Ce livre est une somme. C’est un travail de toute une vie. Les deux grands penseurs, qui ont marqué l’auteur, sont Hegel et Lacan. Sa philosophie en est réorientée par deux fois. Le livre offre une synthèse difficile et convaincante car elle aborde de front la tâche de rendre actuelles ces pensées qui semblent dépassées. Il est salutaire ici d’écouter Deleuze quand il dit qu’il y a des idées que l’Histoire a rejetées mais qui pourtant insistent dans un passé pur où elles attendent de refaire surface pour un autre temps.
Enrichir la pensée de Lacan avec celle de Hegel a déjà été fait. Par contre enrichir la pensée de Hegel avec celle de Lacan est audacieux et inouï. Croiser les points de vue de ces deux penseurs est très éclairant. Notre résumé est attentif à l’intention de l’auteur. Toute pensée sérieuse à force de persévérer jusqu’au bout dans son intuition, bute sur une limite. C’est alors qu’elle passe relais vers une autre pensée sensible à la vérité qui y insiste.
Le titre du livre est obscur : moins que rien, ça ne veut rien dire à première vue. On ne sait rien soustraire à rien. L’auteur pourtant en éclaire le sens à partir d’une petite histoire. « Vous entrez dans un café et commandez un café à la crème. On vous répond que la maison ne fait pas ce type de café mais par contre peut servir un café au lait ». La réflexion porte sur la déception évidente de ne pas recevoir ce qui faisait rêver. À cette mesure-là, offrir n’importe quel autre type de café, c’est moins que rien ! C’est ici que s’éclaire le rapprochement de Lacan et de Hegel. Il est évident que Hegel a une bonne idée de ce qui meut sa propre recherche, le désir qui la sous-tend. Mais ce qu’il ne voit pas (sa tache aveugle) c’est la jouissance qui accompagne ce désir comme son ombre. Son désir, par définition, n’obtient pas satisfaction mais sa jouissance, elle, trouve une autre satisfaction, que Lacan lui révélera. On peut dire la même chose chez Lacan qui même si c’est lui qui ouvre le champ des jouissances en est tout aussi affecté (infecté). Ce sera à Hegel de lui ouvrir les yeux (!) sur sa pratique de l’excès en situation catastrophique. Comme on le verra, pour revenir de l’excès, Hegel développe un supplément à la notion de révolution.
Le résumé reflète au mieux de mes possibilités la pensée de Zizek quant à l’oeuvre de Hegel.
Hegel, la stabilité trompeuse
La dialectique
L’effort de penser est trans individuel. Chaque individu est aliéné à une série de déterminations fixes et sa pensée en pâtit. L’aliénation se dépasse par un changement de point de vue. L’effort de Hegel est auto réflexif dans ce sens où, dans ses échanges, la rencontre de l’autre peut menacer son narcissisme. L’autre n’est pas d’accord avec moi. Il tient aussi à son point de vue. Les échanges ne sont pas tendres et on peut parler de lutte des idées, de guerres des idées. Prenons le moment de la rencontre pour la 1ère fois d’un noir par un explorateur blanc. Il en résulte un jugement comme quoi ces noirs sont des hommes restés à l’âge préhistorique. Je refoule le jugement qui mettrait en péril ma vision d’homme supérieur. Ce qui manque c’est le 2ème jugement, correcteur. Le point de vue de l’homme dit primitif.
L’inconscient est l’acte supérieur par lequel je me pose. C’est le geste fondateur de la différenciation comme médiateur évanouissant… qui doit sombrer dans l’invisibilité.
Toute pensée atteint sa vérité uniquement à travers son autodestruction, à travers la lutte qui est la façon dont les parties se trouvent réconciliées à travers leur destruction mutuelle. Cela tient au langage et à l’inconscient. Le retard caractérise la conscience car lui est inaccessible l’impact de l’acte par lequel sa propre inscription se produit dans l’objectivité. La véritable universalité est uniquement accessible dans un point de vue partiel, partial et engagé. Il y a un lien essentiel du contingent au nécessaire.L’originalité de Zizek c’est qu’il fait dialoguer Hegel avec Nietzsche, Foucault, Deleuze, mais aussi Kierkegaard, Agamben et bien sûr Lacan. Le langage dévoile ainsi de multiples dimensions : depuis la philologie et l’épistémologie jusqu’à un registre performatif (Austin). L’idéologie entre autres pratiques collectives est aussi analysée. Il y a une façon dont les gestes de la symbolisation sont inextricablement liés et intégrés dans le processus de la pratique collective du langage.
Zizek confronte la pensée d’Hegel au tournant linguistique. Tout est rapporté à Hegel dont la méthodologie est résolument dialectique. Toute figure positive de l’Être est un geste qui positive la négativité …sous la formation fantasmatique construite pour combler l’écart de la négativité. Le vrai sujet de la dialectique, c’est son redoublement auto réflexif.
Les antinomies concernent la réalité
Par un jeu entre thèses et anti-thèses, la dialectique fictionne le prolongement de la dispute (arrêtée par sa mort) avec des penseurs contemporains. Hegel connait la philosophie classique et surtout les oeuvres de Kant et Schelling mais aussi Fichte, autre idéaliste allemand. Ainsi apparaissent des pas d’écart. Hegel est-il paradoxalement matérialiste ? Les antinomies qui bloquent les efforts de Kant ne relèvent pas des limites de l’entendement mais concernent la réalité elle-même. Le réel est pas tout. Hegel souligne qu’il faut partir de l’apparence car le monde nous apparait. Soit une pure multiplicité plate. Mais à travers une auto-médiation de son inconsistance, au travers de l’Histoire, cet apparaitre construit une profondeur des choses, les essences. L’invention du concept s’opère par une réconciliation des deux dimensions, apparence et essence.
La philosophie de Hegel dégage le moteur de l’Histoire comme une série de passages. Par étapes, des dimensions de complexité supérieure sont atteints. Il passe du logique au phénoménologique. Il passe par le filtre de la Nature avant d’en arriver à un dépassement ouvrant à la passivité de l’Être, de l’Esprit. La force est le concept qui s’étoffe en cours de route. Les idées d’un moment miraculeux sont complexes.
On appelle moment miraculeux le moment où un phénomène X ne fait pas qu’actualiser une possibilité préexistante mais dont l’actualisation crée sa propre possibilité.
La révolution
Toute exposition de sa pensée est dangereux. La question est éminemment politique. Quand un soldat se bat pour son pays, il a besoin d’un ennemi personnel pour se donner consistance ; en effet se battre pour son pays, c’est trop abstrait. L’idéologie est convoquée pour inculquer la haine de l’autre. Hegel insiste sur le moment de l’armistice : « la guerre est finie » est un acte de langage qui a pour effet la fraternisation des ennemis. Les parties sont réconciliées à travers leur destruction mutuelle.
La dialectique en jeu est un moteur doublement réflexif. Il n’y a pas qu’à accepter la limite de son entendement.La révolution française n’échappe pas à l’inconscient qui est co-auteur de l’acte inauguré par Robespierre. Celui-ci fait un pas trop loin, excessif et c’est la Terreur. La réalité atteint sa vérité : la révolution n’est pas celle du peuple citoyen mais une affaire de bourgeois. Cela se lit dans le Droit. Celui de la propriété privée dont résulte une définition du vol comme négation de la loi. Cela est une affirmation de portée générale. Mais c’est une abstraction qui cache le fait que dans le capitalisme, ce droit nie la notion de vol car il considère être dans son droit quand il réduit le citoyen à être un consommateur. On est passé de la négation à la négation de la négation.
Allons encore plus loin à propos de l’idéologie. En Corée du Nord le citoyen perd toute individualité dans les rassemblements obligatoires consacrés à unir la nation, en un peuple. Ici existe la place pour une séparation radicale, soit le détachement hors de la situation qui procure une jouissance au delà du désir. Il y a place pour une quasi traversée du fantasme comme épreuve de la perte de la cause de son désir.
Hegel prend l’exemple de la mode pour expliquer la rétroactivité. Il y a répétition des tentatives pour sortir de l’aliénation par des actes de séparation. Souvent cela échoue. Du moins en apparence parce que dans le fond … Soit le cycle de la mode en quatre temps : au départ, on s’habille sans y penser comme tout le monde. Puis surgit une autre manière de s’habiller, une fantaisie qui dégage partiellement de l’aliénation. Rapidement cela suscite un effet d’entrainement où le ralliement à une nouvelle mode prend corps. Nous voilà de retour dans l’aliénation totale ? Non car il y a un quatrième temps : la répétition crée la différence dans le sens où elle vide le sujet de ses déterminations. La négation de la négation se produit quand on réalise que la forme supérieure maintient son point de départ en lui donnant une valeur positive. Une résistance travaille à remplir le sujet du vide de la négativité. L’échange qui implique quelqu’un qui a tout avec quelqu’un qui n’a rien donne moins que rien, soit l’amour.
Perdre ses déterminations
Dans notre époque, l’abstraction devient une propriété directe de la vie sociale réelle. Les individus se rapportent à leur destin comme n’assimilant plus le noyau de leur être à la situation. La profession dépend de l’interaction de mon libre arbitre avec les circonstances sociales. Pour ne plus vivre comme des pantins désarticulés, ma culture particulière doit réprimer la dimension universelle qui agit en elle. Mais il faut en plus poser la question de la forme universelle elle-même. C’est là l’apparition de la subjectivité dans la théorie du concept. La contradiction entre l’universel et le je se résoud dans le particulier. On entre ici dans le domaine pratique de la volonté et de la décision. Le libre arbitre fixe un contenu déterminé.
Pour garantir la stabilité de notre sphère de vie, quelque chose de l’ordre de la fiction la complète. La virtualité d’une révolution soutient l’effort et on éprouve dans l’effort la satisfaction de donner un sens à la vie. Il n’est pas nécessaire de faire la révolution, la fictionner convient. Il y a à perdre l’idée que la réalité est totale, substantielle, parce que le sujet est déjà là dans le travail d’élaboration de sa consistance. On est loin de l’idéal d’un Tout organique, on est plutôt dans une notion critique entre stabilité trompeuse et intégration de déstabilisateurs excessifs. Soit dans une dialectique entre le vide et la tache qui brouille la réalité, tache qui inscrit le sujet dans cette réalité.
Le sujet est toujours déjà lié à un contenu substantiel hétérogène comme négation de ce contenu. La substance en elle-même est donc ontologiquement incomplète. Le réel est le présupposé prélogique de la dialectique.
L’écart entre la substance et ses accidents suppose une contradiction radicale au cœur de la substance. Et l’expression concrète de ce lien est l’identité spéculative entre le sujet et l’aspect accidentel de la substance, devenu autonome comme objet partiel. Le sujet représente la façon dont l’universalité d’un concept passe dans la réalité extérieure et acquiert une existence réelle dans cette réalité temporelle. L’idée de Hegel de l’hétérogénéité radicale d’une altérité extérieure totalement contingente ne peut être reliée à l’intériorité d’un UN.
Ce qu’Hegel appelle l’absolu, c’est la profonde passivité de l’Esprit. Celui-ci laisse le contenu se mesurer à l’aune de ses propres normes immanentes. C’est ici que s’arrête la dialectique. Plus aucune forme d’« en soi » n’est disponible comme mesure de la vérité « pour nous ». Une grande quantité d’activité subjective est nécessaire pour arriver à cet objectif.
En quoi consiste l’auto-déploiement du concept ? C’est quand on finit par constater l’impossibilité de distinguer les inconsistances inhérentes à nos conceptions d’un objet d’avec les inconsistances inhérentes à cet objet. Après, l’achèvement conceptuel fermant le cercle de l’idée absolue dans sa résolution, il y a un mouvement pour s’en déprendre, permettant le démarrage d’un nouveau développement sur un autre plan. Hegel rappelle que la Nature a son centre en dehors d’elle même et qu’elle est condamnée à s’efforcer de l’atteindre, de le récupérer « pour soi ». Mais l’Esprit, lui, a son centre en lui même. Avec l’apparition de l’Esprit, la réalité revient de son extériorisation à elle même. Cependant l’Esprit n’est effectif que dans la pensée humaine dont le media est le langage. Et le langage s’accompagne d’une extériorisation encore plus radicale. La nature revient ainsi à elle même à travers cette extériorisation répétée. Une nécessité sous-jacente est ici à l’oeuvre : avant la nomination il n’y a pas de sujet mais, une fois nommé, le sujet disparait sous le signifiant (ici on peut dire que cela vaut pour l’objet visé par la nomination mais aussi pour celui qui nomme au moment où il se prend pour objet : qui suis je.
La Nature pâtit du sujet qui la nomme ; l’objet et le sujet sont tous 2 barrés par le réel qui git dans l’acte symbolique de la nomination, un réel pas tout.
La réconciliation entre le particulier et l’universel se produit grâce à la division qui les traverse tous les 2.
L’homme et la femme
L’identification « à soi » de l’Esprit surgit de la relation négative de ses présupposés naturels. L’Esprit est son propre devenir, il est le résultat de sa propre activité. Le dépassement est auto-référentiel. Contrairement à l’idée que toute possibilité s’efforce de s’actualiser pleinement, on doit voir le progrès comme le mouvement restituant la dimension de la simple potentialité à son effectivité. La révolution dans les idées émancipatrices contrariées dans les actualisations faites en leur nom reste comme dans des spectres lesquels réclament leur remise en oeuvre.
L’universalité conceptuelle et la particularité de son contenu sont des opposés. Il faut s’appuyer sur la langue là où elle n’est pas un système formel, soit dans les idiosyncrasies… pour amorcer le dépassement. Lacan l’appellera la-la-langue. Et Hegel en a une.
Imaginons un homme qui persiste dans sa singularité, s’efforçant de s’imposer comme une nécessité permanente, la véritable négativité est la négativité qui détruit cette entité. Pour Hegel, la sexualité est une défense contre l’absence de l’Autre. Pour Hegel, la double négation est activée par la femme qui ouvre un 3ème espace pour l’homme, celui du non non homme, ….ce qui ne le ramène pas à l’homme.
On touche ici aux limites de Hegel. L’inconscient de Hegel est un inconscient trop formel, c’est encore la forme de l’énonciation invisible dans le contenu de l’énoncé qui joue au niveau des idiosyncrasies.
Lacan osera le saut par dessus ce vide bien repéré.Aufhebung n’a pas qu’un sens : les idiosyncrasies sont prises comme parasitaires et non en dernière instance car chez Hegel il n’y a pas place pour une répétition qui n’est pas encore prise dans l’Aufhebung.
Ce sera la tâche de Schelling de faire voir une proto-réalité; il aura juste suffit de répéter Hegel pour faire surgir une minuscule différence. Nous devenons humains quand nous nous trouvons pris dans la double boucle et que, nous nous auto propulsant dans la répétition du même geste, il y a sortie de l’habitude et accès à la jouissance Autre.
Lacan raconte une histoire qui brode sur la pièce « l’otage » de Claudel.
Cette fiction raconte qu’une femme amoureuse d’un homme athée obéit à son père à l’encontre de son désir et de sa jouissance. Ce père fait valoir une raison supérieure dans un contexte où c’est le devoir de sa famille de l’épauler dans sa lutte pour le pape et le Vatican contre l’Etat français laïc. La fille s’appelle Sygne et elle s’assume dans un acte de réalisation de soi comme sujet évanouissant. Elle disparait littéralement dans une mort sociale.Ici on a perdu Hegel. …quoique pas sûr.
Le résumé a serré de près le trajet de Zizek dans sa présentation de Hegel. Par contre ce résumé va survoler le trajet de Zizek dans sa présentation de Lacan. En effet, j’ai voulu accentuer une piste selon laquelle dans la comparaison des pensées de ces deux génies il importait de dégager une pertinence nouvelle de Hegel pour aujourd’hui. Même la pensée de Lacan connait des limites et c’est intéressant de souligner en quoi on peut dire que Hegel dépasse les limites de son Autre de service. Jusqu’ici, nous avons montré comment Lacan relit Hegel. Maintenant il faut montrer l’inverse.
Lacan, déstabilisateur excessif
Lacan sauvé par Hegel
Pour la fin de l’analyse, il y a à parier sur le pouvoir de la déraison (sur la ruse de la raison), inhérent à chaque agent déterminé qui laissé à lui-même arrive à la destitution subjective. Ceci ne peut fonctionner que si le sujet est soudoyé par un plus de jouir. Le psychanalyste s’oppose. Aussi toute conclusion impliquera un geste de précipitation (résultant d’une interprétation) dans un moment vu en arrière. Ce qui se présente comme obstacle suprême (la mort) est la condition de la possibilité de la fin du transfert : à concevoir chevillée à un symptôme.
Le sujet n’est rien d’autre que !’apparaître réfléchi en lui-même. Le sujet se supposait unique jusqu’à ce qu’il rencontre dans l’autre un autre lui-même : alors l’infini revêt une forme déterminée. Cet universel singulier donne forme au vide résident au cœur de toutes choses. Le vide rend compte de l’unicité de la chose. Son nom, c’est la pulsion : le noyau de mon être réside en dehors de moi sous la forme d’un objet partiel. Freud complique l’abord de la pulsion de ce qu’il la présente comme contrecarrée, comme un effort mort-vivant qui perdure au-delà de la vie et de la mort. Freud veut à tout prix sauver l’institution psychanalytique qu’il a fondée. Mais la pulsion de mort lui fait payer le prix fort. Le cancer gangrène son institution quand elle ose se détourner des juifs.Lacan « dépasse » Hegel en reprenant la réflexivité dans sa logique du signifiant : c’est l’inconscient qui court-circuite la communication. Il y a transmission de Freud à Lacan dans une institution qui s’est fourvoyée. Ce qui caractérise le transfert de Lacan s’observe par une répétition de dissolutions institutionnelles. Son institution lui convient dix ans. Après il décide de la remplacer, au prix d’un départ des collègues analystes qui de leur côté recréeront leurs propres institutions.
Qu’est ce donc ce « quelque chose » qui détermine la décision ?
L’objet@ désigne ce qui est soustrait à la réalité et qui la rend incohérente. li est le reste indivisible qui échappe à la forme symbolique, comme déformation purement formelle du contenu. L’objet @, pris dans la double négation, est pris dans le trajet de la pulsion, puis revient à son point de départ mais à un niveau de complexité supérieur.
Et ce en 2 temps : 1) Sujet – 0bjet devient Sujet barré – objet @. Le fantasme conçu comme un cadre ou un écran mobilise l’aura de l’image qui n’est pas sans rapport avec le phallus. Le fantasme est là pour reconstituer la consistance d’un grand Autre. Mais le fantasme déstabilise aussi… et c’est le temps 2) Il faudra refaire un tour avec le réel pour y déceler l’ombre portée du fantasme : le symptôme qui est indice non pas de rien mais d’un vide. La tache aveugle concerne « quelque chose » au delà de l’institutionnel.
En logique formelle. la réalité matérielle est tout ce qu’il y a (Aristote).
Mais Lacan s’y glisse en distinguant 2 logiques vu la différence homme-femme. Côté homme, le sujet n’arrive pas à être effectif et l’objet @ donne corps à cet échec. Côté femme, le geste de retrait est ce qui la constitue : la sexualité tend à être une dimension imprégnant sa vie entière. raison pour laquelle elle implique bien plus que la présence d’un homme.
Pour Lacan, entre homme et femme, il y a rapport d’indifférence ou plutôt une différence redoublée qui dégage une différence minimale antérieure à la différence des sexes. Côté homme, il y a une logique de l’universel moyennant un point d’exception (jouissance de !’Autre). Côté femme, il n’y a pas que la sexualité masculine car elle n’est pas tout. L’autre jouissance (féminine) est spectrale : c’est « quelque chose » qui n’existe pas et qui cependant est agissante. La logique ici est celle de l’affirmation du sujet comme rien. Elle sait prendre appui sur le vide. Lacan sera ici sensible à un chemin mystique. Pour l’homme il n’y a rien qui ne soit pas fait de discours. Pour autant cela ne signifie pas que tout est discours. Ce qui se trouve dehors, le discours des sans parts, n’est pas quelque chose, une classe. Lacan n’entend pas le versant politique.
Pour la femme le discours est pas tout. C’est ici que Zizek fait un saut dans la physique quantique.
De nouveau le résumé survole ne retenant que ce qui donne appui au point de vue qu’il retient.
Retour à Hegel
Moins que rien
Pour que quelque chose existe, il faut que le rien pré-ontologique soit nié et posé comme un vide explicite. On passe par le moins que rien.
C’est ici que le titre du livre s’éclaire : « moins que rien », ça ne veut rien dire à première vue. Mais une femme sait faire entendre en dehors du discours. « Voulez-vous monter prendre un café chez moi ? Non, je ne prends pas de café ! Oh, ce n’est pas grave, je n’ai pas de café non plus ! »
Lacan fait de l’ombre à Hegel. Mais l’ombre portée fait retour et obscurcit le propos de Lacan. Là où Lacan s’épuise avec ses nœuds et la mystique de l’amour, Hegel reste les pieds par terre. Il reprend la main. L’ombre du matérialisme dialectique (et cela va beaucoup plus loin qua l’ombre portée du fantasme), c’est l’ouverture du 3ème espace. Celui de la politique. À notre époque frappée de para-consistance, ce qui est en dehors du discours n’est pas quelque chose de consistant mais c’est moins que rien.
L’antagonisme de classe (et non pas la lutte de classes) ouvre un espace pour entendre la parole des sans parts. La force de celle-ci apparaît quand elle convainc que je suis détaché de ma vie particulière en m’attachant à un petit bout de réel. La politique fonctionne à jouer de l’écart entre la raison et la pulsion.
Lacan a cherché en vain le nom de cet écart en dehors du politique. Il a fait place à la métaphysique.Si le symbolique produit de l’être et pas seulement des façons d’être, c’est en raison de ce qui empêche l’être « d’être en tant qu’être », en raison de sa contradiction intrinsèque qui n’est précisément pas symbolique mais réelle.