La force de ce livre est dans une recherche incessante. Le travail n’étant jamais fini, la réalité dépassant toujours la compréhension que l’on en a, l’auteur témoigne ici de sa capacité de revoir la théorie quand elle est démentie par les faits. Cela a pour conséquence que la lisibilité du propos réclamerait de ma part une meilleure connaissance de tout le background supposé acquis, en démographie bien sûr, en anthropologie mais surtout en histoire.
Avant-propos : un tableau simplifié des structures familiales
La famille nucléaire pure : la structure contient un couple et ses enfants. Ceux-ci doivent s’éloigner à l’adolescence et fonder par le mariage des unités domestiques autonomes. Cette structure inclut la liberté absolue de tester. (UK, USA).
La famille nucléaire égalitaire se différencie de la précédente ; on considère les parentés paternelle et maternelle comme équivalentes mais d’une importance secondaire. (FR).
Ces 2 structures mettent des accents différents sur la liberté ou au contraire sur l’égalité.
La famille nucléaire à corésidence temporaire : elle a pour objectif ultime l’indépendance des enfants mais prévoit une phase de transition de plusieurs années avec la génération précédente, et ce selon 3 modes ; la bilocalité (aussi appelée indifférenciée), la patrilocalité et la matrilocalité.
Il est bon de savoir que la structure nucléaire indifférenciée est celle adoptée par l’homo sapiens. (BE).
La famille souche : elle désigne un héritier unique, généralement l’aîné des garçons qui prend la majeure partie du bien familial. Le jeune couple séjourne en corésidence patrilocale et ce sur 3 générations. On parle ici de patrilinéarité de niveau 1. (D, JAP).
La famille communautaire exogame : elle est patriarcale et établit l’équivalence des frères et un principe de supériorité masculine. Tous les fils restent associés au père et trouvent leurs épouses hors du groupe initial ; les filles sont échangées entre les ménages complexes patrilinéaires. À la mort du père, l’héritage est divisé de façon égalitaire entre frères. On parle ici de patrilinéarité de niveau 2. (RUS, CHINA).
La famille communautaire endogame : elle associe un père et ses fils mais le mariage se fait entre les enfants de 2 frères (cousins donc mais pas croisés). Le mariage exprime la force et la continuité des affections (axe horizontal qui assure chaleur et sécurité). On parle ici de patrilinéarité de niveau 3. (Monde musulman ARABO-PERSAN).
Particularité non négligeable vu son poids démographique, la famille nucléaire à corésidence patrilocale présente une variante en se complétant par un mécanisme endogame qui encourage le mariage entre cousins croisés. (INDIA sud).
Une carte européenne complète donne la mesure des contrastes, questionnant la capacité de l’Europe à former un tout. Il faut savoir que le type prédominant est la famille souche (36%) mais il n’y en a pas qu’en Allemagne (qui pèse pour 53% dans ce type), les autres pays étant la Suède, les Pays-Bas, la Tchequie, Slovénie, Vénétie, Occitanie… Les autres types ne pèsent pas plus de 20%. Par conséquent d’autres facteurs seront à dégager pour expliquer l’unité de l’Europe.
La différenciation des structures familiales commence en Eurasie, il y a 6000 ans
Le point de départ de l’analyse part donc de la localisation géographique des types de structure familiale et s’appuie sur le principe du conservatisme des zones périphériques.
Sur la périphérie nous trouvons des systèmes familiaux nucléaires insérés dans des structures de parenté indifférenciés.
Un système de parenté indifférencié s’oppose à un système patrilinéaire qui sélectionne la lignée masculine pour la transmission des statuts et des biens et s’oppose à un système matrilinéaire qui privilégie la lignée féminine. Les types matriléaires se trouvent comme la famille souche sur le front de progression du principe patriléaire. Aboutie la mutation patriléaire conduit au type anthropologique le plus lourd, la famille communautaire. Simplement amorcée la mutation n’engendre que la primogéniture masculine.
Pour aller plus loin, il faut utiliser une autre méthode, historique.
Nous entrons dans le vif du sujet. Ce livre se démarque par rapport à ceux qui l’ont précédé. 6000 ans après l’invention de l’agriculture commence la différenciation à distance du fond indifférencié.
Il y a donc d’abord la primogéniture car elle permet de transmettre sans le diviser un bien foncier.
Ceci suppose toutefois un système politique qui contrôle l’espace régional : tant qu’existent des terres à conquérir, il n’y a pas besoin du privilège de l’aîné. La famille souche suit logiquement la primogéniture ; on est au premier stade de l’émergence patrilinéaire.Les nomades tombent admiratifs devant les bienfaits de la sédentarisation mais ils n’ont pas besoin de la primogéniture, aussi ils inventent une application du principe de supériorité masculine cherchant à symétriser les positions des fils dans la vie de groupe : le principe patrilinéaire définit un ordre militaire adossé à une hiérarchie guerrière ; le clan est une armée dans le civil, une société civile faite pour la guerre. Par le rapt, les nomades armés asservissent les sédentaires fragiles en transformant leur système familial, de souche vers communautaire.
La symétrisation des fils rend ce principe patrilinéaire absolu car en l’absence d’héritiers mâles la famille ne peut survivre. Ici le statut de la femme baisse encore d’un cran, on est au niveau 2 de la patrilinéarité.
L’histoire de la périphérie européenne est récente.
La primogéniture masculine n’y apparait qu’au Moyen-Âge dans l’aristocratie franco-normande (11ème s.). La forme souche atteint la paysannerie à partir du 13ème s. mais ne se fixe que dans certaines régions allemandes. Dans le bassin parisien on a résisté à la primogéniture par l’égalitarisme du commun contre la noblesse. En Allemagne c’est la noblesse qui réagit au 14ème s.Cette esquisse va être reprise.
La dynamique due à la confrontation des sédentaires et des nomades
Plutôt que de résumer ce chapitre qui ne nous servira pas pour la suite, il est important d’épingler un développement qui donne le fil conducteur et la portée de ce livre. Dans une analyse des relations sociales, ce chapitre dégage le principe dynamique qui anime les changements de régime à partir de la famille nucléaire, généralisée au départ.
Le lien entre la sédentarité, la patrilinéarité et le communautarisme implique la dialectique sédentaire-nomade car la patrilinéarité du centre influe sur le nomadisme périphérique et ceux-ci fomentent des invasions plaquant une patrilinéarité symétrisée sur la famille souche.
La construction des Etats joue son effet de fixation d’une telle dynamique. Là où on est dans des zones hors influence de ces Etats, des nuances d’indifférenciation du système de parenté créent des réactions matrilinéaires.
Education, idéologie, langue et moralisation
Tout démarre par le lien conjugal ; on adopte ici le raisonnement darwinien (le chimpanzé n’a pas de vie de couple). Un couple stable permet l’éducation de l’enfant. La transmission des connaissances réclame la longévité. L’équivalence des parents s’accompagne cependant d’une division sexuée du travail ; le principe masculin charpente la vie collective. Le statut de la femme est élevé.
L’anthropologie sociale se veut une science dure. L’idéologie apparait importante pour étayer la division du travail dans le respect des tabous des règles.
Pour approfondir, il nous faut user de la notion de territoire : le couple ne vit pas isolé, il y a des agrégats de familles. On observe l’importance des liens horizontaux entre frère et sœur dans l’entr’aide qui perdurera quand sera détruit le réseau de parenté bilatéral. Il faut entretenir un nombre de bras forts et jeunes pour permettre la survie du groupe. Les groupes sont flexibles, mobiles ce que permet l’ouverture toujours possible vers un choix de parenté paternel ou maternel selon les nécessités. Il n’y a pas de préférence pour le lien père-fils. La langue commune élargit encore le groupe par un principe unifiant mais pas politiquement organisé. Il s’agit d’un clivage entre « eux » et « nous « .
La religion développe l’endogamie. Quand la religion faiblit la nation prend le relais.
Les espaces endogames restent poreux surtout que d’origine le système familial est fondamentalement exogame. Les mariages entre cousins sont évités mais le mariage entre cousins croisés est toléré. En fait le principe exogame pèse sur les cousins parallèles. La raison c’est que l’exogamie combat l’identité de nature et la tolérance aux mariages croisés renvoie à la solidarité frère-sœur. Le système des mariages préférentiels ne joue que dans la population historiquement développée. L’exogamie quadrilatérale concerne l’Europe, l’Angleterre et l’Amérique du nord. Mais cela s’observe aussi parfois dans le monde patrilinéaire et communautaire en Russie et en Chine.
Dès l’origine il y a moralisation avec tabou de l’inceste. Le tabou n’est pas culturel. Il y a à marquer une préférence pour l’exogamie contre l’endogamie.
Le concept d’indifférenciation apporte la co-résidence des générations, mais pas de polarisation patri ou matrilinéaire, pas d’inégalité des héritages, la possibilité de divorces ; l’esprit pragmatique domine. Mais l’évolution ira vers la différenciation.
Le judaïsme et les premiers chrétiens dans les rapports entre famille et alphabétisation
La première chose à faire est de se débarrasser de nos idées sur la Bible, qui suggère une famille patrilinéaire mettant l’accent sur la primogéniture.
Au début : la famille est nucléaire et l’évolution vers la complexité doit tenir compte du caractère périphérique et conservateur de Canaan dans le Moyen-Orient.
L’écriture de la Bible est tardive et l’accent sur la primogéniture tient à l’influence sur les scribes des codes de l’époque (néo-assyrien autour de l’an 1000 acn puis néo-babylonien en 600 acn). La première influence concerne la double part de l’aîné et se trouve dans le Deutéronome, la seconde concerne le lignage et la pureté du sang où on trouve des accents patrilinéaires débarrassés de la primogéniture.
Ceci dit, il n’y aura pas d’évolution vers la famille souche en raison d’une troisième influence, hellénistique puis romaine qui apportera un souci pour l’éducation des femmes (du temps des Ptolémées et dans le code Justinien… en 500 pcn).
L’accent sur la bilatéralité est une évolution contrée qui prend à rebrousse-poil ce qui aurait dû empècher l’égalité homme-femme. C’est la diaspora (dans les villes) qui pousse à abandonner la primogéniture puisqu’il n’y a pas de bien foncier à préserver.
Par contre l’originalité du judaïsme sera double car elle impose la transmission de la judéité par les femmes et elle impose un devoir des pères d’envoyer les enfants à l’école pour y apprendre à lire la Torah.
La première originalité s’assure de la judéité des femmes en leur imposant de se convertir au judaïsme. Rien à voir avec la matrilinéarité mais plutôt une bilinéarité comme on le voit avec la seconde originalité qui généralise l’alphabétisation de tous. Il y a donc un rôle des femmes dans la transmission des principes religieux et il y a un rôle des hommes dans le souci d’accéder à des niveaux éducatifs correspondant à l’acquisition de la lecture.
La famille est pragmatique, elle veille à garder son originalité dans un contexte multiculturel : comme pour la famille nucléaire indifférenciée, on observe la co-résidence avec les parents, la récupération des aïeux, un choix libre entre mobilité et stabilité mais une absence du principe d’égalité d’héritage. Dans le mariage les juifs optent pour une exogamie tempérée. La grande innovation c’est la protection des enfants (refus de l’avortement et des infanticides).
Le christianisme des origines est issu du monde juif. En quoi se démarque-t-il ?
Cela commence avec la levée des interdits alimentaires et l’abandon de la circoncision. Mais côté mariage, le christianisme radicalise l’exogamie et protège la structure nucléaire. Il y a une obsession de la consanguinité. Surtout les chrétiens ne veulent pas se limiter à la revendication d’un Etat en Palestine mais se voient citoyens de l’Empire.
La deuxième innovation c’est le féminisme. Il y a une grande unité entre statut élevé de la femme et monogamie absolue, bilatéralité et exogamie radicale.
Les femmes jouent un rôle capital dans le travail de conversion des peuples de l’Empire (classes moyennes et supérieures) freinant du même coup toute évolution vers la patriléarité.
La troisième innovation c’est l’antisexualité qui va de pair avec l’apparition du monachisme de masse. Le célibat est ici structurant.La quatrième innovation c’est la pauvreté comme expérience limite. Ces 2 dernières innovations impriment un nouveau système mental en émergence car il y a à imposer une nouvelle religion (résurrection du Christ et sa nature divine) : une religion n’est pas d’abord une croyance personnelle mais une expérience de partage de croyance dans un groupe humain apportant un bénéfice tangible immédiat, une solidarité absolue et fiable.
L’Allemagne, le protestantisme et l’alphabétisation universelle
Une formule nouvelle et générale s’impose entre 3 variables : Famille, Religion, Alphabétisation.
Ces trois données sont reliées par des flèches allant de variable en variable depuis la gauche vers la droite. Mais ce schéma se complexifie d’un autrelien depuis la famille immédiatement vers l’alphabétisation (variable @) par-dessus la variable religion et aussi une autre à rebrousse poil remontant de la variable religion vers la variable famille. Le constat de ces court-circuits est théoriquement essentiel car prend pour faux l’idée que tout part de la famille.
Le chapitre démarre par une lecture statistique du taux d’alphabétisation (@) au cours de l’histoire.
Les 10% atteints dans l’Antiquité se retrouvent au 11ème s.
Ce pourcentage s’accentue en Allemagne, pays de structure souche où Luther fait naître le protestantisme.
On atteint 45%. Les pays européens vont à partir du 17ème s. suivre le mouvement. Ceci est un préalable aux politiques coloniales ; ce sont ces principes éducatifs qui permettront une politique économique de globalisation. Distinguons déjà globalisation de mondialisation ; la seconde notion est plus générale et cerne la dimension culturelle faisant des comportements féminins des repères essentiels.
La famille souche s’implante là où s’invente l’écriture, soit à Sumer, et c’est là aussi que nait le principe de primogéniture.
Pour les sociétés qui se développent il y a besoin que les acquis se conservent. Le principe de primogéniture engendre le modèle souche car elle est une bonne technique de transmission. Pour bien apprendre une langue (grammaire, lecture, écriture) il faut un système éducatif contraignant, et un cadre autoritaire qui trouve sa légitimité dans l’appui d’une religion centrée autour de l’autorité paternelle (quand elle est forte, elle est signe d’une prédestination).
En France la formule ci-dessus s’articule en plus à une autre légitimation.
La monarchie se transmet dans la primogéniture (lignée des capétiens). Plutôt que de religion on parlera ici d’idéologie.
En Angleterre on voit le protestantisme s’implanter dans les régions où on n’a pas de familles souche.
Mais un autre phénomène y pallie : on veille à n’alphabétiser que les hommes ce qui favorise à terme la structure patrilénaire.
La grande transformation mentale européenne
C’est en Allemagne, région de famille souche que nait la nouvelle mentalité.
Les inventions du livre et du lutherianisme insistent sur une approche immédiate de Dieu, se passant de l’appareil institutionnel de l’Eglise catholique.
La lecture est une acquisition essentielle car elle rend les enfants plus intelligents. En permettant une vie intérieure plus intense, elle réalise une transformation de la personnalité. Mais elle entraine aussi une augmentation des suicides, en obligeant à travailler plus longtemps avec moins de nonchalance. Le sentiment de culpabilité augmente dans un contexte de répression de la sexualité, de repli de la violence privée, de développement des manières de table et d’obsession de la sorcellerie. La frénésie anti-féminine s’appuie sur le principe de primogéniture conduisant à la patrilinéarité de niveau 1.
Il y a une période clé entre 1550 et 1650 dans le nord protestant de l’Europe puis en France et dans les Pays-Bas catholiques.
Les études sur les statistiques de moralité – l’âge moyen du mariage recule, le célibat augmente, l’homicide s’effondre – sont confortées par l’œuvre de Norbert Elias qui faisait une suite conséquente avec le retard du mariage, le contrôle des naissances, la capacité d’épargne, le démarrage du capitalisme commercial puis industriel. L’Allemagne développe un socle réceptif qui fera écho en Angleterre quand celle-ci inventera le capitalisme. Par contre la Contre-Réforme part d’Italie, région de structure communautaire et cela empêchera que s’y amorce la même dynamique.
La mentalité protestante détruit en profondeur le réseau de parenté indifférencié et est une étape dans l’émergence de types nucléaires absolus et de types souches linéaires désencombrés de l’association latérale des parents.
L’importance de la vie intérieure et du sentiment de culpabilité engendrent l’angoisse mais aussi des postures d’arrogance et un fatalisme actif. Max Weber souligne le commandement divin spécifique du protestantisme et du calvinisme : « cultivez la terre et faites la fructifier, soyez les ouvriers de Ma Création ». Il faut ajouter un renforcement du contrôle social au plan local, d’où un gigantesque mouvement d’action collective qui donnera naissance à des Etats militaires en Prusse, une mentalité nationaliste (en Hollande et en Angleterre), une guerre contre le Saint Empire Romain Germanique fomentée en Suéde. Les cadets rentraient à l’armée. En Angleterre le protestant se vit comme appartenant au nouveau peuple élu. Le catholicisme du nord de la France est le plus protestant des catholicismes, à savoir le jansénisme.
Décollage éducatif et développement économique
3 variables sont prises en compte : les seuils de développement économique, éducatif et démographique peuvent fixer des dates repères valables pour constituer des différences géographiques (importance des écarts entre seuils).
Mais le calcul des corrélations à une date donnée affine la réflexion. La corrélation entre la date de franchissement du seuil @ (50% des femmes) et le début de la baisse de la fécondité est de +0,67. La corrélation entre la date de franchissement du seuil @ pour les hommes et le take off industriel est de +0,86. La variable @ irrigue l’ensemble du mouvement intellectuel, social, politique et pas seulement économique.
Pourquoi l’Angleterre et non l’Allemagne ?
Le temps écoulé entre le franchissement des seuils éducatifs et industriels est de 80 ans en Angleterre mais de 115 ans en Allemagne (140 en US et 200 en Suède).
Ceci veut dire qu’il faut faire intervenir d’autres variables explicatives que le protestantisme et l’alphabétisation universelle.
La famille anglaise exige la séparation des générations et le départ des jeunes, ce qui encourage la mobilité géographique et sociale. Les paysans anglais ne sont pas attachés à la terre, les règles d’héritage n’assurent pas l’égalité entre frères : la mobilité ascendante et descendante favorise une mutation rapide de la structure économique et sociale. Dès 1891, l’UK est à 72% urbanisée.
Et pourquoi l’Allemagne a-t-elle tendance à résister à l’industrialisation ?
La famille souche est un mécanisme de transmission où l’acquis n’est pratiquement pas perdu ; mais cela crée une tendance forte au conservatisme si bien que les changements viennent de l’extérieur sous de fortes pressions. La famille souche n’est pas douée pour la destruction créatrice chère à Schumpeter.
Sécularisation et crise de transition
Nous voici maintenant en France. La crise de la foi éclate au 18ème s. mais a démarré au siècle précédent.
Il y a un recul de la pratique religieuse de masse en lien avec une logique de progrès (nouvelle idéologie).
L’univers catholique est bigarré au plan des structures familiales mais le lien commun c’est l’exogamie. L’alphabétisation vient du monde protestant via le réseau des prêtres qui décèlent dans leurs paroisses des enfants intelligents et ouverts. Mais à partir de 1740, le nombre de novices dans les séminaires et ordres religieux diminue et ce avant 1789 ; et ceci est concomitant d’une chute de la fécondité des femmes.
C’est en Europe du sud que le décrochage par rapport à la foi s’observe le plus, là où la figure paternelle est faible vu un modèle égalitaire.
L’ouverture de cet égalitarisme à partir de l’égalité entre frères aboutit à une idée d’égalité entre l’homme et le divin. Les traits du premier christianisme disparaissent. Pour moitié, le catholicisme va survivre mais dépouillé des caractères égalitaires : le message de la révolution c’est aussi la liberté et cela entrainera une opposition à l’appareil ecclésiastique jusqu’à imposer un Etat laïc après 1870.
La chute du protestantisme commence en 1870 et ce jusque 1930 : dans ces régions, on est beaucoup mieux alphabétisés.
Sans le principe anthropologique de l’égalité, le monde protestant échappe longtemps à la crise de la foi au 18ème s. En Angleterre la religion reste toujours le vecteur d’un développement moral, culturel, économique et social. La sécularisation y attendra le coup de Trafalgar intitulé « L’origine des espèces » de Darwin en 1859.
L’instabilité idéologique est analysée en liant des variables interagissant dans ce contexte. Soit @ en hausse = sécularisation = baisse de la fécondité = crise politique.
La première guerre mondiale trouve sa cause dans la tension des nationalismes plus que dansla montée du socialisme. La seconde guerre s’explique par une polarisation de camps belligérants autour de l’enjeu du fascisme et du nazisme, le Japon étant lui aussi traversé par cette sorte d’idéologie. Mais en 1960, le catholicisme voit aboutir l’étape finale de la sécularisation, même si on devra nuancer le propos autour de notions comme catholicisme et protestantisme zombies.
Il faut revenir sur une phase de transition. Car il y a une séquence généralisée à dégager entre révolution française, nationalisme de la période 1890-1914, communisme russe et nazisme allemand.
En Allemagne, il faut en plus parler de maturation utérine de ce phénomène car c’est là d’où tout part entre 1550 et 1650. Mais ce n’est toujours pas fini et tout s’accélère jusqu’en Inde et le monde musulman : le lien entre montée d’@ et montée des idéologies lie puritanisme protestant et fondamentalisme musulman comme deux manifestations d’un même phénomène, l’ultime raidissement de la foi avant la phase de sécularisation.
Ceci entraine à reconsidérer le poids des structures familiales au regard des idéologies.
Il y a une séquence qui vient de la structure familiale absolue et va au libéralisme moderne en économie et politique. Il y a recouvrement des cartes de structures communautaires patrilinéaires et exogames et une carte du communisme endogène (Russie, Chine, Yougoslavie, Vietnam, Cuba, Italie, Finlande, Bengale occidental….) Le communisme, doctrine autoritaire et égalitaire, s’épanouit dans des régions où règnent autorité + égalité. L’idéologie n’est pas loin de la religion si on suit Durckheim pour qui la sociologie dégage un souci d’engranger des bénéfices terrestres et le plus tôt possible.
La matrice anglaise de la globalisation
Les deux plus anciens Etats-nations ce sont la France et l’Angleterre. Ils sont nés ensemble mais la France prend du retard.
Il y a un défaut propre à la structure familiale dominante : l’adversité nucléaire qui frappe les vieux et les orphelins. En Angleterre la parade sera une fiscalité sociale précoce. Le choix de la structure familiale entraine la mobilité des jeunes, les vieux restés seuls sont l’objet d’une solidarité du village. Dans certaines castes on introduit de la patrilinéarité pour protéger les patrimoines ; la primogéniture n’a pas le temps de produire un modèle souche. Les femmes ont peu de mobilité ce qui donne un accent différentiel homme-femme comme rapport dominant-dominé. Mais malgré ces nuances à la marge, le monde rural est proche de l’homo sapiens exogame et mobile.
En Angleterre il y a autorité mais pas pouvoir.
L’Etat est faiblement prédateur. L’absence de principe d’égalité implique une culture de la déférence. Les orientations induites par le haut sont acceptées de plein gré. L’Etat des Tudor et des Stuart était fort mais pas bureaucratique ; il n’y avait pas de contrôle de l’application des lois dans les régions reculées si bien que la protection sociale des faibles se fait sur base volontaire sous l’autorité de l’élite paysanne locale. L’héritage est au début soumis à un principe de primogéniture mais la révolution de Cromwell installe la liberté de tester sans limitation. Si on ajoute que @ ne touche pas le monde rural pauvre, que les zones rurales topographiquement isolées sont insensibles à la déférence, la liberté promeut une vie sociale non régulée et le local développe des particularités.
De surcroît une grande transformation des mentalités éclate au grand jour en ce 17ème s.
Il s’agit de l’individualisme qui va favoriser la sphère économique. Mais en même temps la jurisprudence Speenhamland sauve la cohésion sociale au moins juste 1830. À une phase de libéralisme individualiste dure succède une phase de cycle inverse plus clémente. La violence du capitalisme industriel laissera des traces sur les structures familiales.
Il faut expliquer le passage de la structure nucléaire primitive à la structure nucléaire absolue.
Il faut reparler de la phase 1550-1650. Revenons dans le siècle Tudor car c’est une matrice structurelle : la réalité et la prégnance du rural éclaire l’origine de la communauté villageoise centrée sur le manoir (héritier de la villa romaine). La cour manoriale est à la source du juridisme anglais. La filiation depuis les Romains est affermie depuis l’arrivée des Normands. C’est cet apport qui explique les mutations dans le domaine juridique, économique, religieux, démographique, éducatif et judiciaire.
L’affaiblissement du servage commence au 12ème s. en France, mais repart au 13ème avant le frein produit par la peste de 1348. Cet affaiblissement du servage arrivé en Angleterre entraine augmentation des salaires et la privatisation complète de certaines exploitations agricoles.
Les enclosures poussent à convertir des terres de culture en pâturages. Il y a augmentation de la mobilité rurale (sauf dans les fiefs). L’Angleterre se sépare de Rome, la réforme amène ses effets au temps d’Elisabeth 1ère sous forme d’un décollage culturel. L’aristocratie cherchera encore un siècle plus tard à se protéger de la liberté absolue de tester avec les entails accrochées au principe de primogéniture ; il y a des poches de structure souche. De toutes ces forces et contre-forces nait la famille nucléaire absolue avec le recul de l’âge du mariage et l’apparition du célibat. L’augmentation d’@ touche la noblesse, les gros propriétaires terriens, les artisans et les commerçants, suite à l’obligation de lire les Ecritures ; ces instruits se sentent porteurs de la mission de redresser les mœurs des illettrés. La violence interpersonnelle diminue et les litiges transitent par les cours de justice. Mais cela ne se généralise pas d’un coup et tout un temps il y aura encore désintégration sociale, anomie, délations, accusations de sorcellerie, dénonciation des déviances sexuelles, conflits au cœur des communautés, vu la disparition des méthodes de règlement consensuel.
Plutôt que de parler d’individualisme il faut parler d’individuation.
Car le type familial individualiste ne peut fonctionner sans l’existence d’une autorité supérieure (pouvoir normand, aristocratie, gentry, oligarchie paysanne). L’individualisme se manifeste dans un contexte de domination, il est pris dans une verticalité sociale.
Homo americanus
Les migrants du 17ème et 18ème s. doivent s’endetter pour passer l’océan.
Les migrants anglais emportent dans leurs bagages la structure familiale anglaise mais l’évolution ne maintiendra pas son absoluéité.
De plus l’attachement à une église va supplanter l’ancrage local autour d’un manoir. Quand il faut prendre des décisions cela se fait par un mécanisme horizontal où tout le monde participe à la décision. Le système n’est pas égalitaire et maintient sur place une partie importante de la descendance. Les communautés locales sont des îlots de survie et le père conserve longtemps son autorité sur ses fils, jusque dans les choix matrimoniaux. L’héritage veille quand même aux frères et sœurs. On est très loin du modèle actuel aux USA où les liens de parenté sont détruits et où le statut des femmes s’est détérioré par rapport au début. Époque où il y avait une division sexuée du travail faisant penser à homo sapiens et ne permettant pas le développement d’une structure patrilinéaire. Il y a un mythe de la Terre Promise à conquérir dans des espaces indiens et païens. La Bible peut soutenir un rêve de patrilinéarité mais l’usure de l’utopie puritaine avec son rêve de communautés idéales induira l’élimination des facteurs d’indifférenciation et ramènera au modèle absolu anglais autour de 1770.
Le déplacement de la Frontière vers l’Ouest s’accélère au 19ème s. entrainant une complexification de la famille, une stabilisation de la communauté par réaffirmation du modèle nucléaire.
Le décollage industriel (1840) renforce l’absoluéité de la structure nucléaire mais ici l’école remplace l’aide aux pauvres propre au système anglais du 17ème s. La grosse ferme est remplacée par l’entreprise capitaliste comme pourvoyeuse de jobs. Plus tard le New Deal amènera la sécurité sociale renforçant la structure. La remise en question de l’Etat social aujourd’hui voit se recréer une solidarité familiale et une dénucléarisation du modèle mais globalement l’Amérique est moins dogmatique que l’Angleterre et surtout il y a une différence noir/blanc, révélateur d’un mécanisme identitaire basé sur l’exclusion de l’Autre (d’abord l’indien puis le noir).
Il faut caractériser l’élément exclu « d’intimement propre à soi ».
La structure familiale homo sapiens est la plus active et ouverte au progrès. Le modèle familial noir US apporte une caractéristique patrilinéaire. La référence à Dieu en Amérique est capitale pour unifier l’immense pays en un Tout dans un contexte où l’Etat n’est pas prégnant. Les migrations qui n’ont cessé d’arriver par vagues – après les anglais et les hollandais, il y a eu les irlandais, les italiens, les chinois, les hispaniques latinos… – et apportent d’autres structures familiales qui sont lissées en quelques générations.
Mais reste un trait permanent : le souci des enfants (vecteurs d’assimilation). Ici il n’y a pas de contrôle malthusien, ici il y a une phobie du mariage entre cousins. La prédation des ressources naturelles, la violence physique, un mélange de machisme et de féminisme font penser à homo sapiens. La migration apporte aussi un avantage comparatif aux filles qui ont une plus grande volonté d’apprendre.
Mais dans la communauté noire le développement néolibéral actuel détruisant le monde ouvrier soumis aux chocs de la globalisation réveille un racisme qui menace les droits acquis dans la lutte pour les droits civiques. La famille patrilinéaire noire est une structure qui se paralyse devant l’invention de cultures sophistiquées. Les réflexes noirs face à la recrudescence du racisme dans la démocratie américaine sont défensifs.
La démocratie est toujours primitive
Ce chapitre détache la notion de démocratie de celle de modernité.
Ce chapitre retrouve un fil plus théorique tel qu’amorcé dans les chapitres 5 à 8.À la montée des structures familiales complexes correspondent des formes politiques autoritaires avec accroissement de la prégnance de l’Etat. On parlera à l’origine d’oligarchie primitive, avec la possibilité, pour les membres masculins adultes d’un peuple, de se réunir en assemblée pour prendre des décisions collectives. Il n’y a pas encore de principe d’égalité ni d’inégalité. Cette forme de « pouvoir » nait dans des zones où on a une structure familiale nucléaire indifférenciée, flexible, floue et instable.
En Europe, le Moyen-Âge est toujours en retard par rapport au développement familial du reste de l’Eurasie.
La modernisation militaire au 16ème et 17ème s. permet le renforcement du pouvoir monarchique. Le stade urbain médiéval fait penser aux cités du 6ème et 5èmes. acn en Grèce. Mais à partir du 16ème s., chez nous, l’histoire s’accélère et l’autoritarisme s’observe en Espagne et Autriche puis en France, Suède, et finalement touchera la Prusse. Sur la périphérie on a des formes représentatives en Suisse, aux Pays-Bas, en Angleterre où il n’y a pas de révolution militaire car l’île a misé sa protection sur une flotille. La France se sépare de l’Angleterre pour la retrouver au 18ème s., sa révolution n’arrivant pas à calquer celle des anglais un siècle plus tôt. S’il y a en France une révolution c’est « grâce à » sa structure familiale du bassin parisien caractérisée par un taux @ de +50% chez les hommes. L’effondrement des croyances religieuses explique l’imposition d’une idéologie égalitaire.
Reste qu’en Europe l’absolutisme fut une innovation et la constitutionnalisation un conservatisme.
Nazisme et fascisme vont beaucoup plus loin que les pouvoirs forts espagnols et français d’avant la révolution. La militarisation avait augmenté dans ces 2 monarchies « grâce à » des familles souches. La démocratie libérale avec alternance politique a besoin de la famille nucléaire.
La France va inventer un universalisme abstrait.
Seule l’Amérique va réaliser un universel concret. La démocratie y augmente – le sentiment de faire partie d’un Tout – par exclusion hors du corps social blanc de ceux qui sont des non humains. Paradoxalement en même temps que le sentiment racial, il y a un mécanisme inclusif partiel à l’œuvre, qui permet de donner accès au « nous » pour les italiens, irlandais, chinois, voire les latinos.
La France est particulariste à son insu et elle s’étonne de manifestations de la rue qui témoignent de l’activité sous-jacente de systèmes anthropolologiques qui ne devraient pas être… car menaçant la pureté du modèle tel que distillé par Paris.
L’égalitarisme français détruit le groupe et toute possibilité d’action collective.
L’Amérique ne croit pas dans l’égalité, par contre elle croit dans l’appartenance au groupe.
La démocratie est minée par l’éducation supérieure
Il y a 3 vagues de développement de l’enseignement en Amérique.
Avant 1900, les gens sont déjà alphabétisés.
Entre 1900 et 1940, commence un apprentissage au-delà de savoir lire et compter et l’enseignement secondaire touche 70% de la population et 50% de ceux qui commencent vont jusqu’au bout. Ce sont les collectivités locales qui contrôlent ce processus qui sera pourtant homogène à tous les Etats. L’école publique tient son rôle de liant de la société toute entière. L’école est soutenue par une idéologie démocratique et égalitaire. La 3ème vague est universitaire et démarre après la guerre 40. Elle plafonne en 1975 à un niveau de 27% pour les hommes et 22,5% pour les femmes. Celles-ci passeront en tête et plafonneront à leur tour à 35% en 85. Le plafonnement est dû à la TV qui éloigne de la culture écrite mais surtout à une réaction sociale qui prévient une menace grandissante : l’augmentation de la population étudiante allait rompre la cohésion de la société basée inconsciemment sur un subconscient inégalitaire. Si la moitié des jeunes tentent l’université, seulement 27% achèveront le cursus.
La parade c’est l’émergence d’un principe méritocratique qui ramène dans le giron du modèle anglais au grand dam des rèves égalitaires des libéraux américains.
En Angleterre l’inférieur c’est l’ouvrier, en US c’est la guerre au Vietnam qui va pousser au pouvoir suprême des officiers distingués par leur bravoure. On observe une hiérarchie blanche qui encadre des soldats très souvent noirs.
En France c’est l’Academia qui va hiérarchiser.
L’Academia c’est le système universitaire y compris celui des hautes écoles comme l’ENA. L’inégalité économique est une conséquence de la mutation idéologique produisant une crise politique sur fond de la montée des inégalités matérielles : nombreux voient les bienfaits d’un libre-échange dans une dérégulation qui recreuse les écarts pour ceux qui ont les finances pour spéculer. On ne VEUT plus croire dans l’égalité.
Une crise en noir et blanc
Si les noirs deviennent les égaux des blancs, l’égalité des blancs perd son sens.
La stratégie éducative américaine distingue les blancs d’en-haut et les blancs d’en-bas et donc l’infériorité des noirs perd son sens. La réaction raciste reprend dans le public primaire et secondaire éduqué. Les politiciens vont instrumentaliser cette lame de fond pour détruire complètement ce qui restait du New Deal. Les taux de mariages mixtes des hommes noirs, épousant une personne de l’autre race, ont des scores peu importants et sont insignifiants pour les femmes noires. Les mères célibataires abondent. Seuls les éduqués supérieurs ont des pratiques de mariage mixte stables.
Quand l’industrie américaine s’est effondrée suite au néolibéralisme, la population blanche a rompu sa solidarité avec les prolétaires noirs en reprochant les politiques de discrimination positive : il ne faut plus que notre impôt serve à ces gens là (le busing est caillassé). Tout ceci favorise les républicains au Congrès. Les noirs votent à 85% démocrate ; si Clinton prend le pouvoir c’est en jouant sur les émotions autour des statistiques des prisons : l’injustice y envoie les noirs pauvres alors que les blancs de la classe moyenne en réchappent. Ceci dit c’est Clinton aussi qui achève la dérégulation… et multiplie le nombre des prisons. Le pire c’est que même l’élite noire est bernée : attirée par des promesses de bien-être économique à court terme, elle se désolidarise de ses frères noirs défavorisés.
L’Amérique est alors devenu un goulag racial.
Et la société rejoint le diagnostic de Durkheim : un état psychosocial dans lequel les aspirations et les comportements cessent d’être définis et encadrés par des règles crée l’isolement des individus et l’atomisation sociale. En arrivant à une domination brutale des faibles par les forts …la structure familiale américaine prend l’eau !
Trump comme Volonté et Représentation
La question est celle du protectionnisme.
En 2007 les droits de douane sont extrèmement bas soit 1 ,3%. La balance commerciale présentait un déficit depuis 1970 ce qui faisait des USA le consommateur universel et donc le régulateur planétaire de la demande globale. « L’ immigration and naturalization act » de 1965 provoque finalement un sentiment d’insécurité territoriale. La crise de la globalisation démarre en 1999 car elle creuse de façon insupportable les inégalités. Il y a une hausse de la mortalité dans la population blanche de 45-54 ans et ce entre 1999 et 2013. C’est le moment où la Chine rentre à l’OMC en 2001. Et on observe de plus que les titulaires de diplôme de l’enseignement supérieur sont de moins en moins protégés de la chute sociale. Ceux qui votent Trump sont les blancs hommes qui ont un niveau secondaire quasi complet (71%).
En face le parti démocrate est le parti de la domination culturelle absolue.
Le monde du capital est hétérogène et divisé entre ceux qui tirent un superprofit de la globalisation, en fonction de la délocalisation ou de la spéculation ou des niveaux des prix des produits semi-finis chinois dans les productions made in USA comme l’automobile, …et ceux qui ne peuvent vivre que du travail sur le sol américain, sans oublier la masse flottante faite de ceux qui tirent leur épingle du jeu qu’il soit libre-échangiste ou protectionniste. L’Académie quant à elle défend le libre-échange parce qu’elle n’en pâtit pas… et creuse les écarts.
Trump a mis un arrêt à la machine à fausse conscience en ramenant le monde ouvrier à sa conscience de classe.
La Chine a roulé les américains mais il y a le même reproche à faire aux saoudiens, aux turcs et autres philippins. Et tout récemment il s’en est pris à l’Allemagne.
Ceci dit il faut parler de xénophobie culturelle.
Plus difficile à accepter c’est le vote démocrate des noirs. Les noirs ont une structure familiale nucléaire rendue instable par les crises. Les latinos s’en sortent mieux avec une structure familiale nucléaire à co-résidence temporaire. Mais ils viennent de prendre connaissance de l’inconscient des démocrates. Ce parti a commis l’erreur de leur dire : « n’ayez pas peur, nous allons vous protéger ! pour nous vous êtes comme des noirs » !!
On verra en conclusion que Todd réexamine son diagnostic.
La mémoire des lieux
L’idée clé du livre est méthodologique.
Le point de départ affirme qu’une convergence nucléaire survient après une phase de transition : exemple, la désintégration de la famille communautaire paysanne lache des individus inaptes à la liberté, ceux-ci se réfugient sous l’aile du parti. Mais après une transition on devrait voir que la forme sociopolitique totalitaire disparait au profit d’une convergence conjugale et individualiste.
Todd reconnait s’être trompé en confondant famille et ménage.
Il croyait que les normes fortes étaient implantées dans les cerveaux par les familles. L’observation de l’Allemagne nazie et de la Russie communiste manifeste, contre ce qui est attendu, une divergence due à la vie urbaine et ce malgré des ménages nucléaires généralisés.
La détermination des attitudes relève des systèmes anthropologiques.
Des études ont montré la séparation entre des capitalismes US-UK par rapport à ceux d’Allemagne et du Japon, manifestant des influences invisibles dues à des forces de nature anthropologiques.
Mais la France n’entre pas dans ce second modèle.
La logique centraliste parisienne n’arrive pas à comprendre la résistance de milieux où les structures familiales ne sont pas celles de la capitale.
Aussi Todd en vient à parler d’une stabilité souterraine des valeurs où on mettra en cause un territoire et non plus les familles.
Un système familial c’est un ensemble de familles échangeant des conjoints et produisant des enfants sur un territoire. Tous les adultes contribuent à l’inculcation de normes à tous les enfants ; il y a un système familial invisible car comment sinon expliquer le fait que des cultures régionales typées peuvent survivre quand tant d’individus déménagent ! Chaque lieu a une mémoire. Par conséquent on ne parle plus de valeurs fortes mais bien des valeurs faibles car elles sont prégnantes et déterminantes exactement pour ça. Les nations ont les mémoires des lieux plus que les individus qui les habitent. Il y a une transmission mimétique à travers des processus assez légers. Séparé de son groupe l’individu se met immédiatement à dériver.
Les sociétés souches : Allemagne et Japon
À partir d’ici on voit se développer une conclusion en 3 temps.
L’importance des structures familiales est réaffirmée pour étayer une critique de l’Allemagne dont le ressort est particulier.
C’est la patrilinéarité de type 1 qui est responsable d’un manque grave fait au sort des femmes dans ces sociétés.
Il y a une corrélation forte avec le taux de fécondité bas témoignant de leur inquiétude quant à l’avenir. Le niveau patrilinéaire 1 veut dire que la femme peut faire des études mais devra choisir entre enfant et carrière. Même si la structure familiale souche est en train de disparaitre, le territoire s’en souvient. Il y a d’autres taux significatifs qui pointent un retard de l’Allemagne au plan culturel : quant à l’acceptation du mariage pour tous, de l’homosexualité, bref les pratiques sexuelles témoignent d’un degré d’émancipation et cela se lit jusque dans des taux de suicide. Ces taux définissent un bien-être plus large qu’économique : l’Allemagne est restée dans le train de la globalisation quand la deuxième révolution démographique (la mondialisation) a apporté les valeurs individualistes, libérales et féministes.
L’Allemagne s’est crispée pour sauver sa place économique alors que la qualification des hommes n’y atteint pas le niveau universitaire car ils se sont tournés vers les formations techniques dans un souci pragmatique.
L’Allemagne est vieille et ce sont les flux d’immigration qui ont compensé les déficits de main d’œuvre qualifiée d’abord et puis non qualifiée. Globalisation oblige. Todd se demande si l’Allemagne n’a pas loupé le tournant en cherchant à s’adapter ? mais quant au fond, son comportement économique n’est pas celui des anglais ni des américains.Ce qui inquiète les femmes, c’est la puissance masculine et guerrière qui bien sûr avait permis la reconstruction dans l’après-guerre, mais en renforçant un leadership des classes au pouvoir appuyé moins sur une forte industrie que sur une capacité toute pragmatique de payer des bas salaires dans les régions de l’Est récemment annexées où on trouve aussi les entreprises les plus polluantes. Le tissu industriel est fait du poids des Länder protestants (locomotive des champions cachés) même s’il faut tenir compte du contre-poids des régions catholiques (un tiers du territoire). Les entreprises sont souvent des PME familiales. Elles sont implantées dans le monde rural quadrillé par des villes moyennes.
L’Allemagne a gardé de son histoire l’image d’un pouvoir fort.
Que l’on se souvienne de Bismarck au moment de la naissance de la nation. Le pays est un champion de la non alternance politique ; gauche et droite s’entendent sur le fond pour continuer l’orientation décidée au sommet de la hiérarchie sociale. En Allemagne il y a une conscience collective nationale. On achète allemand. Les investissements soutiennent le secteur de l’exportation. Les allemands sont protectionnistes et mercantilistes. La différence avec l’Angleterre est criante. Mais son avenir est compté quand elle aura fini de réduire les autres pays européens à la servitude. Le long terme lui rappellera son déficit démographique.
Le Japon dont je ne résume pas les positionnements est en train de se replier sur lui-même sans prendre aucune des attitudes choisies par l’Allemagne.
Cela ne l’empêche pas de performer. Montrant que la même structure familiale n’entraine pas les mêmes destins.
La métamorphose de l’Europe
L’Angleterre assura pendant longtemps un contrepoids libéral à la volonté de puissance allemande.
L’Europe n’a plus rien qui s’oppose au rêve allemand de conquête du continent ; et sûrement pas depuis la France. Les oppositions nationalistes (et populistes) perpétuent sur le continent les messages produits par les structures familiales même quand celles-ci disparaissent au milieu des pratiques de choix des partenaires dans les couples issus des vagues migratoires et des repartages des héritages. Quoiqu’il en soit l’Europe est à prédominance structurelle souche. L’Allemagne peut compter sur l’appui de pays comme la Suède, le centre des Pays-Bas, la Tchèquie, la Slovénie, la Vénétie, l’Alsace, l’Occitanie et le nord espagnol. Et sur une certaine France.
En France la centralisation du pouvoir à Paris, dans une poche structurelle nucléaire à coloration égalitaire, ne voit pas les forces centrifuges à l’œuvre dans des terroirs structurés tout autrement.
L’idée démocratique y est mise à l’épreuve bien plus qu’en Angleterre. La force d’intégration religieuse prend du plomb dans l’aile depuis 1740, soit avant la révolution. Le choix d’un Etat laïc adossé à des valeurs universalistes ne fait pas l’unanimité. Le catholicisme zombie privilégie des comportements autoritaires. L’opposition à l’Islam monte en puissance même si c’est surtout dans les pays protestants qui ont été dopés à la doctrine de la prédestination. Ici on est de plus en plus ouvertement inégalitaire.
À l’extérieur du continent, c’est nettement de l’Est que parviennent les signes d’une vitalité nouvelle. Les idéologies chargées ici de nous rassurer font de gros efforts pour stigmatiser ces autres comme des menaces.
Dans ce contexte où le poids des pays émergents est chaque jour plus affirmé, les moyens mis en place par l’Europe pour sauver ses anciennes influences sont non seulement trop faibles mais mal à propos. En effet la cécité des dirigeants européens surtout au niveau des institutions de l’UE est navrante, surtout par rapport à la Russie. D’ici on ne voit pas l’intérêt de les soutenir dans leurs efforts de redressement pourtant bien réels. On se crispe dans un combat contre la menace islamique et on refuse de voir la fragilité du régime chinois… choisi comme partenaire privilégié.
C’est pourtant sur le socle de l’Eurasie que l’avenir de nos régions se redessinera et il serait bien de s’inscrire dans ce courant.
Pour cela il y a tout à gagner à s’appuyer sur la dynamique engendrée à partir des structures familiales riches dans leurs oppositions. C’est depuis l’enseignement de l’histoire dans son long terme que les perspectives politiques sont pertinentes.
Les sociétés communautaires russe et chinoise
Envoi et postface
Il y a comme on le voit dans les 3 chapitres ci-dessus une permanence des valeurs nationales opèrant après la disparition des formes familiales complexes ; reste qu’il y a des valeurs souche ou communautaire même dans des structures nucléaires.
En Russie la permanence des valeurs communautaires explique la montée en puissance d’une démocratie autoritaire stable.
L’autoritarisme est ancré dans le peuple. La continuité du pouvoir s’observe dans la non alternance. C’est la puissance de l’intégration collective qui confère à la Russie un avantage comparatif par rapport à l’anglosphère ultralibérale. Le phénomène des « artels » se déploiera sous Staline donnant une impulsion fantastique au développement qui alors décolle jusqu’à faire de l’ombre aux puissances occidentales.
Paru au Seuil
La force de ce livre est dans une recherche incessante. Le travail n’étant jamais fini, la réalité dépassant toujours la compréhension que l’on en a, l’auteur témoigne ici de sa capacité de revoir la théorie quand elle est démentie par les faits. Cela a pour conséquence que la lisibilité du propos réclamerait de ma part une meilleure connaissance de tout le background supposé acquis, en démographie bien sûr, en anthropologie mais surtout en histoire.
Avant-propos : un tableau simplifié des structures familiales
La famille nucléaire pure : la structure contient un couple et ses enfants. Ceux-ci doivent s’éloigner à l’adolescence et fonder par le mariage des unités domestiques autonomes. Cette structure inclut la liberté absolue de tester. (UK, USA).
La famille nucléaire égalitaire se différencie de la précédente ; on considère les parentés paternelle et maternelle comme équivalentes mais d’une importance secondaire. (FR).
Ces 2 structures mettent des accents différents sur la liberté ou au contraire sur l’égalité.
La famille nucléaire à corésidence temporaire : elle a pour objectif ultime l’indépendance des enfants mais prévoit une phase de transition de plusieurs années avec la génération précédente, et ce selon 3 modes ; la bilocalité (aussi appelée indifférenciée), la patrilocalité et la matrilocalité.
Il est bon de savoir que la structure nucléaire indifférenciée est celle adoptée par l’homo sapiens. (BE).
La famille souche : elle désigne un héritier unique, généralement l’aîné des garçons qui prend la majeure partie du bien familial. Le jeune couple séjourne en corésidence patrilocale et ce sur 3 générations. On parle ici de patrilinéarité de niveau 1. (D, JAP).
La famille communautaire exogame : elle est patriarcale et établit l’équivalence des frères et un principe de supériorité masculine. Tous les fils restent associés au père et trouvent leurs épouses hors du groupe initial ; les filles sont échangées entre les ménages complexes patrilinéaires. À la mort du père, l’héritage est divisé de façon égalitaire entre frères. On parle ici de patrilinéarité de niveau 2. (RUS, CHINA).
La famille communautaire endogame : elle associe un père et ses fils mais le mariage se fait entre les enfants de 2 frères (cousins donc mais pas croisés). Le mariage exprime la force et la continuité des affections (axe horizontal qui assure chaleur et sécurité). On parle ici de patrilinéarité de niveau 3. (Monde musulman ARABO-PERSAN).
Particularité non négligeable vu son poids démographique, la famille nucléaire à corésidence patrilocale présente une variante en se complétant par un mécanisme endogame qui encourage le mariage entre cousins croisés. (INDIA sud).
Une carte européenne complète donne la mesure des contrastes, questionnant la capacité de l’Europe à former un tout. Il faut savoir que le type prédominant est la famille souche (36%) mais il n’y en a pas qu’en Allemagne (qui pèse pour 53% dans ce type), les autres pays étant la Suède, les Pays-Bas, la Tchequie, Slovénie, Vénétie, Occitanie… Les autres types ne pèsent pas plus de 20%. Par conséquent d’autres facteurs seront à dégager pour expliquer l’unité de l’Europe.
La différenciation des structures familiales commence en Eurasie, il y a 6000 ans
Le point de départ de l’analyse part donc de la localisation géographique des types de structure familiale et s’appuie sur le principe du conservatisme des zones périphériques.
Sur la périphérie nous trouvons des systèmes familiaux nucléaires insérés dans des structures de parenté indifférenciés.
Un système de parenté indifférencié s’oppose à un système patrilinéaire qui sélectionne la lignée masculine pour la transmission des statuts et des biens et s’oppose à un système matrilinéaire qui privilégie la lignée féminine. Les types matriléaires se trouvent comme la famille souche sur le front de progression du principe patriléaire. Aboutie la mutation patriléaire conduit au type anthropologique le plus lourd, la famille communautaire. Simplement amorcée la mutation n’engendre que la primogéniture masculine.
Pour aller plus loin, il faut utiliser une autre méthode, historique.
Nous entrons dans le vif du sujet. Ce livre se démarque par rapport à ceux qui l’ont précédé. 6000 ans après l’invention de l’agriculture commence la différenciation à distance du fond indifférencié.
Il y a donc d’abord la primogéniture car elle permet de transmettre sans le diviser un bien foncier.
Ceci suppose toutefois un système politique qui contrôle l’espace régional : tant qu’existent des terres à conquérir, il n’y a pas besoin du privilège de l’aîné. La famille souche suit logiquement la primogéniture ; on est au premier stade de l’émergence patrilinéaire.Les nomades tombent admiratifs devant les bienfaits de la sédentarisation mais ils n’ont pas besoin de la primogéniture, aussi ils inventent une application du principe de supériorité masculine cherchant à symétriser les positions des fils dans la vie de groupe : le principe patrilinéaire définit un ordre militaire adossé à une hiérarchie guerrière ; le clan est une armée dans le civil, une société civile faite pour la guerre. Par le rapt, les nomades armés asservissent les sédentaires fragiles en transformant leur système familial, de souche vers communautaire.
La symétrisation des fils rend ce principe patrilinéaire absolu car en l’absence d’héritiers mâles la famille ne peut survivre. Ici le statut de la femme baisse encore d’un cran, on est au niveau 2 de la patrilinéarité.
L’histoire de la périphérie européenne est récente.
La primogéniture masculine n’y apparait qu’au Moyen-Âge dans l’aristocratie franco-normande (11ème s.). La forme souche atteint la paysannerie à partir du 13ème s. mais ne se fixe que dans certaines régions allemandes. Dans le bassin parisien on a résisté à la primogéniture par l’égalitarisme du commun contre la noblesse. En Allemagne c’est la noblesse qui réagit au 14ème s.Cette esquisse va être reprise.
La dynamique due à la confrontation des sédentaires et des nomades
Plutôt que de résumer ce chapitre qui ne nous servira pas pour la suite, il est important d’épingler un développement qui donne le fil conducteur et la portée de ce livre. Dans une analyse des relations sociales, ce chapitre dégage le principe dynamique qui anime les changements de régime à partir de la famille nucléaire, généralisée au départ.
Le lien entre la sédentarité, la patrilinéarité et le communautarisme implique la dialectique sédentaire-nomade car la patrilinéarité du centre influe sur le nomadisme périphérique et ceux-ci fomentent des invasions plaquant une patrilinéarité symétrisée sur la famille souche.
La construction des Etats joue son effet de fixation d’une telle dynamique. Là où on est dans des zones hors influence de ces Etats, des nuances d’indifférenciation du système de parenté créent des réactions matrilinéaires.
Education, idéologie, langue et moralisation
Tout démarre par le lien conjugal ; on adopte ici le raisonnement darwinien (le chimpanzé n’a pas de vie de couple). Un couple stable permet l’éducation de l’enfant. La transmission des connaissances réclame la longévité. L’équivalence des parents s’accompagne cependant d’une division sexuée du travail ; le principe masculin charpente la vie collective. Le statut de la femme est élevé.
L’anthropologie sociale se veut une science dure. L’idéologie apparait importante pour étayer la division du travail dans le respect des tabous des règles.
Pour approfondir, il nous faut user de la notion de territoire : le couple ne vit pas isolé, il y a des agrégats de familles. On observe l’importance des liens horizontaux entre frère et sœur dans l’entr’aide qui perdurera quand sera détruit le réseau de parenté bilatéral. Il faut entretenir un nombre de bras forts et jeunes pour permettre la survie du groupe. Les groupes sont flexibles, mobiles ce que permet l’ouverture toujours possible vers un choix de parenté paternel ou maternel selon les nécessités. Il n’y a pas de préférence pour le lien père-fils. La langue commune élargit encore le groupe par un principe unifiant mais pas politiquement organisé. Il s’agit d’un clivage entre « eux » et « nous « .
La religion développe l’endogamie. Quand la religion faiblit la nation prend le relais.
Les espaces endogames restent poreux surtout que d’origine le système familial est fondamentalement exogame. Les mariages entre cousins sont évités mais le mariage entre cousins croisés est toléré. En fait le principe exogame pèse sur les cousins parallèles. La raison c’est que l’exogamie combat l’identité de nature et la tolérance aux mariages croisés renvoie à la solidarité frère-sœur. Le système des mariages préférentiels ne joue que dans la population historiquement développée. L’exogamie quadrilatérale concerne l’Europe, l’Angleterre et l’Amérique du nord. Mais cela s’observe aussi parfois dans le monde patrilinéaire et communautaire en Russie et en Chine.
Dès l’origine il y a moralisation avec tabou de l’inceste. Le tabou n’est pas culturel. Il y a à marquer une préférence pour l’exogamie contre l’endogamie.
Le concept d’indifférenciation apporte la co-résidence des générations, mais pas de polarisation patri ou matrilinéaire, pas d’inégalité des héritages, la possibilité de divorces ; l’esprit pragmatique domine. Mais l’évolution ira vers la différenciation.
Le judaïsme et les premiers chrétiens dans les rapports entre famille et alphabétisation
La première chose à faire est de se débarrasser de nos idées sur la Bible, qui suggère une famille patrilinéaire mettant l’accent sur la primogéniture.
Au début : la famille est nucléaire et l’évolution vers la complexité doit tenir compte du caractère périphérique et conservateur de Canaan dans le Moyen-Orient.
L’écriture de la Bible est tardive et l’accent sur la primogéniture tient à l’influence sur les scribes des codes de l’époque (néo-assyrien autour de l’an 1000 acn puis néo-babylonien en 600 acn). La première influence concerne la double part de l’aîné et se trouve dans le Deutéronome, la seconde concerne le lignage et la pureté du sang où on trouve des accents patrilinéaires débarrassés de la primogéniture.
Ceci dit, il n’y aura pas d’évolution vers la famille souche en raison d’une troisième influence, hellénistique puis romaine qui apportera un souci pour l’éducation des femmes (du temps des Ptolémées et dans le code Justinien… en 500 pcn).
L’accent sur la bilatéralité est une évolution contrée qui prend à rebrousse-poil ce qui aurait dû empècher l’égalité homme-femme. C’est la diaspora (dans les villes) qui pousse à abandonner la primogéniture puisqu’il n’y a pas de bien foncier à préserver.
Par contre l’originalité du judaïsme sera double car elle impose la transmission de la judéité par les femmes et elle impose un devoir des pères d’envoyer les enfants à l’école pour y apprendre à lire la Torah.
La première originalité s’assure de la judéité des femmes en leur imposant de se convertir au judaïsme. Rien à voir avec la matrilinéarité mais plutôt une bilinéarité comme on le voit avec la seconde originalité qui généralise l’alphabétisation de tous. Il y a donc un rôle des femmes dans la transmission des principes religieux et il y a un rôle des hommes dans le souci d’accéder à des niveaux éducatifs correspondant à l’acquisition de la lecture.
La famille est pragmatique, elle veille à garder son originalité dans un contexte multiculturel : comme pour la famille nucléaire indifférenciée, on observe la co-résidence avec les parents, la récupération des aïeux, un choix libre entre mobilité et stabilité mais une absence du principe d’égalité d’héritage. Dans le mariage les juifs optent pour une exogamie tempérée. La grande innovation c’est la protection des enfants (refus de l’avortement et des infanticides).
Le christianisme des origines est issu du monde juif. En quoi se démarque-t-il ?
Cela commence avec la levée des interdits alimentaires et l’abandon de la circoncision. Mais côté mariage, le christianisme radicalise l’exogamie et protège la structure nucléaire. Il y a une obsession de la consanguinité. Surtout les chrétiens ne veulent pas se limiter à la revendication d’un Etat en Palestine mais se voient citoyens de l’Empire.
La deuxième innovation c’est le féminisme. Il y a une grande unité entre statut élevé de la femme et monogamie absolue, bilatéralité et exogamie radicale.
Les femmes jouent un rôle capital dans le travail de conversion des peuples de l’Empire (classes moyennes et supérieures) freinant du même coup toute évolution vers la patriléarité.
La troisième innovation c’est l’antisexualité qui va de pair avec l’apparition du monachisme de masse. Le célibat est ici structurant.La quatrième innovation c’est la pauvreté comme expérience limite. Ces 2 dernières innovations impriment un nouveau système mental en émergence car il y a à imposer une nouvelle religion (résurrection du Christ et sa nature divine) : une religion n’est pas d’abord une croyance personnelle mais une expérience de partage de croyance dans un groupe humain apportant un bénéfice tangible immédiat, une solidarité absolue et fiable.
L’Allemagne, le protestantisme et l’alphabétisation universelle
Une formule nouvelle et générale s’impose entre 3 variables : Famille, Religion, Alphabétisation.
Ces trois données sont reliées par des flèches allant de variable en variable depuis la gauche vers la droite. Mais ce schéma se complexifie d’un autrelien depuis la famille immédiatement vers l’alphabétisation (variable @) par-dessus la variable religion et aussi une autre à rebrousse poil remontant de la variable religion vers la variable famille. Le constat de ces court-circuits est théoriquement essentiel car prend pour faux l’idée que tout part de la famille.
Le chapitre démarre par une lecture statistique du taux d’alphabétisation (@) au cours de l’histoire.
Les 10% atteints dans l’Antiquité se retrouvent au 11ème s.
Ce pourcentage s’accentue en Allemagne, pays de structure souche où Luther fait naître le protestantisme.
On atteint 45%. Les pays européens vont à partir du 17ème s. suivre le mouvement. Ceci est un préalable aux politiques coloniales ; ce sont ces principes éducatifs qui permettront une politique économique de globalisation. Distinguons déjà globalisation de mondialisation ; la seconde notion est plus générale et cerne la dimension culturelle faisant des comportements féminins des repères essentiels.
La famille souche s’implante là où s’invente l’écriture, soit à Sumer, et c’est là aussi que nait le principe de primogéniture.
Pour les sociétés qui se développent il y a besoin que les acquis se conservent. Le principe de primogéniture engendre le modèle souche car elle est une bonne technique de transmission. Pour bien apprendre une langue (grammaire, lecture, écriture) il faut un système éducatif contraignant, et un cadre autoritaire qui trouve sa légitimité dans l’appui d’une religion centrée autour de l’autorité paternelle (quand elle est forte, elle est signe d’une prédestination).
En France la formule ci-dessus s’articule en plus à une autre légitimation.
La monarchie se transmet dans la primogéniture (lignée des capétiens). Plutôt que de religion on parlera ici d’idéologie.
En Angleterre on voit le protestantisme s’implanter dans les régions où on n’a pas de familles souche.
Mais un autre phénomène y pallie : on veille à n’alphabétiser que les hommes ce qui favorise à terme la structure patrilénaire.
La grande transformation mentale européenne
C’est en Allemagne, région de famille souche que nait la nouvelle mentalité.
Les inventions du livre et du lutherianisme insistent sur une approche immédiate de Dieu, se passant de l’appareil institutionnel de l’Eglise catholique.
La lecture est une acquisition essentielle car elle rend les enfants plus intelligents. En permettant une vie intérieure plus intense, elle réalise une transformation de la personnalité. Mais elle entraine aussi une augmentation des suicides, en obligeant à travailler plus longtemps avec moins de nonchalance. Le sentiment de culpabilité augmente dans un contexte de répression de la sexualité, de repli de la violence privée, de développement des manières de table et d’obsession de la sorcellerie. La frénésie anti-féminine s’appuie sur le principe de primogéniture conduisant à la patrilinéarité de niveau 1.
Il y a une période clé entre 1550 et 1650 dans le nord protestant de l’Europe puis en France et dans les Pays-Bas catholiques.
Les études sur les statistiques de moralité – l’âge moyen du mariage recule, le célibat augmente, l’homicide s’effondre – sont confortées par l’œuvre de Norbert Elias qui faisait une suite conséquente avec le retard du mariage, le contrôle des naissances, la capacité d’épargne, le démarrage du capitalisme commercial puis industriel. L’Allemagne développe un socle réceptif qui fera écho en Angleterre quand celle-ci inventera le capitalisme. Par contre la Contre-Réforme part d’Italie, région de structure communautaire et cela empêchera que s’y amorce la même dynamique.
La mentalité protestante détruit en profondeur le réseau de parenté indifférencié et est une étape dans l’émergence de types nucléaires absolus et de types souches linéaires désencombrés de l’association latérale des parents.
L’importance de la vie intérieure et du sentiment de culpabilité engendrent l’angoisse mais aussi des postures d’arrogance et un fatalisme actif. Max Weber souligne le commandement divin spécifique du protestantisme et du calvinisme : « cultivez la terre et faites la fructifier, soyez les ouvriers de Ma Création ». Il faut ajouter un renforcement du contrôle social au plan local, d’où un gigantesque mouvement d’action collective qui donnera naissance à des Etats militaires en Prusse, une mentalité nationaliste (en Hollande et en Angleterre), une guerre contre le Saint Empire Romain Germanique fomentée en Suéde. Les cadets rentraient à l’armée. En Angleterre le protestant se vit comme appartenant au nouveau peuple élu. Le catholicisme du nord de la France est le plus protestant des catholicismes, à savoir le jansénisme.
Décollage éducatif et développement économique
3 variables sont prises en compte : les seuils de développement économique, éducatif et démographique peuvent fixer des dates repères valables pour constituer des différences géographiques (importance des écarts entre seuils).
Mais le calcul des corrélations à une date donnée affine la réflexion. La corrélation entre la date de franchissement du seuil @ (50% des femmes) et le début de la baisse de la fécondité est de +0,67. La corrélation entre la date de franchissement du seuil @ pour les hommes et le take off industriel est de +0,86. La variable @ irrigue l’ensemble du mouvement intellectuel, social, politique et pas seulement économique.
Pourquoi l’Angleterre et non l’Allemagne ?
Le temps écoulé entre le franchissement des seuils éducatifs et industriels est de 80 ans en Angleterre mais de 115 ans en Allemagne (140 en US et 200 en Suède).
Ceci veut dire qu’il faut faire intervenir d’autres variables explicatives que le protestantisme et l’alphabétisation universelle.
La famille anglaise exige la séparation des générations et le départ des jeunes, ce qui encourage la mobilité géographique et sociale. Les paysans anglais ne sont pas attachés à la terre, les règles d’héritage n’assurent pas l’égalité entre frères : la mobilité ascendante et descendante favorise une mutation rapide de la structure économique et sociale. Dès 1891, l’UK est à 72% urbanisée.
Et pourquoi l’Allemagne a-t-elle tendance à résister à l’industrialisation ?
La famille souche est un mécanisme de transmission où l’acquis n’est pratiquement pas perdu ; mais cela crée une tendance forte au conservatisme si bien que les changements viennent de l’extérieur sous de fortes pressions. La famille souche n’est pas douée pour la destruction créatrice chère à Schumpeter.
Sécularisation et crise de transition
Nous voici maintenant en France. La crise de la foi éclate au 18ème s. mais a démarré au siècle précédent.
Il y a un recul de la pratique religieuse de masse en lien avec une logique de progrès (nouvelle idéologie).
L’univers catholique est bigarré au plan des structures familiales mais le lien commun c’est l’exogamie. L’alphabétisation vient du monde protestant via le réseau des prêtres qui décèlent dans leurs paroisses des enfants intelligents et ouverts. Mais à partir de 1740, le nombre de novices dans les séminaires et ordres religieux diminue et ce avant 1789 ; et ceci est concomitant d’une chute de la fécondité des femmes.
C’est en Europe du sud que le décrochage par rapport à la foi s’observe le plus, là où la figure paternelle est faible vu un modèle égalitaire.
L’ouverture de cet égalitarisme à partir de l’égalité entre frères aboutit à une idée d’égalité entre l’homme et le divin. Les traits du premier christianisme disparaissent. Pour moitié, le catholicisme va survivre mais dépouillé des caractères égalitaires : le message de la révolution c’est aussi la liberté et cela entrainera une opposition à l’appareil ecclésiastique jusqu’à imposer un Etat laïc après 1870.
La chute du protestantisme commence en 1870 et ce jusque 1930 : dans ces régions, on est beaucoup mieux alphabétisés.
Sans le principe anthropologique de l’égalité, le monde protestant échappe longtemps à la crise de la foi au 18ème s. En Angleterre la religion reste toujours le vecteur d’un développement moral, culturel, économique et social. La sécularisation y attendra le coup de Trafalgar intitulé « L’origine des espèces » de Darwin en 1859.
L’instabilité idéologique est analysée en liant des variables interagissant dans ce contexte. Soit @ en hausse = sécularisation = baisse de la fécondité = crise politique.
La première guerre mondiale trouve sa cause dans la tension des nationalismes plus que dansla montée du socialisme. La seconde guerre s’explique par une polarisation de camps belligérants autour de l’enjeu du fascisme et du nazisme, le Japon étant lui aussi traversé par cette sorte d’idéologie. Mais en 1960, le catholicisme voit aboutir l’étape finale de la sécularisation, même si on devra nuancer le propos autour de notions comme catholicisme et protestantisme zombies.
Il faut revenir sur une phase de transition. Car il y a une séquence généralisée à dégager entre révolution française, nationalisme de la période 1890-1914, communisme russe et nazisme allemand.
En Allemagne, il faut en plus parler de maturation utérine de ce phénomène car c’est là d’où tout part entre 1550 et 1650. Mais ce n’est toujours pas fini et tout s’accélère jusqu’en Inde et le monde musulman : le lien entre montée d’@ et montée des idéologies lie puritanisme protestant et fondamentalisme musulman comme deux manifestations d’un même phénomène, l’ultime raidissement de la foi avant la phase de sécularisation.
Ceci entraine à reconsidérer le poids des structures familiales au regard des idéologies.
Il y a une séquence qui vient de la structure familiale absolue et va au libéralisme moderne en économie et politique. Il y a recouvrement des cartes de structures communautaires patrilinéaires et exogames et une carte du communisme endogène (Russie, Chine, Yougoslavie, Vietnam, Cuba, Italie, Finlande, Bengale occidental….) Le communisme, doctrine autoritaire et égalitaire, s’épanouit dans des régions où règnent autorité + égalité. L’idéologie n’est pas loin de la religion si on suit Durckheim pour qui la sociologie dégage un souci d’engranger des bénéfices terrestres et le plus tôt possible.
La matrice anglaise de la globalisation
Les deux plus anciens Etats-nations ce sont la France et l’Angleterre. Ils sont nés ensemble mais la France prend du retard.
Il y a un défaut propre à la structure familiale dominante : l’adversité nucléaire qui frappe les vieux et les orphelins. En Angleterre la parade sera une fiscalité sociale précoce. Le choix de la structure familiale entraine la mobilité des jeunes, les vieux restés seuls sont l’objet d’une solidarité du village. Dans certaines castes on introduit de la patrilinéarité pour protéger les patrimoines ; la primogéniture n’a pas le temps de produire un modèle souche. Les femmes ont peu de mobilité ce qui donne un accent différentiel homme-femme comme rapport dominant-dominé. Mais malgré ces nuances à la marge, le monde rural est proche de l’homo sapiens exogame et mobile.
En Angleterre il y a autorité mais pas pouvoir.
L’Etat est faiblement prédateur. L’absence de principe d’égalité implique une culture de la déférence. Les orientations induites par le haut sont acceptées de plein gré. L’Etat des Tudor et des Stuart était fort mais pas bureaucratique ; il n’y avait pas de contrôle de l’application des lois dans les régions reculées si bien que la protection sociale des faibles se fait sur base volontaire sous l’autorité de l’élite paysanne locale. L’héritage est au début soumis à un principe de primogéniture mais la révolution de Cromwell installe la liberté de tester sans limitation. Si on ajoute que @ ne touche pas le monde rural pauvre, que les zones rurales topographiquement isolées sont insensibles à la déférence, la liberté promeut une vie sociale non régulée et le local développe des particularités.
De surcroît une grande transformation des mentalités éclate au grand jour en ce 17ème s.
Il s’agit de l’individualisme qui va favoriser la sphère économique. Mais en même temps la jurisprudence Speenhamland sauve la cohésion sociale au moins juste 1830. À une phase de libéralisme individualiste dure succède une phase de cycle inverse plus clémente. La violence du capitalisme industriel laissera des traces sur les structures familiales.
Il faut expliquer le passage de la structure nucléaire primitive à la structure nucléaire absolue.
Il faut reparler de la phase 1550-1650. Revenons dans le siècle Tudor car c’est une matrice structurelle : la réalité et la prégnance du rural éclaire l’origine de la communauté villageoise centrée sur le manoir (héritier de la villa romaine). La cour manoriale est à la source du juridisme anglais. La filiation depuis les Romains est affermie depuis l’arrivée des Normands. C’est cet apport qui explique les mutations dans le domaine juridique, économique, religieux, démographique, éducatif et judiciaire.
L’affaiblissement du servage commence au 12ème s. en France, mais repart au 13ème avant le frein produit par la peste de 1348. Cet affaiblissement du servage arrivé en Angleterre entraine augmentation des salaires et la privatisation complète de certaines exploitations agricoles.
Les enclosures poussent à convertir des terres de culture en pâturages. Il y a augmentation de la mobilité rurale (sauf dans les fiefs). L’Angleterre se sépare de Rome, la réforme amène ses effets au temps d’Elisabeth 1ère sous forme d’un décollage culturel. L’aristocratie cherchera encore un siècle plus tard à se protéger de la liberté absolue de tester avec les entails accrochées au principe de primogéniture ; il y a des poches de structure souche. De toutes ces forces et contre-forces nait la famille nucléaire absolue avec le recul de l’âge du mariage et l’apparition du célibat. L’augmentation d’@ touche la noblesse, les gros propriétaires terriens, les artisans et les commerçants, suite à l’obligation de lire les Ecritures ; ces instruits se sentent porteurs de la mission de redresser les mœurs des illettrés. La violence interpersonnelle diminue et les litiges transitent par les cours de justice. Mais cela ne se généralise pas d’un coup et tout un temps il y aura encore désintégration sociale, anomie, délations, accusations de sorcellerie, dénonciation des déviances sexuelles, conflits au cœur des communautés, vu la disparition des méthodes de règlement consensuel.
Plutôt que de parler d’individualisme il faut parler d’individuation.
Car le type familial individualiste ne peut fonctionner sans l’existence d’une autorité supérieure (pouvoir normand, aristocratie, gentry, oligarchie paysanne). L’individualisme se manifeste dans un contexte de domination, il est pris dans une verticalité sociale.
Homo americanus
Les migrants du 17ème et 18ème s. doivent s’endetter pour passer l’océan.
Les migrants anglais emportent dans leurs bagages la structure familiale anglaise mais l’évolution ne maintiendra pas son absoluéité.
De plus l’attachement à une église va supplanter l’ancrage local autour d’un manoir. Quand il faut prendre des décisions cela se fait par un mécanisme horizontal où tout le monde participe à la décision. Le système n’est pas égalitaire et maintient sur place une partie importante de la descendance. Les communautés locales sont des îlots de survie et le père conserve longtemps son autorité sur ses fils, jusque dans les choix matrimoniaux. L’héritage veille quand même aux frères et sœurs. On est très loin du modèle actuel aux USA où les liens de parenté sont détruits et où le statut des femmes s’est détérioré par rapport au début. Époque où il y avait une division sexuée du travail faisant penser à homo sapiens et ne permettant pas le développement d’une structure patrilinéaire. Il y a un mythe de la Terre Promise à conquérir dans des espaces indiens et païens. La Bible peut soutenir un rêve de patrilinéarité mais l’usure de l’utopie puritaine avec son rêve de communautés idéales induira l’élimination des facteurs d’indifférenciation et ramènera au modèle absolu anglais autour de 1770.
Le déplacement de la Frontière vers l’Ouest s’accélère au 19ème s. entrainant une complexification de la famille, une stabilisation de la communauté par réaffirmation du modèle nucléaire.
Le décollage industriel (1840) renforce l’absoluéité de la structure nucléaire mais ici l’école remplace l’aide aux pauvres propre au système anglais du 17ème s. La grosse ferme est remplacée par l’entreprise capitaliste comme pourvoyeuse de jobs. Plus tard le New Deal amènera la sécurité sociale renforçant la structure. La remise en question de l’Etat social aujourd’hui voit se recréer une solidarité familiale et une dénucléarisation du modèle mais globalement l’Amérique est moins dogmatique que l’Angleterre et surtout il y a une différence noir/blanc, révélateur d’un mécanisme identitaire basé sur l’exclusion de l’Autre (d’abord l’indien puis le noir).
Il faut caractériser l’élément exclu « d’intimement propre à soi ».
La structure familiale homo sapiens est la plus active et ouverte au progrès. Le modèle familial noir US apporte une caractéristique patrilinéaire. La référence à Dieu en Amérique est capitale pour unifier l’immense pays en un Tout dans un contexte où l’Etat n’est pas prégnant. Les migrations qui n’ont cessé d’arriver par vagues – après les anglais et les hollandais, il y a eu les irlandais, les italiens, les chinois, les hispaniques latinos… – et apportent d’autres structures familiales qui sont lissées en quelques générations.
Mais reste un trait permanent : le souci des enfants (vecteurs d’assimilation). Ici il n’y a pas de contrôle malthusien, ici il y a une phobie du mariage entre cousins. La prédation des ressources naturelles, la violence physique, un mélange de machisme et de féminisme font penser à homo sapiens. La migration apporte aussi un avantage comparatif aux filles qui ont une plus grande volonté d’apprendre.
Mais dans la communauté noire le développement néolibéral actuel détruisant le monde ouvrier soumis aux chocs de la globalisation réveille un racisme qui menace les droits acquis dans la lutte pour les droits civiques. La famille patrilinéaire noire est une structure qui se paralyse devant l’invention de cultures sophistiquées. Les réflexes noirs face à la recrudescence du racisme dans la démocratie américaine sont défensifs.
La démocratie est toujours primitive
Ce chapitre détache la notion de démocratie de celle de modernité.
Ce chapitre retrouve un fil plus théorique tel qu’amorcé dans les chapitres 5 à 8.À la montée des structures familiales complexes correspondent des formes politiques autoritaires avec accroissement de la prégnance de l’Etat. On parlera à l’origine d’oligarchie primitive, avec la possibilité, pour les membres masculins adultes d’un peuple, de se réunir en assemblée pour prendre des décisions collectives. Il n’y a pas encore de principe d’égalité ni d’inégalité. Cette forme de « pouvoir » nait dans des zones où on a une structure familiale nucléaire indifférenciée, flexible, floue et instable.
En Europe, le Moyen-Âge est toujours en retard par rapport au développement familial du reste de l’Eurasie.
La modernisation militaire au 16ème et 17ème s. permet le renforcement du pouvoir monarchique. Le stade urbain médiéval fait penser aux cités du 6ème et 5èmes. acn en Grèce. Mais à partir du 16ème s., chez nous, l’histoire s’accélère et l’autoritarisme s’observe en Espagne et Autriche puis en France, Suède, et finalement touchera la Prusse. Sur la périphérie on a des formes représentatives en Suisse, aux Pays-Bas, en Angleterre où il n’y a pas de révolution militaire car l’île a misé sa protection sur une flotille. La France se sépare de l’Angleterre pour la retrouver au 18ème s., sa révolution n’arrivant pas à calquer celle des anglais un siècle plus tôt. S’il y a en France une révolution c’est « grâce à » sa structure familiale du bassin parisien caractérisée par un taux @ de +50% chez les hommes. L’effondrement des croyances religieuses explique l’imposition d’une idéologie égalitaire.
Reste qu’en Europe l’absolutisme fut une innovation et la constitutionnalisation un conservatisme.
Nazisme et fascisme vont beaucoup plus loin que les pouvoirs forts espagnols et français d’avant la révolution. La militarisation avait augmenté dans ces 2 monarchies « grâce à » des familles souches. La démocratie libérale avec alternance politique a besoin de la famille nucléaire.
La France va inventer un universalisme abstrait.
Seule l’Amérique va réaliser un universel concret. La démocratie y augmente – le sentiment de faire partie d’un Tout – par exclusion hors du corps social blanc de ceux qui sont des non humains. Paradoxalement en même temps que le sentiment racial, il y a un mécanisme inclusif partiel à l’œuvre, qui permet de donner accès au « nous » pour les italiens, irlandais, chinois, voire les latinos.
La France est particulariste à son insu et elle s’étonne de manifestations de la rue qui témoignent de l’activité sous-jacente de systèmes anthropolologiques qui ne devraient pas être… car menaçant la pureté du modèle tel que distillé par Paris.
L’égalitarisme français détruit le groupe et toute possibilité d’action collective.
L’Amérique ne croit pas dans l’égalité, par contre elle croit dans l’appartenance au groupe.
La démocratie est minée par l’éducation supérieure
Il y a 3 vagues de développement de l’enseignement en Amérique.
Avant 1900, les gens sont déjà alphabétisés.
Entre 1900 et 1940, commence un apprentissage au-delà de savoir lire et compter et l’enseignement secondaire touche 70% de la population et 50% de ceux qui commencent vont jusqu’au bout. Ce sont les collectivités locales qui contrôlent ce processus qui sera pourtant homogène à tous les Etats. L’école publique tient son rôle de liant de la société toute entière. L’école est soutenue par une idéologie démocratique et égalitaire. La 3ème vague est universitaire et démarre après la guerre 40. Elle plafonne en 1975 à un niveau de 27% pour les hommes et 22,5% pour les femmes. Celles-ci passeront en tête et plafonneront à leur tour à 35% en 85. Le plafonnement est dû à la TV qui éloigne de la culture écrite mais surtout à une réaction sociale qui prévient une menace grandissante : l’augmentation de la population étudiante allait rompre la cohésion de la société basée inconsciemment sur un subconscient inégalitaire. Si la moitié des jeunes tentent l’université, seulement 27% achèveront le cursus.
La parade c’est l’émergence d’un principe méritocratique qui ramène dans le giron du modèle anglais au grand dam des rèves égalitaires des libéraux américains.
En Angleterre l’inférieur c’est l’ouvrier, en US c’est la guerre au Vietnam qui va pousser au pouvoir suprême des officiers distingués par leur bravoure. On observe une hiérarchie blanche qui encadre des soldats très souvent noirs.
En France c’est l’Academia qui va hiérarchiser.
L’Academia c’est le système universitaire y compris celui des hautes écoles comme l’ENA. L’inégalité économique est une conséquence de la mutation idéologique produisant une crise politique sur fond de la montée des inégalités matérielles : nombreux voient les bienfaits d’un libre-échange dans une dérégulation qui recreuse les écarts pour ceux qui ont les finances pour spéculer. On ne VEUT plus croire dans l’égalité.
Une crise en noir et blanc
Si les noirs deviennent les égaux des blancs, l’égalité des blancs perd son sens.
La stratégie éducative américaine distingue les blancs d’en-haut et les blancs d’en-bas et donc l’infériorité des noirs perd son sens. La réaction raciste reprend dans le public primaire et secondaire éduqué. Les politiciens vont instrumentaliser cette lame de fond pour détruire complètement ce qui restait du New Deal. Les taux de mariages mixtes des hommes noirs, épousant une personne de l’autre race, ont des scores peu importants et sont insignifiants pour les femmes noires. Les mères célibataires abondent. Seuls les éduqués supérieurs ont des pratiques de mariage mixte stables.
Quand l’industrie américaine s’est effondrée suite au néolibéralisme, la population blanche a rompu sa solidarité avec les prolétaires noirs en reprochant les politiques de discrimination positive : il ne faut plus que notre impôt serve à ces gens là (le busing est caillassé). Tout ceci favorise les républicains au Congrès. Les noirs votent à 85% démocrate ; si Clinton prend le pouvoir c’est en jouant sur les émotions autour des statistiques des prisons : l’injustice y envoie les noirs pauvres alors que les blancs de la classe moyenne en réchappent. Ceci dit c’est Clinton aussi qui achève la dérégulation… et multiplie le nombre des prisons. Le pire c’est que même l’élite noire est bernée : attirée par des promesses de bien-être économique à court terme, elle se désolidarise de ses frères noirs défavorisés.
L’Amérique est alors devenu un goulag racial.
Et la société rejoint le diagnostic de Durkheim : un état psychosocial dans lequel les aspirations et les comportements cessent d’être définis et encadrés par des règles crée l’isolement des individus et l’atomisation sociale. En arrivant à une domination brutale des faibles par les forts …la structure familiale américaine prend l’eau !
Trump comme Volonté et Représentation
La question est celle du protectionnisme.
En 2007 les droits de douane sont extrèmement bas soit 1 ,3%. La balance commerciale présentait un déficit depuis 1970 ce qui faisait des USA le consommateur universel et donc le régulateur planétaire de la demande globale. « L’ immigration and naturalization act » de 1965 provoque finalement un sentiment d’insécurité territoriale. La crise de la globalisation démarre en 1999 car elle creuse de façon insupportable les inégalités. Il y a une hausse de la mortalité dans la population blanche de 45-54 ans et ce entre 1999 et 2013. C’est le moment où la Chine rentre à l’OMC en 2001. Et on observe de plus que les titulaires de diplôme de l’enseignement supérieur sont de moins en moins protégés de la chute sociale. Ceux qui votent Trump sont les blancs hommes qui ont un niveau secondaire quasi complet (71%).
En face le parti démocrate est le parti de la domination culturelle absolue.
Le monde du capital est hétérogène et divisé entre ceux qui tirent un superprofit de la globalisation, en fonction de la délocalisation ou de la spéculation ou des niveaux des prix des produits semi-finis chinois dans les productions made in USA comme l’automobile, …et ceux qui ne peuvent vivre que du travail sur le sol américain, sans oublier la masse flottante faite de ceux qui tirent leur épingle du jeu qu’il soit libre-échangiste ou protectionniste. L’Académie quant à elle défend le libre-échange parce qu’elle n’en pâtit pas… et creuse les écarts.
Trump a mis un arrêt à la machine à fausse conscience en ramenant le monde ouvrier à sa conscience de classe.
La Chine a roulé les américains mais il y a le même reproche à faire aux saoudiens, aux turcs et autres philippins. Et tout récemment il s’en est pris à l’Allemagne.
Ceci dit il faut parler de xénophobie culturelle.
Plus difficile à accepter c’est le vote démocrate des noirs. Les noirs ont une structure familiale nucléaire rendue instable par les crises. Les latinos s’en sortent mieux avec une structure familiale nucléaire à co-résidence temporaire. Mais ils viennent de prendre connaissance de l’inconscient des démocrates. Ce parti a commis l’erreur de leur dire : « n’ayez pas peur, nous allons vous protéger ! pour nous vous êtes comme des noirs » !!
On verra en conclusion que Todd réexamine son diagnostic.
La mémoire des lieux
L’idée clé du livre est méthodologique.
Le point de départ affirme qu’une convergence nucléaire survient après une phase de transition : exemple, la désintégration de la famille communautaire paysanne lache des individus inaptes à la liberté, ceux-ci se réfugient sous l’aile du parti. Mais après une transition on devrait voir que la forme sociopolitique totalitaire disparait au profit d’une convergence conjugale et individualiste.
Todd reconnait s’être trompé en confondant famille et ménage.
Il croyait que les normes fortes étaient implantées dans les cerveaux par les familles. L’observation de l’Allemagne nazie et de la Russie communiste manifeste, contre ce qui est attendu, une divergence due à la vie urbaine et ce malgré des ménages nucléaires généralisés.
La détermination des attitudes relève des systèmes anthropologiques.
Des études ont montré la séparation entre des capitalismes US-UK par rapport à ceux d’Allemagne et du Japon, manifestant des influences invisibles dues à des forces de nature anthropologiques.
Mais la France n’entre pas dans ce second modèle.
La logique centraliste parisienne n’arrive pas à comprendre la résistance de milieux où les structures familiales ne sont pas celles de la capitale.
Aussi Todd en vient à parler d’une stabilité souterraine des valeurs où on mettra en cause un territoire et non plus les familles.
Un système familial c’est un ensemble de familles échangeant des conjoints et produisant des enfants sur un territoire. Tous les adultes contribuent à l’inculcation de normes à tous les enfants ; il y a un système familial invisible car comment sinon expliquer le fait que des cultures régionales typées peuvent survivre quand tant d’individus déménagent ! Chaque lieu a une mémoire. Par conséquent on ne parle plus de valeurs fortes mais bien des valeurs faibles car elles sont prégnantes et déterminantes exactement pour ça. Les nations ont les mémoires des lieux plus que les individus qui les habitent. Il y a une transmission mimétique à travers des processus assez légers. Séparé de son groupe l’individu se met immédiatement à dériver.
Les sociétés souches : Allemagne et Japon
À partir d’ici on voit se développer une conclusion en 3 temps.
L’importance des structures familiales est réaffirmée pour étayer une critique de l’Allemagne dont le ressort est particulier.
C’est la patrilinéarité de type 1 qui est responsable d’un manque grave fait au sort des femmes dans ces sociétés.
Il y a une corrélation forte avec le taux de fécondité bas témoignant de leur inquiétude quant à l’avenir. Le niveau patrilinéaire 1 veut dire que la femme peut faire des études mais devra choisir entre enfant et carrière. Même si la structure familiale souche est en train de disparaitre, le territoire s’en souvient. Il y a d’autres taux significatifs qui pointent un retard de l’Allemagne au plan culturel : quant à l’acceptation du mariage pour tous, de l’homosexualité, bref les pratiques sexuelles témoignent d’un degré d’émancipation et cela se lit jusque dans des taux de suicide. Ces taux définissent un bien-être plus large qu’économique : l’Allemagne est restée dans le train de la globalisation quand la deuxième révolution démographique (la mondialisation) a apporté les valeurs individualistes, libérales et féministes.
L’Allemagne s’est crispée pour sauver sa place économique alors que la qualification des hommes n’y atteint pas le niveau universitaire car ils se sont tournés vers les formations techniques dans un souci pragmatique.
L’Allemagne est vieille et ce sont les flux d’immigration qui ont compensé les déficits de main d’œuvre qualifiée d’abord et puis non qualifiée. Globalisation oblige. Todd se demande si l’Allemagne n’a pas loupé le tournant en cherchant à s’adapter ? mais quant au fond, son comportement économique n’est pas celui des anglais ni des américains.Ce qui inquiète les femmes, c’est la puissance masculine et guerrière qui bien sûr avait permis la reconstruction dans l’après-guerre, mais en renforçant un leadership des classes au pouvoir appuyé moins sur une forte industrie que sur une capacité toute pragmatique de payer des bas salaires dans les régions de l’Est récemment annexées où on trouve aussi les entreprises les plus polluantes. Le tissu industriel est fait du poids des Länder protestants (locomotive des champions cachés) même s’il faut tenir compte du contre-poids des régions catholiques (un tiers du territoire). Les entreprises sont souvent des PME familiales. Elles sont implantées dans le monde rural quadrillé par des villes moyennes.
L’Allemagne a gardé de son histoire l’image d’un pouvoir fort.
Que l’on se souvienne de Bismarck au moment de la naissance de la nation. Le pays est un champion de la non alternance politique ; gauche et droite s’entendent sur le fond pour continuer l’orientation décidée au sommet de la hiérarchie sociale. En Allemagne il y a une conscience collective nationale. On achète allemand. Les investissements soutiennent le secteur de l’exportation. Les allemands sont protectionnistes et mercantilistes. La différence avec l’Angleterre est criante. Mais son avenir est compté quand elle aura fini de réduire les autres pays européens à la servitude. Le long terme lui rappellera son déficit démographique.
Le Japon dont je ne résume pas les positionnements est en train de se replier sur lui-même sans prendre aucune des attitudes choisies par l’Allemagne.
Cela ne l’empêche pas de performer. Montrant que la même structure familiale n’entraine pas les mêmes destins.
La métamorphose de l’Europe
L’Angleterre assura pendant longtemps un contrepoids libéral à la volonté de puissance allemande.
L’Europe n’a plus rien qui s’oppose au rêve allemand de conquête du continent ; et sûrement pas depuis la France. Les oppositions nationalistes (et populistes) perpétuent sur le continent les messages produits par les structures familiales même quand celles-ci disparaissent au milieu des pratiques de choix des partenaires dans les couples issus des vagues migratoires et des repartages des héritages. Quoiqu’il en soit l’Europe est à prédominance structurelle souche. L’Allemagne peut compter sur l’appui de pays comme la Suède, le centre des Pays-Bas, la Tchèquie, la Slovénie, la Vénétie, l’Alsace, l’Occitanie et le nord espagnol. Et sur une certaine France.
En France la centralisation du pouvoir à Paris, dans une poche structurelle nucléaire à coloration égalitaire, ne voit pas les forces centrifuges à l’œuvre dans des terroirs structurés tout autrement.
L’idée démocratique y est mise à l’épreuve bien plus qu’en Angleterre. La force d’intégration religieuse prend du plomb dans l’aile depuis 1740, soit avant la révolution. Le choix d’un Etat laïc adossé à des valeurs universalistes ne fait pas l’unanimité. Le catholicisme zombie privilégie des comportements autoritaires. L’opposition à l’Islam monte en puissance même si c’est surtout dans les pays protestants qui ont été dopés à la doctrine de la prédestination. Ici on est de plus en plus ouvertement inégalitaire.
À l’extérieur du continent, c’est nettement de l’Est que parviennent les signes d’une vitalité nouvelle. Les idéologies chargées ici de nous rassurer font de gros efforts pour stigmatiser ces autres comme des menaces.
Dans ce contexte où le poids des pays émergents est chaque jour plus affirmé, les moyens mis en place par l’Europe pour sauver ses anciennes influences sont non seulement trop faibles mais mal à propos. En effet la cécité des dirigeants européens surtout au niveau des institutions de l’UE est navrante, surtout par rapport à la Russie. D’ici on ne voit pas l’intérêt de les soutenir dans leurs efforts de redressement pourtant bien réels. On se crispe dans un combat contre la menace islamique et on refuse de voir la fragilité du régime chinois… choisi comme partenaire privilégié.
C’est pourtant sur le socle de l’Eurasie que l’avenir de nos régions se redessinera et il serait bien de s’inscrire dans ce courant.
Pour cela il y a tout à gagner à s’appuyer sur la dynamique engendrée à partir des structures familiales riches dans leurs oppositions. C’est depuis l’enseignement de l’histoire dans son long terme que les perspectives politiques sont pertinentes.
Les sociétés communautaires russes et chinoises
En Russie la permanence des valeurs communautaires explique la montée en puissance d’une démocratie autoritaire stable.
L’autoritarisme est ancré dans le peuple. La continuité du pouvoir s’observe dans la non alternance. C’est la puissance de l’intégration collective qui confère à la Russie un avantage comparatif par rapport à l’anglosphère ultralibérale. Le phénomène des « artels » se déploiera sous Staline donnant une impulsion fantastique au développement qui alors décolle jusqu’à faire de l’ombre aux puissances occidentales.
L’histoire de ce pays est à lire en Biélorussie où la structure est patrilinéaire.
La structure communautaire nait de la rencontre de la structure souche allemande et de l’organisation patrilinéaire mongole. Via la Pologne et les pays baltes on en sent l’impact jusque dans les fondements de la Ligue Hanséatique. Mais ce qui est encore flou, cristallisera quand le taux @ grimpera significativement. Alors l’idéologie communiste s’appuiera sur le communautarisme familial paysan.
La santé de la Russie se lit dans les taux de mortalité infantile, les taux de suicide ou d’homicides sous influence alcoolique. L’espérance de vie ne cesse de croitre.
Trump a fait des efforts de rapprochement avec Poutine. Les deux pays ne sont pourtant pas les mêmes car en Russie il y a une limite à l’inégalité vu que la famille communautaire s’intègre totalement avec le destin de la nation. Ils se rejoignent cependant quant au constat qu’il y a un seuil d’accès à l’Academia des hommes et des femmes qui menace la cohésion sociale. Poutine a permis un certain redressement de la barre quand il a réussi à effacer les dix ans de flottement qui ont suivi la fin de l’URSS. La spécialisation militaire et l’universalisme égalitaire russe ont relancé le développement. Surtout la place faite aux femmes protège ce pays des rigidités patrilinéaires.
Quant à la Chine, elle se caractérise par son sexratio.
Ce pays est patrilinéaire depuis 3000 ans sur fond communautaire. Cela explique l’autoritarisme mais le communautaire est égalitariste ce qui apparait déstabilisant si le développement capitaliste introduit de fortes inégalités entre régions. L’image de stabilité montrée sur la scène internationale est trompeuse.
Envoi et Postface
Il y a comme on le voit dans les 3 chapitres ci-dessus une permanence des valeurs nationales opèrant après la disparition des formes familiales complexes ; reste qu’il y a des valeurs souche ou communautaire même dans des structures nucléaires.
La famille souche allemande (japonaise), zombie, induit une séquence ethnocentrique : les enfants sont inégaux, les hommes sont inégaux, les peuples sont inégaux.
La famille nucléaire absolue anglaise (américaine) génère une séquence différentialiste molle : les enfants sont différents, les hommes sont différents, les peuples sont différents.
La famille nucléaire égalitaire française (proche de la famille communautaire russe) enclanche une séquence universaliste : les enfants sont égaux, les hommes sont égaux, les peuples sont égaux.
Dans un monde où la majorité des nations sont petites et faibles militairement, la séduction multipolaire est une évidence loin des rêves de toute puissance. Ceci amène à douter de la possibilité d’unifier l’UE et surtout la zone Euro.
Vu la diversité des soubassements inconscients de nos peuples, rêver pouvoir forcer un destin uniformisé est une erreur grave.
Le projet européen a confondu, à la suite de l’Allemagne, globalisation et mondialisation. L’absence de considération pour les chocs culturels entraînés par une unification amorcée par la chute du Mur de Berlin explique les bloquages dans les politiques sociales.
Une dernière réflexion clot ce livre que l’auteur a mis 7 ans à achever.
L’avenir de la démocratie libérale n’est pas le même dans les trois pays qui ont la même structure familiale égalitaire.
C’est en Angleterre que cet avenir est le plus rose. Et en France le pire.
Michael Young a montré que la méritocratie suivait le sentiment égalitaire comme son effet pervers. Démocratique de tempérament, la France est le pays qui a engendré le plus d’inégalités à travers son système scolaire. Le tri des hommes y est d’autant plus efficace qu’il découle des filières dans les études. C’est la classe moyenne surtout qui prône la méritocratie car elle revendique le niveau auquel elle a accédé comme le fruit de son intelligence et de ses efforts.Mais là où coexiste un idéal d’aristocratie de naissance, des contrepoids existent. L’aristocratie sait ce qu’elle doit à ses ancêtres et elle sera d’autant plus tolérante envers ceux qui n’ont pas leur chance. Celle-ci entraine d’ailleurs l’obligation de marquer leur solidarité. Noblesse oblige !