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Mon cours d’économie idéal : 8 leçons pour tout comprendre


Auteur du livre: Yanis Varoufakis

Éditeur: Flammarion

Année de publication: 2015

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Varoufakis a écrit « Conversations entre adultes », un compte-rendu « édifiant » du déroulé des réunions qui réunissaient deux camps cristallisant deux points de vue sur la politique économique. La première défendue par les représentants de la Troïka s’est vue contrée avec un sang froid hors du commun par la seconde qui était adossée au peuple en souffrance des petites gens.

Chapitre 1 : pourquoi tant d’inégalités

Pourquoi les aborigènes d’Australie n’ont ils pas envahi l’Angleterre ?

Le marché est une chose, l’économie en est une autre. Un marché est une sphère d’échange. Pour en arriver à l’économie il faut qu’il y ait une production à la place de la cueillette.

Deux bonds en plus sont obtenus par l’accès à la parole et à des excédents. L’agriculture s’est imposée et cela a transformé les communautés. Avec l’agriculture est arrivé l’excédent. C’est ce qui est accumulé quand les gens sont nourris et que les semences pour la nouvelle récolte sont conservées. Cela fonctionne comme une réserve pour les années de grêle.

L’écriture est apparue quand on conçut que les réserves pouvaient être stockées dans un silo commun ; il fallait enregistrer la part de X dans la quantité ensilée. (Mais en Australie le gibier et les fruits abondaient en suffisance et on inventa la musique et la peinture).

S’en suivent dette et monnaie. Les travailleurs agricoles dans un système de production se trouvèrent pris dans un système de subordination aux propriétaires des terres. Ce propriétaire les rémunéra sous forme de tessons sur lesquels étaient inscrits les chiffres correspondant aux mesures de blé en regard du travail fourni. Soit une dette et une reconnaissance de dette à recouvrer sur la production à venir. Mais ces tessons pouvaient servir de monnaie lors d’achats d’autres produits comme les outils. On a donc une monnaie virtuelle : X recevra du blé pour une valeur de 3 pièces de métal. Cela réclame qu’on y croit et cela appelle un garant, l’Etat.

S’en suivent une administration et une armée. Le pouvoir du prince comme garant s’appuie sur le pouvoir de s’imposer comme juge dans les différents mais aussi contre la convoitise des communautés voisines. Ce pouvoir fit des différences en faveur des puissants. Pour mater la révolte des paysans floués et organisés en ligues, le prince s’entoura d’un clergé.

Ce dernier légitima le pouvoir princier sous l’égide d’une force supérieure. On façonna des dogmes et des représentants sur terre de la force supérieure comme réponse à une crainte de la mort et son lot de superstitions.

Le progrès technique existait avant l’agriculture mais celle-ci donna un élan sans précédent aboutissant à l’invention des systèmes d’irrigation et les charrues.

Qui dit ensilage et agriculture intensive dit bactérie. Celle-ci est venue de la concentration des populations autour des greniers à blé. S’accompagnant de leurs animaux une biomasse fut concentrée en un bouillon de culture. À terme cela donnera les guerres biochimiques.

Si on regarde un globe terrestre c’est en Eurasie et non en Afrique que naquirent les grands empires et leur politique d’expansion. La raison est climatique ; l’Afrique s’étend du nord au sud avec des zones de désert empêchant l’agriculture du Zimbabwe de s’étendre vers le nord. Les inégalités existent chez nous aussi car elles se nourrissent des idéologies.

Chapitre 2 : le prix et la valeur

Rendre service, profiter d’un souper entre amis, apprécier un coucher de soleil sont des biens mais pas des marchandises. Les marchandises sont des biens produits pour être vendus. Dans nos sociétés un biais limite les biens aux marchandises car leur prix élevé donne plus d’intérêt aux biens rendus désirables. La production en est stimulée d’autant.

La valeur du temps partagé entre amis n’a pas de prix. Le prix reflète la valeur d’échange de ce que l’on vend. On ne parle pas de valeur subjective et celle – ci se déprécie lorsque la valeur d’échange augmente. Donner gratuitement est un plaisir qui n’a pas de prix. Le don n’est pas une transaction. Il fut un temps où la plupart des biens étaient produits sur un mode proche du fonctionnement d’un foyer c’est à dire hors transaction. C’est le sens du mot économie. Depuis 200 ans nos sociétés sont passées à autre chose. Le marché atteint l’infiniment petit avec les semences génétiquement modifiées par Monsanto qu’il impose en Afrique en même temps que l’agriculture intensive. Même les gènes ont acquis une valeur d’échange par des brevets. Il y a une différence entre développer des marchés et devenir des sociétés de marché.

La domination des commerçants européens en Extrême Orient avant le 19 éme siècle ne nécessite pas d’analyse économique. Aujourd’hui on est passé à autre chose mais comment ?

Un processus de production exige le travail, le capital et la terre. Les sociétés de marché sont nées quand ces 3 facteurs ont été transformés en marchandises acquérant une valeur d’échange.  Historiquement l’évolution de la construction navale, l’invention de la boussole, l’art de naviguer appris des chinois ont permis l’ouverture de routes où furent échangés la laine, la soie via des transactions intermédiaires impliquant les épées japonaises et les épices de Bombay. Les fermiers UK voyant que la betterave n’intéressait personne sur le commerce international préférèrent élever des moutons. Les travailleurs agricoles se sont retrouvés à la rue. En les chassant les seigneurs féodaux ont fait de la terre et du travail des marchandises . Nous sommes prêts à faire n’importe quel travail en échange d’un toit et de pain, le salariat était né. La main-d’oeuvre est devenue marchande de son propre travail. Sur ce type de marché naissant, la politique des « « enclosures » jeta une offre surabondante pour très peu de demande avant la création des usines. Avant qu’on ait une véritable société de marché, les travailleurs connurent la misère. Les propriétaires terriens eux réalisèrent que leur terre avait une valeur d’échange déterminée indirectement par le marché international de la laine. Ceux qui travaillaient la terre changèrent de statut puisque le servage finit. Ils devinrent locataires de la terre sur laquelle ils étaient en payant un loyer déterminé par le prix fixé par les négociants.Les usines apparaissent à la fin du 18ème siècle en Angleterre parce que des propriétaires terriens peu nombreux détenaient la toute grande majorité des terres et parce que ne disposant pas d’armée les propriétaires de ces terres n’avaient pas la possibilité de recourir à la force pour annexer encore plus de richesse. S’enrichir passait par la production de plus grandes quantités de marchandises demandées partout dans le monde. Et la production profita des machines à vapeur. Ce sont les commerçants qui ont pensé à ça : produire plus vite et à meilleur marché augmentererait la richesse. La machine de Watt pouvait activer 1000 métiers à tisser et une position de monopole. Le progrès technique appliqué à la production d’un bien rare et précieux créa un effet d’aubaine. Ce n’est pas sans contradiction car la marchandise sortit les gens de la servitude, de la théocratie, de l’obscurantisme engendrant l’idée de liberté, la perspective de l’abolition de l’esclavage et la possibilité de produire assez pour tous. Mais ce qui apparut fut une société de marché, le chômage et la pauvreté extrême pour celui qui n’avait pas accès à la terre. La révolution agricole engendrera la révolution industrielle un siècle plus tard.

Chapitre 3 : dette, profit, richesse 

Christopher Marlowe mît en scène Méphistophélès et le Docteur Faust : je reçois de toi 20 ans de bonheur en échange de quoi je m’engage lorsque ce prêt arrivera à échéance de te livrer mon âme. Le contrat transforme un accord informel en une obligation formelle exprimée dans les termes d’un échange et formulée en monnaie. Le contrat a une clause qui prévoit le versement d’intérêt et garantit au prêteur qu’il recevra demain plus que ce qu’il donne aujourd’hui. Les religions anciennes condamnaient le travail des prêteurs comme usure. Mais les sociétés de marché avaient besoin de banquiers prêteurs. Le mouvement protestant issu de la guerre de 100 ans y est pour beaucoup. Aujourd’hui l’économie exige que l’on s’endette bref que l’on vende son âme au diable. Goethe reprendra la pièce de Marlowe pour « pardonner » Faust en rachetant son contrat empoisonné.

Le profit non plus dans le passé était un but en soi. Aujourd’hui l’argent est devenu un but en soi. Comment l’est -il devenu ? En passant par une nouvelle fonction de la dette. Celle-ci est devenue matière première du profit. Il y a 3 siècles la terre et le travail sont devenus des marchandises. À l’époque de la féodalité le processus de production de l’excédent passa par 3 moments. Production – distribution – dette. Le propriétaire terrien, le seigneur, venait prendre sa part de la récolte au delà de ses besoins et l’excédent était converti en argent dont il prêtait une partie pour tenir l’emprunteur à sa merci ou en échange de certains services (un endettement). Mais terres et travail une fois devenus marchandises la distribution de l’excédent a cessé de suivre la production pour la précéder. En UK la situation des travailleurs de la terre muta leur statut en petits chefs d’entreprise payant un fermage au propriétaire et louant des journaliers sans terre pour effectuer le travail manuel. Ces petits chefs d’entreprise avaient besoin pour démarrer d’une avance en argent et donc ils s’endettaient auprès des propriétaires terriens ou chez des usuriers. On en est venu à une logique dette – distribution – production, soit la logique du profit. La marchandisation a engendré la classe des travailleurs en même temps que la première classe d’exploitants qui s’est endetté près d’usuriers. Le profit comme fin en soi était la condition de la survie des exploitants puis des travailleurs puis finalement de toute la société. Le lien entre le profit et la richesse est évident. Mais il n’est pas évident que la richesse des sociétés de marché se nourrit de la dette. Contrairement aux seigneurs féodaux les exploitants n’avaient aucune légitimité politique, juridique ou coutumière qui garantissent leurs survies. Ils devaient faire du profit et pour ça rester chef du processus de production. Pour ordonner ce processus ils devaient s’endetter, emprunter et ainsi conserver leur statut. Pour rembourser leurs dettes ils devaient vendre beaucoup c’est à dire à bas prix dans un climat de concurrence. Ils devaient augmenter la productivité sans la convertir en hausse de salaire. Pour cela il faut du progrès technique or celui-là coûte cher. Pour investir il faut encore emprunter plus : la dette est devenue la locomotive.

Chapitre 4 : le crédit, la crise et l’Etat 

Attention à la ligne du temps. Le chef d’entreprise ramène dans le présent une valeur d’échange encore inexistante pour l’investir dans des processus de production qui créeront cette valeur plus tard ce qui permettra de rembourser le futur, de rétablir l’enchaînement normal du temps et de produire une richesse qui ne pouvait être produite autrement. C’est ce que fait la dette dans les sociétés de marché. Magique. Malheureusement il y a des méchants sorciers, les banquiers.

À la différence des chefs d’entreprise, le banquier n’organise pas la production. Ce métier ne sert plus d’intermédiaire entre épargne (S) et investissement (I) versant au premier des intérêts inférieurs à ceux qu’il reçoit du second. Aujourd’hui le banquier puise dans le futur pour alimenter le présent. Parce que les valeurs d’échange existantes ne suffisent plus à faire fonctionner la société de marché. Celle-ci exige des investissements bien supérieurs aux dépôts des banques. La magie décrite plus haut quand elle marche bien porte le banquier à arracher au futur des valeurs toujours plus grandes afin d’augmenter son profit. Celui-là dépend alors du volume de valeur future qu’il transfère dans le présent. Et cela casse la magie. C’est la crise, le krach.

Que fait le banquier avide avec sa manipulation du temps ?  Exemple : un entrepreneur a besoin de 500000 euros, s’adresse au banquier mais celui-ci n’a pas cette somme. Peu importe car ce dernier se contente de créditer le compte du client. Cet argent vient du futur et il n’y a plus qu’à espérer que le résultat de la production de l’entrepreneur permette de récupérer le prêt et les intérêts. Le banquier régularise ses comptes en enregistrant un profit. Quand tout va bien, le banquier s’enrichit et l’économie croit. Les affaires ont besoin de croissance et de stabilité… mais la spéculation peut s’en mêler. Si une crise survient comme un grain de sable dans les rouages, il n’y a plus de « retour sur investissement » et par effet boule de neige tout le système s’enraye. 

C’est ici qu’il faut un Etat. Il faut que l’Etat crée une banque centrale (BC). La récession se combat par des mesures favorisant la liquidité des banques ; et comme il faut beaucoup d’argent en peu de temps la BC crée cet argent ex nihilo en faisant tourner la planche à billets. C’est là le monopole de la seule BC. En outre l’Etat garantit les dépôts des particuliers si une banque fait faillite. L’Etat oblige les banques à réguler leurs politiques d’emprunt dans le futur empêchant que ne circule des valeurs au delà de ce que la production peut fournir.Les banquiers ont appris à jouer avec l’Etat ; car il y a une contradiction vu que l’Etat ne peut pas laisser crouler tout le système bancaire. Tant qu’on refuse la solution de la nationalisation, les banques n’ont aucune crainte à avoir pour leurs pratiques frauduleuses. Dans le jeu électoral financé par les banques, les riches s’arrangent entre eux en dépit du souci de l’intérêt général. Les sociétés de marché s’en prennent à l’Etat oubliant l’aide reçue en période difficile et lui défendent de développer des politiques sociales financées par l’impôt progressif. Les hôpitaux et les écoles sont utiles si ils rapportent. L’Etat ne peut que creuser la dette publique quand il essaie de garder le pot droit. Les banques considèrent la dette publique comme un actif à leur bilan puisqu’ils ont de l’argent à recevoir de l’Etat (elles financent celui-ci pour couvrir les charges d’intérêts annuels liés aux emprunts couvrant la dette publique) et cet actif permet qu’elles empruntent sur le marché interbancaire afin de prêter aux particuliers. Tout le système est cadenassé et on parlera de banques systémiques.

Chapitre 5 : machines hantées

La mécanique, l’électricité et le magnétisme ont acquis une valeur d’échange mais la pauvreté est toujours là et s’est aggravée. La population est gravement stressée au point de réaliser que l’homme est aliéné à la machine. Mary Shelley fictionne sur Frankestein. Startrek et Matrix (Lana et Andy Wachowski, 1999) développent un système où les machines ont constitué leur propre société maintenant les humains en vie pour en faire des génératrices organiques. Les humains ne se révoltent pas mais privés de liberté dépérissent et meurent… ce qui menace l’économie des machines. Du coup elles créent Matrix, une réalité virtuelle projetée dans l’esprit des humains à l’aide de câbles connectés à leurs cerveaux, les privant de la conscience de leur situation, leur donnant l’illusion d’une vie plaisante alors que leur corps reste dans un état végétatif produisant la bio-énergie nécessaire à la société des machines.

Le travail des hommes fragilisés déstabilise les sociétés de marché. Est-ce que les machines produisent une valeur d’échange ? Il faut ici distinguer valeur et fonction : une machine est remplie de fonctions complexes mais ce n’est pas une société car la notion de valeur d’échange n’a pas de sens dans un système mécanique où le facteur humain est absent. Qu’est ce qui fait de nous des êtres humains ? À quoi est dû en économie le caractère essentiel des valeurs d’échange et des prix qui les expriment ?

Dans Blade Runner, un répliquant n’a pas l’air très différent d’un être humain surtout que ces androïdes ont acquis le goût de la liberté et ont des sentiments. Leur différence avec un être humain c’est un quelque chose qui ne se définit que négativement : une « société » comme Matrix cesse de produire des valeurs d’échange. Si les ouvriers étaient transformés en androïdes, les entreprises pourraient sortir des produits en quantité tellement grandes que leur prix tendrait vers zéro ainsi que les profits. La volonté de tout mécaniser la production supprime les emplois dans les secteurs anciens mais en crée dans les nouveaux secteurs d’activité. L’entreprise en retard ne tarde pas à se convertir mais le secteur dépendant des machines et de la mécanique fonctionne sans emplois et se suffit à elle-même menaçant l’équilibre social. Les entreprises se font concurrence et les plus fortes seules survivent. La société de marché a pris la mesure du danger des sociétés style Matrix et réagit face au problème de l’emploi. Le cycle conjoncturel offre une relance du secteur dépendant des machines car le coût du facteur travail est passé sous celui du facteur capital et on peut remettre en route les machines à l’arrêt. Les entreprises engagent les chômeurs et acquièrent une position monopolistique.Dans un scénario moins bon, quand les banques puis l’Etat ne sont plus des ressources, la crise arrive car le présent ne peut plus rembourser le futur. La seule solution qui reste est l’effacement de la dette. Or les banquiers ne sont pas d’accord car ils gèlent le volume de ces dettes dans leurs livres « comme si elles pouvaient être épurées ». Les banques alors ne remplissent plus leur rôle et font passer l’économie dans les dérives de la financiarisation de l’économie loin du réel. Il faut la pression populaire pour interpeller l’Etat afin qu’il efface la dette.

Chapitre 6 : deux marchés œdipiens

La question du chômage échappe à la théorie néolibérale. La rencontre de l’offre et de la demande sur le marché du travail ajuste le prix pour que la transaction ait lieu ; il n’y a pas de chômage parce que les gens ont trouvé du travail à ce prix. Les néolibéraux ne pensent pas que les travailleurs refusent de travailler à des salaires indécents.

Jean Jacques Rousseau raconte que des chasseurs d’une tribu primitive projettent de se grouper pour chasser un cerf plutôt que de chasser le lapin tout seul. Mais chasser à plusieurs demande que le filet soit sans faille. La préférence va pour le cerf car tout le monde aura à manger. Mais si s’insinue dans le groupe qu’il y a un maillon faible alors le pessimisme quant à la chance de gagner s’installera. La chasse au cerf a besoin de l’engagement de tous. Elle a besoin d’optimisme quant à la qualité du lien social. Lorsqu’on croit au résultat, on fait ce qu’il faut pour l’obtenir et on l’obtient.

Le chômage et la force diabolique du pessimisme questionne l’entrepreneur : dois-je l’engager ? Que deviendra mon entreprise ? Et si je mets mon entreprise en difficulté ? Pour répondre il regarde l’humeur du marché. Si elle est bonne (car l’activité économique se développe vu que les consommateurs sont optimistes pour l’avenir) beaucoup achèteront les produits de l’entreprise. Ce climat dépend de l’attitude des autres chefs d’entreprise. Si les salaires baissent, on peut voir cette baisse comme signe d’un essoufflement de l’économie.Les sociétés de marché sont la proie de deux démons qui se cachent dans deux marchés majeurs : celui de l’argent et celui du travail. Est-ce que l’argent peut s’acheter ou se vendre ? Comme le travailleur ne vend pas son travail mais son temps, les banques prêtent de l’argent. Sur ces deux marchés la baisse de prix (salaires, intérêts) peut conduire à emprunter moins. L’humeur du marché crée les crises économiques par ce qu’on appelle les vérités auto réalisatrices. Aucune entreprise ne veut des travailleurs ni de l’argent emprunté. Car cela implique une relation sociale, une relation de pouvoir à laquelle elle préférerait ne pas être soumise. On est loin de se retrouver dans l’utopie de Startrek où les humains ne doivent plus travailler et ont tout le loisir de ne rien faire.

Chapitre 7 : des virus qui ne se prennent pas pour rien

L’homme ne s’intéresse à l’environnement que s’il y trouve des valeurs d’échange. La société de marché ne comptabilise que les valeurs d’échange. Les incendies de forêt ne sont pas pris en compte mais l’emploi des Canadair l’est parce que on a utilisé du kérosène. Les valeurs d’échange ont détruit les valeurs subjectives et la société privilégie les activités humaines génératrices de valeurs d’échange. La valeur d’une médaille d’or aux jeux olympiques est déterminée par la valeur d’échange des voitures et des hamburgers que l’annonceur propose aux spectateurs. Les sportifs sont contraints à des pratiques qui les privent du plaisir de jouer. On en vient à dire que pour augmenter les valeurs d’échange des produits qu’on vend, il faut faire baisser les valeurs subjectives. La société de marché se comporte comme si le patrimoine naturel d’une valeur inestimable pour la planète et la vie sur terre ne valait rien .Dans la Grèce antique ceux qui refusent de raisonner sur base de l’intérêt collectif sont appelés des idiotés. Aujourd’hui on a fait tenir ensemble intérêt individuel et collectif. Tout passe par le marché : ainsi des droits à polluer que les pays qui ne veulent pas respecter les accords de Paris sur le climat rachètent aux pays qui faute de développement industriel en ont trop. L’air ne vaut rien puisqu’il est gratuit… on le pollue allègrement. Il faudrait en venir à faire payer l’air comme on l’a fait pour l’eau ? Cette voie n’est pas bonne. Il faut opposer la démocratie à la société de marché.

Chapitre 8 : la monnaie 

Premier point, la notion d’arbitrage sous-tend le fait que l’on achète moins cher que le prix auquel on vend. On se trouve dans un camp de prisonniers de guerre britanniques. Radford rend compte d’une économie autour des colis de La Croix Rouge. Et dans ces colis, il y a les cigarettes et les paquets de thé ou de café. Les amateurs de café et ou de thé se trouvent devant des négociants français qui empruntèrent du thé près les amateurs de café en leur promettant une certaine quantité de café (et inversement). Moyennant une part de thé ou de café comme prix pour le service. Disons 5%. 

De plus en plus de négociants apparurent. La concurrence entraîne une réduction de la marge d’arbitrage. Les transactions stabilisent les prix relatifs. Quelqu’un en position d’innovation crée une marge. Quand on introduit les cigarettes comme monnaie, elles ont une valeur d’échange car elles sont devenues l’unité de compte des valeurs d’échange. Une monnaie dont les qualités sont : ne pas être périssables, faciles à transporter, permettant un système de rémunération clair et facile, possèdant une valeur d’échange stable en raison de sa relative rareté.

Le fait de publier au vu de tous le taux de change dans une opération qui s’apparente à du troc impose un prix. En impliquant en même temps des échanges de denrées de plus en plus nombreuses, on complexifie le mécanisme : la transformation d’un bien en unité monétaire introduit dans le système des opportunités nouvelles et des risques. Opportunités qui sont par exemple l’épargne. Et la possibilité de prêter c’est à dire de créer des dettes. Risques au moment où celui qui a épargné pour pouvoir acheter plus tard se trouve face à un énorme arrivage de cigarettes qui inondent le marché. Celle-ci perdent en une fois leur valeur d’échange et il se sera privé pour rien. Nomisma (monnaie) a la même racine que nomidzo qui signifie croire. Un système monétaire s’effondre si les citoyens cessent de croire que la monnaie conservera sa valeur d’échange. Nomos, la loi, intervient pour assurer cette croyance.

Et il arriva que La Croix Rouge mît plus de cigarettes et la même quantité de chocolat, café et thé. Du coup chaque cigarette achetait moins de café. Et à l’inverse si les cigarettes se faisaient rares, la valeur d’échange de chaque cigarette augmentait.

La notion d’inflation et de déflation pose un autre problème. Une déflation c’est l’augmentation de la valeur d’échange des unités monétaires par la réduction de la quantité de monnaie par rapport aux autres biens. L’inflation c’est la réduction de la valeur d’échange des unités monétaires dont le nombre augmente par rapport aux autres biens. L’inflation correspond à une hausse des prix des denrées exprimées en cigarettes alors que la déflation conduit à leur baisse . 

Cette histoire de colis mensuels a vu naître des banquiers : je te passe 10 cigarettes ce mois et le mois prochain tu m’en donneras 12. Quand les banquiers s’attendent à ce que dans les colis du mois suivant il y ait plus de cigarettes (risque) ils se couvrent en augmentant l’intérêt. Anticipant l’inflation l’intérêt tend à monter et à baisser en période de déflation. Mais cela ne va jamais jusqu’à ce que l’intérêt égale zéro. Car même si le taux nominal vaut zéro le taux réel est positif. 

Exemples : si le banquier prévoit une baisse de 10% de la valeur d’échange des cigarettes, il passe de 12 cigarettes pour un prêt de 10, à 13. D’un taux de 20% à 30%. Car vu l’inflation de 10% il se maintient dans son gain habituel moyennant une hausse de prix de l’argent : 30-10 = 20.

Si le banquier est en période de crise ou de déflation, lorsque les prix baissent de 10%, un taux nominal de zéro veut dire que l’emprunteur de 10 cigarettes en rend 10 le mois suivant. Mais ces 10 cigarettes rendues ont acquis après un mois une valeur d’échange supérieure à leur valeur initiale. Le taux réel est calculé sur le taux nominal moins l’inflation de – 10% : 0-(-10%)= + 10%. Avec une cigarette je dois m’empresser d’acheter un autre bien avant que son prix n’augmente encore. Les phénomènes d’anticipation causent des crises à répétition comme pour les entrepreneurs qui y voient un signe d’être pessimiste.

Dans les économies monétaristes à la différence de l’économie du camp, la monnaie s’est politisée et est devenue indissociable de la dette et de l’impôt. Le pouvoir s’est renforcé quand il se dota des moyens de garantir la valeur monétaire. Dans le camp la monnaie n’est pas politique parce que là il n’y a pas de production ni de travail. Lorsque l’argent coexiste avec la production, les seigneurs qui avaient mis la main sur l’excédent ont étendu leur poids en gérant et garantissant la monnaie de la société qu’ils dirigeaient.

Une monnaie créée par les citoyens pour les citoyens en se passant des génies de la finance et de l’Etat a été créée par Nakamoto avec le bitcoin. On l’attaqua en faisant croire que des hackers entraient dans les ordinateurs des particuliers. Quand apparurent les services de gardiennage du système, ces derniers partirent avec l’argent. Conclusion : Seul l’Etat est garant car il assure que l’argent volé est restitué à son propriétaire et que le voleur sera sanctionné.

En guise d’épilogue 

Au début de Matrix, Néo qui ne se doute encore de rien, rencontre Morpheus, le chef des résistants recherchés par les autorités. Et Morpheus le met devant un dilemme : ou prendre une pilule bleue ou rouge. Seule cette dernière apporte la vérité. Le drame c’est qu’il n’y a pas de pilule rouge…il y a seulement l’esprit critique. 

REM : le poids de la distribution est caractéristique de la société de marché ; les services bancaires sont les véritables meneurs du jeu. Et c’est ce poids usurpé qui doit être combattu.On peut se demander si les choses ne sont pas en train de changer.