état de choses. Quant aux propriétés des objets, ce sont des propriétés négatives, privatives : elles reviennent à dire que l’objet est privé de structure interne. La seule caractéristique ontologique est la subsistance. Comment construire alors ? car les atomes n’ont pas de caractéristiques ontologiques. 

Wittgenstein prend fortement distance d’avec le langage. Les propositions come les images sont des modèles de la réalité mais ne signifient rien. Cela montre la forme logique du monde comme un échafaudage. 

La PAL (philosophie de l’atomisme logique) dans l’évolution de Russell tient la place d’une révolution ayant servi à rompre avec son idéalisme de départ. En Angleterre, la philosophie de Hegel est reprise par Bradley et Moore. 

Positivement le but de l’atomisme logique est d’arriver au niveau atomique. L’optique de Russell est une analyse logique et métaphysique de la constitution ultime de la réalité. Cet atomisme logique se distingue de l’atomisme physique. Toutefois il existe une ressemblance profonde avec l’atomisme physique : ne pas admettre de lien supplémentaire entre les entités de base. C’est un pluralisme qui consiste à admettre qu’il existe une pluralité de constituants de la réalité. La notion d’atomisme logique est relative. 

Le monde contient des faits. Le fait est défini comme ce qui rend une proposition vraie ou fausse. Les faits se répartissent en plusieurs classes : les faits particuliers, les faits généraux, les faits négatifs. Les propositions sont des symboles complexes. Pour progresser nous devons répondre à deux questions : les entité complexes sont-elles vraiment complexes ? les entités complexes sont-elles vraiment des entités ? quelles genres de choses allons-nous considérer à première vue comme complexes ? et ce qui frappe, c’est que cela passe par une analyse des tournures linguistiques. Mais on ne peut imposer entre langage et réalité, un schème rigide de correspondance isomorphe. Il y a une complexité interne de tout fait même atomique : la proposition qui l’exprime comporte plusieurs mots. Il faut toutefois suspendre ce principe cognitif de compositionnalité dans le cas d’éléments simples connus a priori. Il y a alors connaissance directe par contact, par accointance. La définition cesse d’être la voie privilégiée de la connaissance du réel. 

Pour Russell on n’est toujours pas entré dans la métaphysique ; il nous faut engranger plus. Entre les particuliers et les noms propres, deux définitions sont proposées. Les noms propres ne sont pas les noms propres du langage commun. Dans la déictique, l’équivalent d’un nom propre logique renvoie à « ce qu’il y a ».  Les faits les plus simples expriment ou représentent la possession d’une chose particulière. Ce qu’il y a de plus simple est la relation. Par ordre croissant de complexité, les relations sont dyadiques, triadiques, constituant une hiérarchie cumulative de faits atomiques exprimés par des propositions atomiques. Le fait atomique n’est pas dépourvu de structure mais il est atomique dans la mesure où il n’y a pas connexion entre ce fait et un autre fait. 

Il nous faut maintenant éclaircir ce qui concerne les relations elles-mêmes. Les problèmes métaphysiques des relations sont de deux types : d’une part la possibilité d’une classification des relations, d’autre part la pertinence d’une réduction des relations à des propriétés. La deuxième voie, celle de la réductibilité, est fort étudiée. La raison en est que cette métaphysique a comme catégories fondamentales la substance et l’attribut. Si l’attribution se laisse exprimer par la prédication, il n’en va pas de même pour une relation qui se laisse difficilement exprimer dans une métaphysique de la substance et de l’attribut s’exprimant essentiellement par la prédication d’une qualité à une substance. 

Faits disjonctifs, conjonctifs, négatifs ? en fait il y a des faits moléculaires établis sur : ou, et, si alors. À cela il faut ajouter une sémantique des opérateurs qui sont des fonctions de vérité, vrai ou faux. C’est à propos des opérations sur les faits atomiques que se pose la question des faits négatifs. En effet la négation est un opérateur qui appliqué à un fait atomique produit un fait atomique modifié. Les faits sont individués subjectivement dans des croyances et si la négation porte sur une croyance, c’est effectivement un argument contre les faits négatifs. Il ne peut y avoir de faits négatifs dans le monde.

La logique ne trouve pas des réponses définitives et toutes les différences qui précèdent accumulent plus des interrogations que des affirmations. Russell refuse la théorie d’un opérateur de croyance. Russell refuse les relations particulières ou individualisées par leurs porteurs. La seule solution est de soutenir que la croyance est un fait irréductible ? Toute la difficulté est de faire face à l’énigme de savoir traiter l’erreur sans supposer l’existence du non existant. S’il n’y a pas de relation mais l’apparence d’une relation, que connecte le fait de la croyance ?

L’usage de la logique traite de l’existence du rapport du langage à la réalité et de la stratification de cette dernière. Les théories formelles, logiques ou sémantiques impliquées sont essentiellement la théorie des descriptions et la théorie des types. Ce n’est pas la logique qui nous dit ce qu’il y a et ce n’est pas l’ontologie qui dicte sa forme à la logique. La théorie de la quantification et l’analyse de la fonction et argument ont des profondes conséquences métaphysiques. On va se demander quels sont les énoncés qui indiquent l’existence ? ce qui est affirmé dans la proposition générale, c’est la vérité de toutes les valeurs de la fonction propositionnelle. C’est la saturation qui produit l’existence par la prédication du terme général.  La fonction propositionnelle peut être nécessaire, possible, impossible. On peut alors définir l’existence à l’intérieur de la proposition quand il y a au moins une valeur pour laquelle cette proposition est possible et pour laquelle la proposition est vraie. 

La métaphysique de l’atomisme logique nous livre les formes pures de l’existence mais c’est hors de la logique qu’il faut chercher les raisons de constater l’existence : dans l’analyse du jugement synthétique d’existence. L’existence est-elle un prédicat ? Russell distingue deux jugements singuliers d’existence. L’existence nécessite l’occurrence primaire qui réclame la description, donc l’existence réclame la description. On ne peut pas dire si les individus qui se trouvent apparemment dans le monde existent à l’aide d’une simple énumération ; il faut un contexte référentiel. Affirmer que les lions existent ce n’est pas la même chose que de dire que les lions sont possibles. C’est la fonction propositionnelle qui est possible et non les lions. Exister ne signifie pas être dans le temps et l’espace. Russell ne s’intéresse pas à la phénoménologie ni à la métaphysique existentielle.

Ce qui concerne la théorie des types peut être entendu de deux manières. Mais il faut éviter les paradoxes. Avec Russell, il faut traiter les classes comme des symboles incomplets et d’autre part remplacer la totalité des classes par une hiérarchie de classes en interdisant la réflexivité. Les classes sont des fictions logiques. Alors a-t-on un réalisme manqué ? Russell prend comme exemple l’identité des objets matériels à travers le temps ? le bureau est une série de particuliers reliés entre eux à travers le changement, particuliers que nous identifions comme le même. Envisagé de cette façon, le bureau n’existe pas.

Plus encore que par rapport au passé antique et médiéval, la métaphysique contemporaine est traversée de tensions où chaque approche a toute sa pertinence. Nef ne rejette aucune d’entre elles même s’il développe sa préférence dans le dernier chapitre.

Chapitre 16 : Mc Taggart entre idéalisme et réalisme

La TNE (The Nature of Existence) se compose de deux volumes dont on résumera seulement le premier, qui contient sa métaphysique. La réalité est indéfinissable. Tout ce qui est, est réel. L’existence aussi est indéfinissable. S’il est vrai qu’une chose existante est réelle, il n’est pas vrai qu’une chose réelle soit nécessairement existante. Il faut cependant étudier les entités non existantes comme les propriétés avant d’éventuellement les rejeter. De même les caractéristiques de l’existant elles-mêmes, c’est-à-dire les qualités et les relations, peuvent peut-être ne pas être considérées comme existantes. Il faudra éliminer la réalité du non existant. Nous montrerons que dans tous les cas où nous devons reconnaitre empiriquement une réalité non existante, son caractère de réalité vient d’une relation à l’existence. Mc Taggart parle ici des propositions, des possibilités, des caractéristiques. 

Pour étudier la réalité supposée des propositions, il faut creuser la théorie de la croyance et de la vérité. « Il me semble que la vérité come une caractéristique des croyances, peut êtrre définie comme une relation dans laquelle se tient la croyance et qui est la correspondance à un fait ». La relation de correspondance est indéfinissable. Mc Taggart accepte que sa théorie puisse être nomée une théorie dépictive dans la mesure où une image peut donner une information sur l’objet sans être une copie exacte de l’objet. La conséquence de l’analyse de la croyance, c’est qu’il n’y a pas de raison pour affirmer que la vérité des croyances entraine des correspondances avec des propositions vraies. L’enjeu est de quoi faire devant les entités abstraites. Il prend au sérieux les défenseurs des propositions. Et aboutira à une nuance : on remarquera que la doctrine de la croyance en termes de faits accepte que la croyance porte sur des propositions ou des relations si elles sont les caractéristiques de faits existants. La conclusion de tous ces développements est qu’il n’y a pas besoin des propositions ; toutes les caractéristiques sont existantes et même les croyances sur des possibilités se réduisent à des croyances sur des caractéristiques.

La méthode de Mc Taggart n’est pas inductive. On croise Kant. Les caractéristiques qui appartiennent à l’existence comme un tout ne peuvent être atteintes par induction car l’induction commence par observer que les caractéristiques en question sont possédées par les membres de classes, or l’existence comme un tout ne peut être une classe mais une chose unique. De plus le nombre de choses existantes est si grand que l’inductionne s’achèverait pas. Mc Taggart n’accepte pas le caractère probabiliste de toute connaissance métaphysique. Cependant il existe une source empirique de la connaissance métaphysique, c’est la perception. On peut aussi se demander quelle relation existe entre la méthode de Mc Taggart et la méthode hégélienne même s’il insiste sur ce qui l’en sépare. Mc Taggart est un idéaliste objectif, ce qui est parfaitement compatible avec le réalisme métaphysique. 

Est-ce que quelque chose existe ? Mc Taggart commence par « rien n’existe ». Il suit un ordre déductif et dérive la catégorie de la qualité de celle de l’existence. Dire que l’existant existe sans qualités équivaut à dire que rien n’existe, car ce qui existe a nécessairement une nature en plus de son existence. La qualité est indéfinissable. Tout ce qui est vrai de quelque chose est une qualité. La relation introduite est « vrai de » et ne doit pas être confondue avec vrai. Or cet argument est un cercle vicieux. Tout ce que nous pouvons faire s’il est impossible de définir la qualité, c’est d’en donner des exemples ? Toute chose existente a au moins trois qualités : au moins une qualité quelconque qui est la qualité d’exister ; et donc la qualité d’avoir plusieurs qualités, celle d’être multiplement qualifié ; ce qui joue un rôle de clôture de la multiprédication. Mc Taggart en vient à distinguer des qualités simples, complexes, composées. La qualité composée de toutes les qualités d’une chose existante est appelée la nature de cette chose. De la nature d’une chose, il faut cependant distinguer sa substance. 

McTaggart est un partisan de la substance. Il faut analyser le fait d’être reliée pour une qualité à la substance come dérivant d’un fait primitif. Mais ce n’est pas tout. Dupont n’est pas seulementlié à la qualité du bonheur, il est heureux. C’est un fait primitif et le fait qu’il est lié à la qualité de bonheur est seulement dérivé. La distinction est nécessaire pour éviter une régression à l’infini. La substance existe. Est-ce que la substance est différenciée ? pour Mc Taggart, il faut s’appuyer de nouveau sur la perception. À moins que le solipsisme soit vrai, j’existe en même temps que quelque chose d’autre. La structure même de l’acte de percevoir prouve la différenciation des substances : il faut distinguer l’acte, de la donnée reçue de façon perceptive. Mc Taggart par contre n’arrive pas à contr’argumenter face aux sceptiques. D’où le caractère probable de ses conclusions. Hegel chez Mc Taggart est profondément intégré même si c’est de façon complexe.

Il nous faut nous attaquer à l’étude des relations entre les substances. Cela revient à un approfondissement de la théorie des touts et des parties. Vu que les données perceptibles sont des substances, les relations touts/parties seront nécessairement complexes vu l’enchevêtrementdes types de relations. On distingue les relations de dépendance et les relations de fondement. Les relations sont indéfinissables. Les relations sont simples, composées ou complexes ; elles peuvent être réflexibles, irréflexibles, non réflexibles ; symétriques, asymétriques, non symétriques ; transitives, intransitives, non transitives. La définition de ces propriétés est la définition mathématique d’identité, diversité, similarité. À tout ceci il faut ajouter la relation entre substance et ses qualités, entre substance et tout terme avec lequel elle a une relation. Toute cette subtilité rappelle un point capital : montrer que toutes les substances sont dissemblables. Dans la mesure où une substance est une unité, ses qualités sont mutuellement dépendantes. Les relations sont de plusieurs types. Il y a des relations entre substances, entre substance et ses qualités, entre les qualités d’une substance. Il y a également la relation d’un tout à ses parties. Et c’est la contrepartie de la relation de dépendance mutuelle, soit la relation de manifestation. 

On en vient à la notion de correspondance déterminante entre la substance comme tout et ses parties. Pour cela il faut envisager davantage la divisibilité des substances. Nous sommes où il faut démontrer ou non l’existence d’un ordre dans l’univers. Il y a trois types d’ordre : causal, sériel, classificatoire. Il faut en plus une autre condition. Il faut que le système soit fondé sur les qualités essentielles des parties. Or nous ne connaissons pas ces qualités essentielles. On n’a donc pas de moyen de dégager une relation d’ordre de l’univers. Il manque l’existence de substances simples. La divisibilité des substances ne doit pas être pensée uniquement come divisibilité spatiale. La perception ne nous assure pas du caractère atomique du monde ; tout ce que nous percevons c’est une substance ; nous ne percevons rien de simple parce que nous percevons dans le temps. Ceci dit il pourrait y avoir du simple que nous ne percevons pas.  Pour Mc Taggart, il est équivalent d’avoir des parties et d’avoir un contenu. Existe-t-il des substances sans contenu ? « Les substances ont un contenu » est auto-évident et primitif. On est dans le domaine du synthétique et non de l’analytique. Il faut que la substance ait une structure interne. L’inexistence du simple est déduite d’un fait, qui est auto-évident, que toute substance a un contenu. Et si la connexion réelle entre le simple et le complexe qui existe dans les qualités est accessible à la perception, c’est en raison d’un présupposé réaliste qui fait que notre perception se conforme à la structure profonde de la réalité, en ce qui concerne la structure interne des substances ; de nouveau il y a ici une illusion, celui du substrat matériel des qualités.Nous voilà à pied d’œuvre pour un retour à la correspondance déterminante. Il y faut cinq conditions : 1) partant d’une relation entre une substance C et une partie d’une substance B qu’on appelle condition déterminante (cd) si elle est telle qu’une description suffisante de C, qui inclut qu’elle est en relation avec B, détermine intrinsèquement une description suffisante de la partie B en question : 2) une relation de cd est une relation telle qu’un terme déterminant peut déterminer plus d’un terme déterminé ; 3) c’est une relation telle que B ! C (à lire : pour cette partie de B qui correspond à C) est déterminé par un déterminant C, tandis que C, bien que pouvant être le déterminant direct de beaucoup de parties de A, est le déterminant direct de seulement une des parties de A qui tombe sous B ; 4) elle est dans certains cas réciproque ; 5) elle est telle qu’il est possible d’avoir un tout divisé dans un ensemble de parties, et chacune de celles-ci dans un ensemble de parties, et ceci à l’infini, d’une façon telle que les descriptions suffisantes de toutes ces parties sont déterminées au moyen de cd, par une description suffisante de tout.

Chapitre 17 : AN Whitehead

Le holisme de Whitehead discerne l’action de Dieu dans la nature. Il est réaliste au sens où le sujet provient du monde plutôt qu’il ne le constitue. Il considère une totalité en devenir qui englobe tout.

Whitehead a étudié les mathématiques. Mais ce qu’il pense, c’est surtout que les schèmes logiques représentent les propriétés du monde des choses existantes. L’originalité par rapport à ses prédécesseurs en la matière (géométrie, physique) dont les théories de l’espace étaient séparées de celles du temps et du mouvement, est de proposer de partir d’une construction où l’espace joue le premier rôle et où les particules de matière sont dérivées (importance des déformations de l’espace).  Une seconde période ensuite est consacrée à l’épistémologie et la philosophie des sciences. Ici la stratégie consiste à appliquer les outils logiques et mathématiques pour donner un concept du temps plus conforme à l’essence de la temporalité, dans les relations des événements. Ici il use de l’abstraction extensive. Cette méthode est un outil topologique par lequel on définit des entités géométriques comme des points à partir des concepts de touts et parties de recouvrement, comme des relations entre des volumes d’une certaine taille et de même forme qui se contiennent comme des poupées russes. L’objectif est d’en dériver les événements dépourvus de durée, le continuum des instants ordonné linéairement et similaire au continuum des nombres réels. La théorie des événements est conçue comme expression du phénomène fondamental de l’univers, le devenir. Ce travail sur le temps trouve son origine dans le choc que fut la découverte de la relativité. Cette théorie offre la possibilité d’adopter l’un ou l’autre point de vue local sur l’univers en le liant de façon rigoureuse. Le caractère relativiste de la métaphysique signifie la possibilité effective de dépasser le caractère arbitraire des points de vue locaux. Une troisième période s’ouvre avec Samuel Alexander qui introduit la notion d’émergence. Les traits catégoriaux et à priori de l’expérience sont considérés comme des traits objectifs ne renvoyant pas seulement comme éléments d’un schème conceptuel. Whitehead est métaphysicien de l’émergence surtout quand il considère Dieu comme la qualité émergente la plus haute.

L’œuvre majeure est « Procès et réalité » et elle synthétise ce qui était en recherche séparée jusque là, rejoignant l’objectif de lier espace, temps et mouvement. C’est une philosophie spéculative révisionnelle qui intègre dans un schème unique l’évolution de la matière, du vivant ou de l’esprit. Le cosmos est bien sûr soumis à la loi de la corruption mais il est aussi nouveauté perpétuelle. Whitehead écrit la métaphysique de la physique mathématique relativiste en intégrant une vision évolutionnaire du cosmos où l’apparition du vivant et de la conscience fait partie du même processus de création. La philosophie a plusieurs points de départ à la fois équivalents et distincts : le mécanisme de la mémoire, l’appréhension de l’être comme devenir, le flux et la création actuelle de la nouveauté dans la nature. C’est une épistémologie puisque le développement de la science part du pur qualitatif, passe par la mécanique et en vient au caractère organique du vivant. 

La clé de cette œuvre est « Le Timée ». Parmi les Idées générales se trouve celle de la participation du temps à l’éternité. Un objet éternel est pure possibilité.  Deux idées du Timée structurent le travail : 1) la structure ultime de la réalité est constitué par des structures mathématiques, des rapports arithmétiques, des formes géométriques (Kepler, Galilée), 2) la nature de l’espace, contenu extensif, est la manifestation d’’une potentialité originaire, d’un continuum à l’état brut, la chora, matrice et nourrice qui est pure potentialité qualitative prenant la forme d’un espace assagi par la géométrie. La seconde source est l’empirisme de Hume et de Locke. Le projet est d’étendre à la métaphysique la méthode de l’analyse des idées et des impressions. En retrouvant la théorie des dispositions et de l’essence comme constituant interne, apparaissent les germes d’une pensée qui combine l’idéal platonicien de connaissance pure (et non en dépendance de l’action) avec la méthode expérimentale étendue à la métaphysique en appui sur la mathématique qui donne une notion souple de la rationnalité. Whitehead n’a pas peur de se coltiner avec le point où toutes les métaphysiques ont achoppé : la recherche de connexité ultime. Sa cohérence n’est pas de développer de façon linéaire une pensée unilatérale ; une pensée cohérente est celle qui recherche une compréhension à la fois du changement et de la permanence. Comme Platon, il ne cesse de chercher à comprendre comment des formes émergent du flux perpétuel. Whitehead est un métaphysicien de la forme et de la croissance, que ce soit la croissance des arbres ou des civilisations puisque son concept de société englobe les sociétés de cellules et les sociétés d’individus. Enfin il a frayé la voie à une méréologie des événements.

Chapitre 18 : l’ontologie analytique et la métaphysique : mondes possibles, propriétés, essences

Ce chapitre ne peut être résumé car il est déjà une synthèse qui présente les courants principaux. D’emblée Nef classe les dix questions les plus disputées. Ainsi classe-t-il les courants depuis la métaphysique particulariste, suivi du réalisme modéré ou thomisme analytique, la métaphysique des mondes possibles, l’analyse conceptuelle, l’ontologie méréologique, pour en venir au néomeinongisme. Les questions les plus travaillées concernent : la nature des propriétés, la dispensabilité des universaux, les relations entre abstrait et concret, la nature de la causalité et la nature des états de choses. 

La métaphysique analytique n’est en rien un courant homogène mais il existe un certain nombre de normes respectées par tous : le dialogue avec la science, la disjonction radicale de la métaphysique et l’histoire de la métaphysique, la croyance en une progressivité de la démarche métaphysique. Nef règle la question de savoir si on travaille aujourd’hui une ontologie ou une métaphysique et tranche en faveur de la seconde. Le fil conducteur retenu est la présentation du livre de Lewis : la pluralité des mondes. Cela réclame de comprendre Quine, Hintikka, Armstrong. Il faut saisir les enjeux de débats sur les particuliers abstraits et comprendre les développements formels importants : logique modale, méréologie, probabilités. Dans la controverse emblématique entre Lewis et Armstrong, s’est éclairée l’importance de la question des modalités et des propriétés car au bout de cette dispute, il faut choisir un camp : entre des mondes définis comme des ensembles d’états de choses, eux-mêmes composés de particuliers et d’universaux dont la combinatoire produit des modalités conceptuelles (Armstrong) ; et des mondes définis directement comme des ensembles de propriétés, mondes possibles tous existants qu’aucune combinatoire ne peut épuiser (Lewis).

Chapitre 19 : l’avenir de la métaphysique

Si le fond sur quoi il faut apprendre à repenser est le nihilisme, il y a un choix métaphysique à faire : entre fiction et réalisme modal ; entre universalisme et particularisme. Ce choix prend consistance dans une métaphysique des tropes.

Les tropes sont les briques de la réalité.

Historiquement au 20ème siècle, les métaphysiques ont cherché à penser les faits (Russell), la substance (Mc Taggart), l’événement (Whitehead), les états de choses (Armstrong), les propriétés et les mondes possibles (Lewis), les particuliers (Williams). 

À tous les coups on tourne autour des concepts d’essence et de vérité. La modalité et donc le réalisme modal rend compte de l’intuition de Frederic Nef que : – les existants sont tous singuliers ; – et les choses auraient pu être différentes. On a besoin de résoudre l’indexalité de l’actualité. Il est temps de se centrer sur la nature de l’identité, sur la critique des particuliers, sur la nature de l’actualité, sur le statut des choses possibles. Il y a aujourd’hui deux questions : l’existence et son énigme, l’articulation de l’existence dans le possible.

Les tropes sont l’occurence d’une essence, soit des particuliers abstraits. Et cela renvoie à l’histoire des Universaux. Williams précise que les tropes sont l’alphabet de la réalité. Il parle de faisceaux comme de collections de propriétés. Vu que les particuliers manquent de structure, les faisceaux sont des modes d’organisation reliant les éléments sans les hiérarchiser. 

Et voilà une série de questions. Les propriétés sont-elles générales ? Quel est le lien des propriétés dans un faisceau ? Qu’est ce qu’un fait métaphysique ? Est-ce un fait de second ordre par rapport à un fait physique concernant des étants concrets ? 

Un fait métaphysique est un fait qui survient sur des états de choses d’un monde possible pour en dégager les lois. Il n’est pas étonnant que cela aboutisse à une théorie des vérifacteurs. En gros il y a deux faits métaphysiques essentiels mais opposés : 1) les étants concrets sont des particuliers qui se différencient numériquement les uns des autres et qui ont le plus souvent des différences qualitatives ; ceci renvoie au problème de la connaissance des singuliers et de leur nécessaire fondement ontologique ; 2) les étants concrets forment des unités d’éléments rattachés à ces étants pour qu’ils ne se dispersent pas dans l’espace ; ceci renvoie au problème de la connaissance des substances et d’un substratum : on souhaite avoir des substances individualisées mais on souhaite que les substances forment le lien des propriétés. La question du lien croise celui de l’individualité. 

Avec Frederic Nef on oscille entre un « ou bien ou bien ». Brentano dit : la substance individualise les propriétés qui lui sont inhérentes. Cette relation d’inhérence est difficile à fonder. L’alternative serait de réfléchir en termes de propriétés et non plus de substances. 

Et revoilà la série de questions. Ces propriétés sont-elles générales ? Comment ces parties tiennent ensemble pour former un tout vu que l’univers est plein de trous ? Autrement dit, qu’est-ce que la structure du monde ? Est-il peuplé d’objets ?

Les objets appartiennent à des états de choses où ils se rapportent les uns aux autres en s’agglomérant pour former des mondes. Les mondes appartiennent à un vaste conglomérat de mondes possibles. Tout ceci s’appuie sur la combinaison d’un particulier et d’une propriété. Mais les propriétés, comment tiennent-elles ensemble ? Est-ce par un continuum vu qu’il y a juste juxtaposition ? On en revient à des faisceaux selon une relation de coprésence.

Tout ce préalable prend le temps de rassembler une boite à outils (une ontologie) requise pour traiter le problème (métaphysique) des relations. 

Le cheminement « ou bien ou bien » glisse vers un « et-et » et amène à la question des universaux en lien avec les particuliers. Mais maintenant on garde avec soi les acquis de l’alternative : celle des substances et des tropes.  

Cette alternative seule s’épuisait dans le problème de leurs relations : de fondement, d’accompagnement, de manières d’être, pour en arriver à l’idée de noyau des tropes dans les substances. Alors comment ne voyez-vous pas que les tropes permettent de former des classes de ressemblance et sont donc des universaux conceptuels ou linguistiques.  A contrario comment voulez-vous établir des ressemblances (et des lois) sans abstraction en suivant l’alternative de se passer des tropes. Cette option de se passer des tropes ne tient pas la route. Mais la voie qui ne retient que les tropes est-elle intéressante ? 

Dans cette voie d’un particularisme radical, accompagné d’une forme de réductionnisme, que Frederic Nef parcourt pour la critiquer et la rejeter, la structure ontologique suppose la structure physique mais sans qu’il y ait covariance forte entre les particules élémentaires et les tropes. Il n’y a pas à déceler seulement des régularités mais aussi des solidarités. On arrive à la notion de survenance. Nef préfère user de la notion d’émergence qui en est proche. Quoiqu’il en soit, la question est de ce qu’on met dans la structure physique. L’Intelligence Artificielle ne peut se passer , au delà de son mécanisme, de l’auto-organisation qui implique des thèses holistiques. Sa prétention de se suffire d’une structure physique pour être à l’origine des événements en jouant avec des mécanismes de corrélation échoue, car la force d’émergence est un mécanisme métaphysique qui a une base matérielle : les tropes. C’est ici que survient Whitehead qui rappelle que nous ne vivons pas dans un univers de tropes mais au milieu d’arbres. La géométrie médiatise trois mondes : des formes, de la nature ‘et ses objets), et des tropes par quoi on accède à l’universalité.Voilà la boucle est bouclée. Pour répondre à la question de pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien, on recourt à la fiction car elle supporte notre foi dans la réalité cohérente où nous sommes plongés.