La psychanalyse a à expliquer les obscures forces affectives qui déterminent les hostilités et alliances entre clans ou tribus. C’est cet humus que les nazis appellent les intuitions archaïques du sang et du sol.
Première partie : les anciens mythes d’origine
Chapitre 1 : Espagne. Le mythe gothique
La particularité de l’Espagne c’est la domination musulmane. Ceci dit, il ne faudrait pas oublier celles qui eurent lieu trois siècles avant 711. Isidore de Séville entreprend d’apparenter les Ibères avec les Wisigoths en rattachant les premiers à TUBAL et les seconds à MAGOG, tous deux fils de JAPHET. Les rois catholiques se revendiqueront de TUBAL. L’hérédité gothique n’a pas de fondement historique, c’est par contre en raison d’une réalité psychique qu’elle a survécu. Le nom Goth est prestigieux dans toute l’Europe. En Espagne on a surestimé le sang germanique car c’est un racisme pensé et exprimé en termes théologiques qui lui succéda : la race pure descend de JAPHET et les impurs ce sont les sémites.
Chapitre 2 : France. La querelle des deux races.
On part avec le nom de Francs (affranchis). Les idées de liberté, intégrité et puissance y sont associées. Sournoisement cela suggère que ce nom germanique prend l’ascendant sur les latins en tant que Slaves (esclaves). La dynamique dominant/dominé est conflictuelle quand la noblesse s’en mêle. Pour trouver l’apaisement, les 2 factions (lignées) fusionneront dans une généalogie construite commune.
Les mythes nationaux reconstruisent les origines : puisque les romains avaient eu une origine troyenne, les francs s’y greffèrent par un certain FRANCION fils d’Hector, dont l’arrière petit-fils PHARAMOND est en fait le chaînon avec la noblesse française. Le passage de la dynastie mérovingienne à carolingienne affinera le raccord à la légende de Romulus et Remus par un agencement de deux frères ennemis VASSUS et FRANCUS, ce qui apparente suzerains et vassaux. Bien entendu on s’assure en amont de tout faire remonter à Adam grâce à KITTIM, petit- fils de JAPHET.
À la fin du Moyen-Âge on remodèle cette filiation autour de GOMER, premier-né de JAPHET. L’important en terre gauloise frappée par une marque germanique se vivra en France comme une sorte de traumatisme originel. Avec l’empire carolingien, attentif au vécu et ressenti populaire, on veillera à garantir une paix apaisant les différences. C’est la période moderne qui va raviver les tensions : commencent à foisonner des opinions cherchant à contrer les titres du St Empire Romain Germanique. On francise Charlemagneet on ressuscite l’idée que Hugues Capet a eu raison d’usurper sa couronne en la rendant aux gaulois naturels.
Plus personne ne doute de la pureté de l’origine de la France dès le 18ème s. Sous l’égide des Francs, revenus sur leurs terres qu’ils avaient été forcés de quitter sous les coups des romains mais donc de retour, les français prenaient conscience de la fierté d’être libres. En rentrant au pays, les Francs furent considérés de la noblesse, distingués des gaulois restés eux sur les mêmes terres, qui ne sont que des roturiers. On ressuscite une généalogie confuse depuis PHARAMOND, Clodion, Mérovée… mais rien n’y fit : une faille s’est ouverte et les historiens s’y ruent et parlent d’origines celtiques. Dans une réaction de mépris pour les retours aux Titans et à GOMER, ancêtres des Francs du bord de Seine, la querelle des deux races s’enflamme. Cela vient des nobles outrés des avancées de l’absolutisme royal.
Ce qui est intéressant c’est de voir que cette querelle va polariser autour de trois têtes : les romains, les gaulois opprimés et les germains libérateurs. C’est sous la Restauration qu’on entreprit d’exorciser le mythe des Francs germaniques à l’aide d’un « nouveau mythe gaulois ». La Révolution a eu pour effet un attachement au sol substitué à l’attachement filial au roi. La légitimité de la droite s’effaçant derrière celle de la gauche. L’amour de la Terre natale aspire à une modernité symbolique. Augustin Thierry promeut la race au rang de principe explicatif. Camille Jullian passe la dernière étape : la Révolution a été bourgeoise, la France dans la foulée sera gauloise. À la même époque les historiens allemands voient dans le choix pour les ancêtres gaulois, le signe d’un déclin : à la France la nation, à l’Allemagne la race. Pourtant au même moment Henri Martin renoue avec la grande famille japhétique dont l’Asie, cette Terre sainte des premiers âges, paraît avoir été le berceau. On est bien avant Gobineau mais bien à la source du mythe aryen.
Chapitre 3 : Angleterre. Lignage de Sem et joug normand
Jusqu’aux Germains inclus, la séquence est la même qu’en Espagne et en France mais la romanisation romaine ayant été imparfaite, les Celtes demeurèrent culturellement Celtes et pareils pour les Germains : il en résulte une situation plus complexe. La coexistence des Celtes et des Germains, plus exactement des Bretons et des Anglo-Saxons, fut tumultueuse. Pour bâtir leur mythe d’origine, ils avaient l’embarras du choix entre quatre sources – gréco-romaine, celtique, germanique et biblique ; ce sont les deux dernières qui surnagèrent. Les Bretons avaient perdu le souvenir de leur première traversée. Christianisés avant les Anglo-Saxons, ils adoptèrent une généalogie semblable à celle des peuples continentaux – japhétique en appui sur un certain BRITTO… et les Bretons devinrent le véritable Israël. Bède le Vénérable y lia le peuple Anglo-Saxon par une prédestination devant établir en Angleterre une autorité politique nouvelle et y jeter les fondements de l’Eglise. D’autres moines partirent sur la généalogie de WODEN rattachant l’ancêtre national à Adam, y ajoutant le souvenir d’une traversée maritime mettant en scène un enfant endormi…SETH ou SEM. Dès le Haut Moyen-Âge, les anglais répudièrent JAPHET car l’Angleterre n’est pas l’Europe. Geoffroy de Monmouth est un évêque gallo-breton qui puisa dans les légendes bretonnes un certain EBRAUCUS, roi breton légendaire, qui infiltra les généalogies anglo-saxonnes entre Adam et WODEN, double de SEM.
Mais que signifie un lignage royal remontant à David et SEM ? C’est parce que Noé avait donné une bénédiction spéciale à SEM fils aîné que la généalogie passe par WODEN. Le roi Henry II est ambitieux (1166), Aibrac de Rivaux son chroniqueur combine une glorification des ancêtres avec les idées des rabbins suggérant une égalité entre SEM et Melchisédech. À la différence du continent où l’influence romaine étouffa l’atmosphère « Ancien Testament », WODEN est disqualifié. Henry VIII par le schisme restitue au roi une dignité supérieure au prêtre. La Réforme permet la Révolution anglaise où l’éminence sacerdotale est captée par le peuple. En Angleterre on s’est identifié au peuple de Moïse. Les anglais sont cependant encombrés par Richard Coeur de Lion et font tout pour se dégager du joug normand. L’épisode de la conquête franconormande ne doit pas faire de l’ombre à Henry II. Sur le fond il y a à clarifier une possibilité d’accointance avec l’Allemagne. Il ne faut surtout pas que les anglais soient une race mélangée avec les danois et les normands. Au moment de la Révolution du temps de Cromwell, la classe devient une race. L’affrontement est culturel et pensé en termes de sangs qui s’affrontent. Les Francs germaniques ce sont les Normands qui trouvent écho près la noblesse anglaise : le peuple anglais ne l’entend pas de cette oreille. Le neveu de Francis Bacon va développer une nouvelle thèse où le dessein divin est de faire resplendir la gloire de Dieu sur une île et de faire, avec les rebuts germaniques des nations (les bretons, saxons, scandinaves et normands), une belle Eglise. Henry VIII est le premier après la résistance des bretons contre Rome, à reprendre le flambeau. La Révolution anglaise donne consistance à leur germanité. Les libertés anglaises remontent bien avant les romains puisqu’elles puisent leur source dans l’opposition des Bretons faite aux Saxons avant la romanisation. Humecombattra ce qu’il voit comme une hérésie et ose parler des Bretons comme des dégénérés. AU 19ème l’anthropologue John Beddoe re-différencie l’Ecosse et le Pays de Galles si bien que les anglais en reviennent finalement à une nation, faite de trois morceaux. On craint en tout cas la montée en puissance de l’Allemagne et il n’est plus question pour personne de frotter avec une teutomania.
Chapitre 4 : Italie. La semence d’Enée
L’histoire italienne est dominée par le legs de l’antiquité romaine. Le prix en a été de diviniser PIERRE et de le célébrer le jour où on fêtait Romulus fondateur de la cité. Premier pape légendaire, il fit figure de fondateur de la dynastie. Les Lombards envahissent en 570. En cherchant de l’aide, la papauté se dote d’un titre à posséder des terres en Italie. Ce sera « la donation de Constantin ». Charlemagne en renversant les Lombards l’avalise en 774. Ceci dit, la guerre des Guelfes et des Gibelins durant le Moyen-Âge épuisera les énergies qui dans d’autres pays ont servi à fortifier des royautés. Ce n’est qu’au 12ème s., que dans l’essor des villes italiennes, on fit remonter la généalogie jusqu’à ENEE et même à Adam en passant par Noé. Sur cette voie JAPHET donne naissance à JANUS qui fonda Rome. En Italie il y a une relation indifférente aux juifs. Tous les humanistes italiens rêvent de la grandeur romaine et rendent hommage aux ancêtres. Du temps où les papes partirent à Avignon, ce règne entre deux papes fait écho de Machiavel, Dante ou Pétrarque autour du rêve de l’unification italienne sous l’égide impériale romaine…antique. Par contre sous le pontificat d’Alexandre Borgia, on renoua avec une généalogie qui remonte à NOE. L’esprit des Lumières fit tomber les généalogies orientales et pour les remplacer, on rattacha les romains aux étrusques et donc à ENEE. Ce sera l’idée de sol et c’est l’esprit national qui fit se tourner vers les grecs mis à l’école des mystérieux étrusques. La classe intellectuelle souscrit à la croyance que son peuple n’est pas seulement descendants naturels mais légitimes de Rome. Rome était également chère aux deux camps : celui de l’anticléricalisme avait repris le slogan de Garibaldi, Rome ou la mort. Les italiens contrairement aux autres pays européens n’avaient aucune recherche généalogique et encore moins du côté d’une supposée race aryenne;
Chapitre 5 : Allemagne. La langue et la race
On sait beaucoup plus sur les errances des Goths, Francs, Langobards que sur celles des Frisons et des Saxons. Les Allemands sont amenés à s’intéresser aux ancêtres des autres peuples. Ceci n’a pas aidé les Allemands à avoir une idée claire d’eux-mêmes. Les Länder ont conservé les antiques divisions tribales. Mais on a à distinguer les premiers temps germaniques dont le théâtre est l’Europe entière et les premiers temps allemands dont le théâtre est la France. C’est une communauté linguistique qui relie les tribus (Stämme) face à la latinité (Welsches). Et cela va à l’encontre de la thèse de ce livre sur le rôle de la représentation d’une filiation commune dans la naissance des sentiments nationaux. Ce n’est qu’avec la Réforme que les allemands se virent proposer un ancêtre commun, ASCHKENAZE, qui jusque là n’avait valu que pour les seuls Saxons. La singularité du passé allemand dans un environnement étranger permet de penser que les dynasties royales et la féodalité les y cultivaient comme signe d’identité pour se distinguer des autochtones. Il en fut autrement dans les territoires de culture germanique homogène. Et donc l’origine basée sur une langue commune finira par surgir 1000 ans plus tard dans des théories anthropologiques basée sur la race. Avant ça et pour en rester aux traditions généalogiques, il convient de distinguer entre mythe impérial (lié à la légende troyenne) et les traditions particulières des tribus. En ce qui concerne la race princière des Francs, la Germanie est le Reich oriental (Oster-Reich) mais elle est aussi la Francia des chroniqueurs de Frederic Barberousse en opposition avec la Gaule (Gallia) d’outre-Rhin. Les Francs sont la race noble des allemands mais ils le sont en France. C’est par eux que les Allemands participent à la gloire des Troyens (via JAPHET) et cherchent à y fonder les titres du St Empire Romain Germanique (SERG). À l’avènement des Habsbourg, il y a distinction entre Francia major et minor (la France). Les français n’ont pas la puissance parce que n’étant que de l’origine franque (francigena) mêlée aux Welsches. Ceci dit pour le Moyen-Âge allemand, il y a filiation continue. Ce n’est qu’au 16ème s. que les humanistes allemands détacheront le tronc de la racine préparant le terrain aux théories raciales. Les dynasties impériales (SERG) électives et universelles se prêtent mal aux dynasties royales héréditaires. En ce qui concerne les généalogies particulières des Stämme, on retrouve le mélange habituel de Bible et de souvenirs de l’Antiquité classique. Mais il y a « un témoignage du 12ème s. » attribuant à la langue teutonique une position unique à laquelle les parlers welsches dérivés du latin ne peuvent prétendre. Contrairement aux langues romanes qui se sont démultipliées, l’allemand pas. Ceci la place comme langue originelle. Au 16ème viendront des prétentions à l’hégémonie universelle (« le livre aux 100 chapitres ») justement pour ne pas dépendre de titres impériaux. Dès le 15ème ce livre sert d’argument mais dans la culture générale tout le monde a oublié jusqu’au nom de WOTAN. Un coup de pouce aux intellectuels viendra de la redécouverte du « Germania » de Tacite. C’est là que les Germains ont commencé à faire valoir leurs vertus autochtones propres à une race pure sous cette influence, c’est donc l’abandon de la loi du sol qui primait, pour passer à la loi du sang. Tacite déclenche un délire mégalomane. Suivent, avec les humanistes, des tentatives de développement de généalogies bibliques (chevalier Ulrich von Hutten). Luther va amplifier le processus. La paranoïa considère que le schisme avec Constantinople offre à Rome l’occasion de s’accaparer d’un contrôle du titre SERG détenu par l’Orient…alors que cela aurait dû revenir aux Germains. Toutefois Luther optait encore pour une généalogie JAPHET-ASHKENAZE. Ce dernier est premier-né de GOMER (et donc de JAPHET). Luther s’est tenu à des vues en-deça de celles des humanistes allemands. Et ce qu’il retint passa dans le patrimoine national : les invincibles Germains ont abattu le colosse romain dans « une dérivation de soi-même ». Le sol est symbolisé par la mère autour d’une fusion préoedipienne totalement incompatible avec le mythe chrétien. Le Germain a une imperturbable bonne conscience mais le prix est la projection sur un ennemi étranger….l’ennemi héréditaire français. Les anciens Germains étaient des sages et des pieux qui ont été détournés par des évangélistes venus de Rome. On travaille donc à corriger les généalogies de Tacite. Des tribus venues d’Asie créent avec les Celtes un Ur-Volk ayant l’allemand comme langue. JAPHET et Noé parlaient allemand. Dans la seconde moitié du 16ème ce sont les Pays-Bas riches et indépendants qui deviennent le principal centre du culte de la langue germanique. La prédominance de l’allemand n’y jouait cependant pas en concurrence avec l’hébreu qui y reste la langue d’Adam et Eve. À Leyde, Clüver, un allemand de Dantzig étudia une généalogie faisant du TUISTO de Tacite un petit fils de Noé comme le vrai dieu révélé. Adam donna à son fils le nom de MANNUS, entouré de FREYA et OSTARA. On est à l’époque de « la Guerre de 30 ans » où l’Allemagne sévit mais est parcourue par beaucoup de troupes étrangères. L’allemand fabrique des idiomes propres plutôt que d’introduire des termes étrangers. C’est alors qu’un roman picaresque de Jacob von Gümmelshausen rappelle que les Germains sont une race pure et qu’ils se sont installés en Europe depuis des temps immémoriaux. Schöttel va être remarqué par Leibniz qui s’est beaucoup occupé du langage en cherchant une langue racine assurant l’antécédence de l’allemand sur l’hébreu. Le pasteur Schütze (1746-1776) va armer le combat patriotique en recourant à la mythologie « éclairée » (Aufklärung) dans une posture de refus de la lignée adamique à la suite d’une analyse scientifique. Appuyé par le poète Klopstock, la mythologie des dieux allemands passe par le Danemark : WOTAN remplace Jupiter et FREYA remplace Aphrodite. Une nouvelle vision du monde sort du brouillard nordique. Le flambeau sera repris par Herder. En 1780 la germanomanie naissante va recevoir une consécration politique quasi officielle de la part du comte Hertzberg. Les Romantiques vont faire le reste. Ils commencent à célébrer la mission universelle allemande, une élection qui implique le sentiment d’une communauté d’origine foncièrement pacifique. L’Allemagne précède les autres peuples européens. Vu la mesquinerie du présent, Hölderlin rêve un passé glorieux. À partir d’alors le nouveau nationalisme allemand va se partager entre colombes et faucons (Fichte). Jean-Paul Richterdistingue un Ur-Volk face aux autres nations européennes qui sont dégénérées d’avoir perdu leur Ur-Spräche. Herder, Fichte et Schlegel contribuent à l’envol du mythe aryen… mais entre langue, race et sang il y a un immense fossé que la raison ne comblera pas. Un dernier trait à ajouter pour être complet est le culte de la jeunesse… et de la pureté.
Chapitre 6 : Russie. Le creuset eurasien
Une « chronique de Kiev dite de Nestor » signale qu’au 9ème-11ème la région était gouvernée par les Varègues scandinaves. Certains, en Russie, devinrent princes et certains mercenaires. La chronique fait grand cas du lignage germanique partageant la population entre slaves et non slaves affiliés à JAPHET par opposition aux peuplades nomades de l’Est affiliées à SEM. L’identification à la langue slave est plus nette encore que celle des germains. Quant au christianisme cela a pris des siècles avant qu’il n’imprègne la terre russe attachée à la grande déesse Mère. St Vladimir est identifié au dieu DAJDBOG, le dieu soleil, qui n’a pas le moindre rapport avec JAPHET car les russes paysans s’adressent toujours à leurs dieux païens (jusque 1200 PCN). Une véritable généalogie ne sera faite qu’au 16ème. Donc au 11ème, la Russie kievienne entre dans le concert des nations féodales européennes même si les liens sont plus solides avec Byzance. À partir de 1240, la Russie fut occupée par des troupes de Gengis Khan jusqu’au 15ème-16ème ; les métropolites et autres archevêques furent les premiers à sentir l’affaiblissement du camp musulman : ils libérèrent en conséquence le Grand Prince Ivan de son serment d’allégeance. L’indépendance spirituelle engendre une indépendance temporelle. Dans cette lutte la métropole sainte passa à Moscou. S’en suit un souci de légitimation du coup d’Etat…par des faux ! Ivan III sera sacré Empereur par St Macaire qui le dota d’une généalogie à partir de RUZIK et passant par Auguste, ENEE, Noé (« la légende des princes de Vladimir » : le petit-fils de Vladimir, ARPASCHAD, est relié à Auguste avec 5 autres frères dont PRUSS pour qui échoient les terres de la Prusse et RUZIK pour les terres orientales). Voilà donc une généalogie germano-romaine. La généalogie romaine passera à travers des périodes troublées jusqu’à la dynastie des Romanov.Les réformes de Pierre le Grand ne s’adressent qu’aux élites et couches supérieures, et rien qu’à eux. Le peuple tenait à l’immuabilité de ses rites, croyances et coutumes. Devant les réformes modernes des nouveaux maîtres, il y a eu un schisme religieux par Raskol qui considéra Pierre le Grand comme un usurpateur. Le peuple aimait le prince Alexis. Au 18ème donc, l’intelligentsia connut une tragédie quand elle voulut culturaliser le peuple : ce fut « le conflit des occidentalistes et des slavophiles ». C’est dans la littérature que le sentiment de culpabilité pour une faute contre le peuple russe développera « l’âme russe ». Avant Pierre le Grand il fallait en effet inventer une âme slave contre la modernité occidentale. (Au plan social nada !!). La Grande Catherine proclamera la supériorité slave mais cela ne règlera pas la question de la place à faire à la modernité. La sagesse populaire a besoin d’ordre et de repos plus que d’orgueil des origines (argument dit « appel des Varègues ») . En lien avec Nicolas I , Pouchkine sera porteur de l’espoir d’une intégration harmonieuse de tous les éléments de l’âme russe. Mais la question nationale éclatera avec « la lettre de Tchaadaev » qui trouva relais avec le marquis Christine. Alexis Khamiakov est un philosophe spécialisé dans l’Histoire. Il dégage 2 principes opposés : « le principe iranien » (ou aryen) et la liberté morale (Eglise orthodoxe) à opposer au « principe kouchite » incarné dans les romains du passé ou dans les métaphysiciens allemands dont Leibniz. Retournant l’argument des Varègues, il vit dans ce dit-appel la preuve d’un pacifisme foncier signé de la supériorité morale des slaves. Au lendemain de la Révolution de 1917 quand elle est encore portée par le peuple, se constitue un mouvement eurasien où le joug asiatique n’était pas le pire…les Russes sont asiatiques.
Deuxième partie : le mythe des origines aryennes
Chapitre 1 : Préludes
Section A : les pré-adamites
C’est la découverte du Nouveau Monde qui entraîna le discrédit sur les généalogies de la Bible. On entre dans le point de vue de la science.
La théorie pré-adamite apparait au 16ème chez Paracelse et Giordano Bruno. Ces pensées osées sont répercutées dans l’Angleterre élisabéthaine. Au 17ème, l’influence rationaliste ouvre la France à cette réflexion. Le Père Mersenne dira qu’Adam est peut-être le « père » des juifs mais pas d’autres hommes… Pascal fulmine, Goethechipote l’idée.
Section B : les grandes découvertes
Le dynamisme de l’Europe de la modernité procède-t-il d’une révolution religieuse, cosmologique ou géographique ? La dernière va être essentielle. L’Espagne fut le lieu principal du débat. Les indiens sont des hommes comme nous autres disait Las Casas avec l’appui du pape. Mais il y eut un autre débat lors de l’unification religieuse du pays par rapport aux Morisques et aux Marannes : les vieux chrétiens sont les vrais chrétiens, ils sont plus authentiques. Cela donne naissance à des statuts de pureté du sang.
Section C : les généalogies nouvelles
Les rabbins feront grand cas des 10 tribus d’Israël « perdues »… puis retrouvées chez les Aztèques et les Incas. Les Marannes feront un prolongement car la dispersion dans tous les pays du monde annonce la fin de l’Exil, bref l’eschatologie. Les jésuites privilégieront une généalogie remontant à JAPHET. L’hypothèse de Noé a des effets stimulants pour une imagination scientifique encadrée. Les Relations des missionnaires sj éclairent au mieux sur les cultures des pays où ils choisissent de s’identifier (par exemple Ricci). Les découvertes scientifiques en anthropologie sont la résultante des effets des progrès depuis la Renaissance et des effets de la Réforme (l’Europe doit reconnaitre la pluralité des églises). Les guerres de religion imposèrent un doute sur la religion chrétienne comme si elle n’était pas la bonne : d’où la recherche d’une religion naturelle. Le courant protestant souffrait de ce qu’il ne bénéficiait pas de l’écran protecteur d’une Tradition interposée entre la Raison et une Révélation. Le récit de la Bible était de plus en plus déconsidéré. En Hollande Grotius mettra tous les descendants de Noé dans le Nouveau Monde. Horn se centra sur la postérité de Noé en disant que les fils de JAPHET étaient les blancs, de SEM les jaunes et de CHAM les noirs. C’est la première occurence de la couleur de la peau ! Bernier, philosophe français situe les races de façon géographique (influence des climats). Leibniz en tire une thèse, le polygénisme et….les anglais se taisent sur ces sujets.
Section D : les utopies de la raison Les arguments qui convainquent les autres finissent par nous convaincre. L’orgueil occidental fera naître l’idée de progrès et convaincra les européens de leur supériorité. Ce qui fait problème avec le racisme c’est quand il s’organise sur des fondements scientifiques. Les argumentaires de Locke tentent d’étayer son racisme. Mais des préjugés inconscients viennent biaiser la logique. La critique de Leibniz met le doigt sur une tache aveugle en parlant des idées acquises et des idées innées. Entre les hommes une nouvelle hiérarchisation emprunte le chemin d’un absolutisme moral quasi indéracinable. Ceci dit lui aussi a une tache aveugle : au cas où vous n’auriez pas été élevé parmi les chrétiens, ces choses vous seraient-elles venues à l’esprit ? Le racisme vient aussi sur les chemins de l’expérimentation. Ce sont des caractères physiques que l’on tire des caractères mentaux et moraux. Avec Voltaire la pensée occidentale est fascinée par ses réussites finissant par réduire les sciences humaines aux sciences exactes. Ceci laisse dans l’ombre pas mal de problèmes qui ne cadraient pas…et étaient traitées par les mythologies ou superstitions. Dès que les frontières sont brouillées, il y a place pour un retour de cadre.
Le fait que dans la Bible nulle part il n’est question d’hybridation, de métissages et de lignées soulève un problème épistémologique quant au juste rapport de la Bible face aux sciences de la vie. A côté des sciences biologiques qu’en est-il des sciences physiques ? Pourquoi ce refoulement de la vie affective ? Car nos idées confuses (Descartes) sont pleines de vérités si essentielles qu’on renverserait tout si on les niait. Il y a un lien entre la faute de la Chute et la dialectique de la culpabilité et cela implique d’interroger des ombres de la philosophie occidentale fascinée par la raison mécanicienne terrorisant la psychologie pré-freudienne. Comment se fit-il que les ressources du génie occidental ont déformé l’image de l’homme ? Est-ce parce que la science a combattu la théologie ? Est-ce parce que ces simplificateurs fabriquèrent un homme blanc conforme aux abstractions de la morale ?
Chapitre 2 : L’anthropologie des Lumières
Section A : les anthropologues modérés ou monogénistes
On a prêté moins d’attention à l’essor de la recherche scientifique en Angleterre au lendemain de la Révolution puritaine. Cet impérialisme puisait dans la ferveur religieuse car l’acte religieux fondamental est l’investigation de la Nature. Il y a eu deux pistes : a) c’est magnifique de voir que les singes sont nos frères ; b) le singe et le nègre sont désespérément arriérés (et ce contre nos idées reçues). La Suisse réformée a donné quantité de bons naturalistes dans le domaine de la procréation. Mais ici aussi il y eut deux conceptions : a) la dissémination à partir d’une génération spontanée ; b) la préexistence renvoie à un unique acte originel du Créateur. Le narcissisme européen chercha une démarcation nette entre soi et autrui. C’est l’observation de la craniologie et de la céphalométrie qui a fini par discriminer les hommes entre dolichocéphales et brachycéphales.
Cette « lumière » engendrera cependant la génétique. Buffon explore la notion de temps qui nous a été révélée par la Bible car c’est la durée qui joue comme limite de démarcation : une dégénération de race récente est moins grave si bien que les noirs avec le temps deviendront blancs… Ceci dit à côté il y avait des esprits universalistes comme Montesquieu, Helvétius, Condillac, Condorcet.
Et du côté des allemands Kant se fonde sur la composition du sang pour opposer les caractères anglais, français… ce qui est mieux c’est la pureté de souche. Autrement objective est l’anthropologie de Blumenbach : les 5 races qu’il dégage ne sont ni bonnes ni mauvaises. Sa catégorie de la race caucasienne lui permet toutefois d’incriminer les races de couleurs et la race hébraïque car « la race caucasienne » est la race aryenne. Les contradictions allemandes atteignent un sommet avec von Herder. La véritable anthropologie nait avec les frères von Humboldt qui ne se laisseront jamais contaminer par l’européocentrisme.
Section B : les anthropologues extrémistes : le polygénisme
La doctrine de l’unité du genre humain fut combattue par les Lumières. Voltaire en profita pour attribuer une ancienneté aux habitants de l’Inde et pour démystifier l’enseignement judéo-chrétien. La conception des origines de l’homme (poly ou mono) n’entraîne pas le monopole dans la véhémence raciste. À l’université de Göttingen on croise Michaelis, Schölzer et Meiners qui fondent la théorie de la race anticipant le concept d’aryen. Ces penseurs ne croyaient pas au progrès unilinéaire dans la culture, doutaient de la possibilité de différencier les races ; ils placèrent le berceau de l’humanité en Afrique. Tout en tenant à affirmer deux lignées séparant la race blanche et belle de la race noire et laide : la transition de la brute à l’homme s’est faite par étapes en fonction de la présence ou non des « mérites » humains. Par un détour par la dégénération des peuples européens nobles en Amérique vu les mélanges raciaux, ces idées revinrent en Allemagne : sans les européens que serait notre monde ?
Chapitre 3 : à la recherche du nouvel Adam.
Section A : Magies de l’Inde
La Bible avait regardé vers l’Est pour situer l’origine du genre humain : Euphrate, Our, Mont Ararat… Buffon pensait que seuls les Brahmes avaient gardé souvenir des connaissances anciennes.
Les monogénistes des Lumières avaient fait du pain avec les grains issus des sciences géographiques. On privilégiait la montagne la plus haute pour y fixer l’origine de toutes les espèces étagées selon des altitudes différentes en lien avec des climats particuliers. La montagne primitive comme le mont de la Création circule en Allemagne de Linné, de Bailly, vers Zimmermann jusqu’à Schopenhauer.
Section B : l’acte de naissance du mythe aryen
L’acte de naissance du genre humain n’est pas sans lien avec l’origine du langage. En Allemagne Adam est germanophone mais la thèse d’une famille de langue à partir de l’hébreu a la vie dure. Gatterer s’en tient aux vues traditionnelles où les allemands descendent d’ASCHKENAZE (comme les indiens américains descendent de Noé). Von Schlozer adopte une voie moyenne et propose de distinguer les langues sémitiques par rapport aux sciences japhétiques (alternative qui disparaitra très vite). Les allemands parlent de langues indo-germaniques. Franz Bopp voit une parenté linguistique structurelle entre Orient et Grèce rejetant l’hébreu. Friedrich Schlegel ajoute un tour anthropologique qui conclut de la langue à la race. Un peuple nouveau avait dû se former dans le Nord de l’Inde et poussé par un aiguillon plus puissant que le besoin, migra vers l’Ouest (l’Egypte). Les nations ne sont autres que des colonies indiennes. La force sous-jacente à la migration (vers la Scandinavie) est causée par un crime originel qui transforma les végétariens indiens en carnivores : une idée de la haute dignité du Nord aimanta le chemin des races germaniques.
Section C : Indo-manie, germano-manie, antisémitisme
L’Allemagne doit être considérée comme l’Orient de l’Europe. La période est remplie de bruits nationalistes. Schopenhauer (1810) élabore un système philosophique étayant les arguments pro-indiens et pro- aryens, ce qui veut dire aussi anti-juifs. Entre 1789 et 1810, les nations européennes avaient émancipé les juifs mais en Allemagne la société chrétienne a des méfiances croissantes vu un argument théologique pointant une malédiction pour ceux qui avaient tué le Christ. Dans le contexte des Lumières des ressentiments s’exprimèrent dans un nouveau vocabulaire. L’opposition patriotique cristallise entre la France et l’Allemagne et cela redouble la posture allemande dans un tour antisémite. On voit qu’historiquement l’antisémitisme précède l’idée aryenne et ce d’autant plus que l’idée aryenne va contre l’idée essentielle de la culture allemande d’un auto-engendrement. L’idée aryenne au 20ème se videra de tout lien avec l’Inde. En fait l’affiliation indienne est une mythologie de transition entre la généalogie créationiste de la Bible et la généalogie évolutionniste de Darwin. Il faudra d’autres auteurs pour imposer le mythe aryen : Karl Ritter, Christian Lassen par qui le mythe s’étoffe. Le dernier est biologiste retenant la victoire méritée du plus fort, louant la supériorité de la jeunesse et de la blancheur. Quand on arrive aux frères Grimm, c’est l’apothéose. Il y a en même temps un fort mouvement inverse avec Müller qui va provoquer un flottement dans la pensée allemande. L’étonnant c’est que c’est la France et l’Angleterre qui vont reprendre l’idée antisémite. Pourquoi ?
Section D : un mythe aryen à l’échelle européenne
Comment cheminent les idées après Waterloo ? La parole est plus entrainante que la plume et son mode de contagion est indécidable. C’est l’époque des propagandistes dans les salons parisiens. On y cherche une restauration du christianisme par la science, ce qui subordonne Moïse à des révélations universelles indiennes. Ceci dit il y a un courant de spécialistes qui résiste au courant. Il y a une oreille bienveillante pour recevoir les clés d’une nouvelle lecture du monde. Du mélange de nationalisme spiritualiste et de scientisme matérialiste sortira « le déterminisme social ». La France chercha du neuf dans le camp catholique : la généalogie indienne même si elle a des prolongements germaniques a aussi des prolongements pour une généalogie franque. Les controverses sont spectaculaires entre Tocqueville et Gobineau, Heine et Eckstein. Poliakov rappelle que ce conflit est interne à tout psychisme humain : à l’instar de l’opposition homme-femme, il y a lutte entre un attrait régressif des images maternelles (prolongée dans la Mère Nature) et l’autre mode relationnel avec l’univers et qui est plus tardif chez l’enfant, moins distinctif chez l’adulte, et qui est l’identification aux images paternelles (prolongées par les institutions culturelles et religieuses). « L’Indo-manie » est l’expression du désir inconscient de supprimer le joug social de la loi et de la culture en se prévalant de droits d’une Nature sémantiquement ambivalente puisque permettant de coder une vision archaïque primaire au moyen d’idéologies facilement contradictoires et s’affiliant radicalement à l’Inde maternelle, au nom d’une science qui manipulera la matière mais ne sait que faire de l’esprit. En Allemagne on sépare les races entre actif et passif et la palme de la virilité va aux germains et aryens. Le schéma des inversions spatio- temporelles se décompose entre idées masculine (projection du passé vers l’avenir dans des projets) ou idées nocturnes voire archaïques (irruption de tendances jusque là mieux tenues en laisse dans la vie politico-sociale et qui se libèrent). Max Müller et Renan avertissent alors des dangers d’une exploitation politique de la confusion entre langues, races, religion. L’esprit sémite serait fermé à la morale, à la raison et à la science… c’est quand même un peu gros. Jacolliot ira jusque dire que la Bible est écrite …en Inde.
En Angleterre la référence est Max Müller qui rejette tout lien avec l’Inde ; pour lui la Bible continue de faire autorité. Et puis vient Darwin. C’est un tel choc que quand ses idées finissent par s’imposer la réaction s’exacerbe dans un courant où l’aryanisme contamine mais sans agitation. Müller ne cessera de faire contre-feu…. Jusqu’à ce qu’arrive Gladstone.
Chapitre 4 : Gobineau et ses contemporains
Section A : révolution, idéologie et physiologie
La pensée biologique de Lamarck se réfère à Cabanis : le cerveau sécrète de la pensée, il dégage l’hérédité de caractères acquis et la France, bénéficiaire de la meilleure culture, se doit d’éclairer le monde entier. Même si les races sont de valeurs inégales, la raison saura y remédier pour faire régner la véritable égalité. Mais au temps de la Restauration revient le pessimisme : anthropologiquement le fossé est grand entre la race qui bouge et les races qui ne bougent pas et ce fossé ne peut être comblé par la raison. On en revient à une différence constitutionnelle. En Angleterre les conceptions de cet ordre butent sur de fortes résistances car c’est l’éducation qui fait l’homme. L’homme est perfectible et même la bête peut acquérir le langage. Mais en 1850 « le déterminisme racial » commence à devenir une théorie dominante dans l’opinion.
Ceci étant dit le berceau du racisme est sur le continent et spécialement en France.
Section B : la race est le moteur de l’histoire
Depuis la Restauration, certains polémistes politiques et historiens français combinent les traditions anciennes et les conceptions anthropologiques et même physiologiques. C’est l’orgueil racial qui cause les principales discordes politiques en Europe. Ce qui pourtant distingue la France c’est qu’ici les lois de la science s’émancipent du contrôle divin. La montée des nationalismes impose la subdivision au sein de la race blanche selon des territoires traversés par plusieurs races. La disparition de la théorie des climats donne place à la théorie de la permanence héréditaire des caractères raciaux. Et les juifs tout d’un coup deviennent une race plutôt qu’une nation. Reste ici aussi une confusion entre race et classe, quand on ne peut se distinguer par des traits physiques on en trouve d’autres d’un autre type. Gobineau est un original un peu à part. Pour Courbet l’indice majeur de la qualité des races c’est leur capacité de domination. L’histoire humaine est déterminée non seulement par les luttes inter-raciales mais aussi par les subtils dosages de sang. Si par l’inégalité des races la Nature a pourvu à la division du travail, il n’y a qu’à s’en réjouir. Mais pour le scientifique pondéré il faut en revenir à la notion d’équilibrage. Formellement la tendance de l’époque est pour une interprétation pluraliste (Taine). En Angleterre, Arnold accorde à la race teutonique un rôle spécial. Disraeli reprend la thèse raciale mais relègue la Providence dans les coulisses en remettant les clés du destin dans les mains des juifs de race caucasienne.
De nouveau c’est sur le continent que les pas sont déterminants. Gobineau baigne dans le brassage idéologique de son temps mais son accent résonne du glas funèbre d’une civilisation qui derrière une façade scientifique cède sous les ressentiments. Après la séparation entre les descendants de CHAM, SEM et JAPHET, l’essentiel est fait. Les blancs ont une religion et une Histoire. Quant aux origines des races, sa pensée est confuse. Mais chez tout le monde il y a un instinct racial qui s’oppose aux croisements. Les qualités de la race blanche finissent pourtant de faire surgir la tendance contraire : la race blanche est fragile car une chimie historique nuit à la culture pure.
Section C : métaphysiciens et mégalomanes
La postérité de Gobineau passe en Allemagne. Fichte rejette dans les ténèbres extérieures les peuples blancs non allemands et introduit la distinction entre race historique et race physiologique. En s’appuyant sur la langue il fait un détour par la Nature. Tous les phénomènes naturels sont de l’ordre du symbole, du signifiant et de l’Idée. L’imagination romantique comble les fossés. Schelling vient avec l’idée que seul l’ancêtre qui peut tout supporter – et qui est japhétique mais aussi caucasien et prométhéen – est capable de poser l’acte le faisant accéder au monde des Idées. Les autres races sont vouées au néant. Métaphysiquement l’acte de l’homme l’élève au divin pour les uns et à la dégradation pour les autres. Lorenz Oken dit que la Nature est un seul corps dont les êtres humains sont les organes. L’homme en sa qualité d’être suprême de la création symbolise la Nature réunissant dans un corps unique tous les animaux. Le corps humain se laisse décomposer comme le règne animal.L’idéalisme de Hegel se trouve aux antipodes de la pensée bio-matérialiste. La périodisation de Hegel s’affine quand il parle des grandes étapes germano-occidentales : Charlemagne, la Réforme, l’Allemagne de son temps. Mais pourquoi l’Esprit avait-il instauré son règne chez les Germains ? Il en vint donc, comme contraint, à la notion de pureté du sang germanique. C’est en tout cas Gorres qui ouvre le pas à la dérive alors que Feuerbach s’y oppose. Max Stirner, lui, part à la conquête d’un ciel réservé aux seuls caucasiens à condition qu’ils se dégagent de leurs origines mongols. Les esprits scientifiques dans ces pensées se cherchent avec Duchinski et Trémeaux qui s’appuient sur le sol comme milieu. Quand l’influence du sol fut énoncée par Darwin, elle acquit droit de cité. Le « déterminisme géo-racial » pourtant ne pouvait s’appliquer aux juifs. Schopenhauer popularise le dualisme aryanisme/sémitisme comme une opposition entre deux types de religions. La conséquence en est un racisme anti-juif absolument débridé. Sa pensée se laisse rapprocher de Gobineau. Et ses pensées firent un effet chez Wagner. Les universités surtout sont le terreau propice à la germination des idées d’une Allemagne pure. Les minorités agissantes qui s’opposent à ces courants sont portées à des revendications économiques dans un contexte de guerre franco-allemande. Les juifs sont les gaulois d’Allemagne.
Chapitre 5 : l’ère aryenne.
Section A : La tyrannie des linguistes
Si les grandes découvertes du 16ème mirent en doute les références à la Bible, il fallut attendre le 19ème pour découvrir que l’univers s’ouvre à l’infini modifiant notre conception de l’espace/temps. Les origines de l’homme ayant été infiniment reculées, l’étude de l’homme s’appuie sur les nouvelles sciences de l’homme comme l’anthropologie. Quand on commença à y regarder de plus près, on vit que ses éléments constitutifs devaient beaucoup à la linguistique. On résistera longtemps à la tyrannie de la linguistique. Tylor dira que la langue n’est pas une preuve sûre et il est encore plus faux de lier langue et race. Theodor Waitz rappelle que les particularités d’une langue sont stables et offrent un bon fil conducteur historique. De même la linguistique comparée est plus sûre car elle réclame un accord relatif des linguistes. Bien sûr il y a toujours des partisans des discriminations pour établir la pureté de leurs positions sans en payer le prix. R Virchow parle que la langue est moins sûre que la craniologie.
Mais quel est l’apport des linguistes ? A Schleicher montre que les linguistes eux-mêmes sont dans l’air du temps qui entretient le mirage oriental comme mode de formation. Il faudra des années aux scientifiques pour se remettre de cette idéologie.
Section B : l’aryanisme et la guerre franco-prussienne
Quatrefages sous le feu des prussiens à Paris (1871) se rebiffe contre l’Allemagne tout en les distinguant des prussiens qui eux sont slavo- finnois soit des peuples pré-historiques. Ce point de vue ne plut pas aux allemands. Les tendances germanomanes conflueront avec le sens du devoir patriotique. Il s’accompagne d’un culte de la blondeur virile. Qu’est ce que la science craniologique du 19ème ? Virchow met sur pied une enquête sur les traits associés auprès de tous les enfants des écoles allemandes, autrichiennes, suisses et belges.
Le combat français reprit sur un autre front. Taylor s’essaya à l’étude des Aryens primitifs finnois et celtes mais ne songea pas que les aryens n’existaient pas autrement que comme des constructions de l’esprit. Le concept de nordicité ralliait l’opinion davantage que celle d’aryanité et de germanité car en France on est revenu à la querelle des deux races.C’est Lapouge qui va accentuer le fait que la révolution est une faillite d’avoir donné le pouvoir aux classes inférieures et ce au détriment de l’aryen qui avait fait la gloire de la France mais ne faisait plus le poids.
Section C : le manichéisme racial
Le vrai aryen était occidental et de sexe masculin, appartenant aux classes supérieures et bourgeoises, se définissant par rapport aux gens de couleur qui sont des prolétaires et aux femmes. La Kultursgeschichte de von Hellwald compilait des textes de L Büchner. Dans l’idée d’un progrès de l’homme, l’écart mental entre blanc et noir ne pourra que s’accroitre car la vitesse acquise creuse relativement les écarts. Carl Vogt insiste sur la parenté du sang : « le Blutverwandschaft » est le lien réel et indissociable qui assure la cohésion des cellules individuelles dont est composé l’organisme social. C’est dans la parenté entre les générations que s’ancre l’hérédité des facultés, aspirations et besoins moraux …de là l’abîme entre les races. Ceci dit l’encyclopédie de von Hellwald collationnait des contributions de tous les bords. Eclectique elle reflète la contradiction judéo-chrétienne rabattue sur une contradiction sémite-aryenne ; partout le juif est l’intrus. H von Treischke envahit l’université de l’agitation anti-sémite.
En France E Drumont embraye.
A de Candolle rêve d’une Europe peuplée seulement de juifs et par conséquent pacifique et heureuse. Cet idéal est fragilisé par les coups de butoir de la sauvagerie aryenne. Là derrière ce scientifique fait valoir le concept de la toute puissance de l’hérédité. Mais ses arguments restent liés à l’efficace de l’air du temps sur la nature et sur la race. Ce préjugé envahit donc le monde savant sous le terme de déterminisme social. Et au moment où il commença à disparaitre derrière d’autres points de vue, c’est l’opinion qui prend le relais et adopte le préjugé.
Section D : des pré-adamites à la psychanalyse
Le retour du polygénisme apparut comme une planche de salut. Schaafhausen avait créé le mur de séparation entre homme et animal : tout se passe comme si l’équilibre compromis par l’apparentement de l’homme à la bête se laissait rétablir par la différenciation entre les hommes accessibles aux idées supérieures de la religion et les autres. On retrouve Vogt et sa théorie polyphylitique : l’homme de Néendenthal est la souche des noirs et l’homme d’Aurignac des indo-germains via gorille et orang-outang. Le physiologiste J X Boudin posa le principe suivant. Nulle part le juif ne nait, ne vit ne meurt comme les autres hommes dans le milieu où il habite. Les juifs se multiplient plus vite que les autres. Il n’y a pas d’enfants nés hors mariage. Leur longévité tient à une constitution résistante. Ce sont les champions de l’acclimatation. Ce peuple témoin a été préparé à une mission théologique et pour certains comme K Pearson ils allaient supplanter les germains à la première place. La puissance du sang juif a surmonté les injections de sangs étrangers. Telle était la transposition scientifique des vieilles peurs. Et même quand la science démontre ces imaginations comme non fondées, il y a eu un curieux phénomène par lequel ces imaginations demeurèrent mais soutenues par de nouveaux arguments venus d’autres disciplines.
Théodule Ribot, Charcot , l’école de Paris dégagent la notion de « télégonie », ou action de la pensée de la mère sur l’anatomie de l’embryon. Dans ce bouillon de culture l’opinion fit son pain et les propagandistes en profitèrent pour distiller la peur d’une contagion de la névrose juive. Puis Freud arriva. Dans « Totem et Tabou » il chercha à comprendre la façon dont le juif s’est fait et surtout pourquoi il est l’objet d’une haine éternelle. Cela tient à un effacement de la différence naturelle entre l’homme et l’animal comme objet d’offrande en sacrifice à Dieu (retournement de la substitution du bélier par un certain Jésus qui se prétendait fils de Dieu ; ce qui montre que c’est le chrétien qui développe cette haine immortelle). Dans « Moïse et le Monothéisme », il va jusqu’à prêter aux juifs de l’antiquité des dispositions spéciales permettant de supporter les inconvénients de la religion de Moïse. L’hypothèse de traces mnésiques renvoyait à la croyance néo- lamarckienne dans l’hérédité des caractères mentaux acquis. Quant à Jung, c’est encore autre chose quand il apporte la notion d’inconscient collectif… en opposition à la notion freudienne de surmoi. Jung est un germain qui justifie un glissement entre un universalisme panthéiste et le racisme.
Section E : la survie du plus apte
Avec le risque que les races inférieures supplantent les supérieures, Spencer rappelle que ce sont les défauts et non les qualités qui sont déterminantes ainsi de cette fameuse sexualité juive débridée. Une théorie de « l’eugénisme » prend forme. Galton entre en scène. L’Angleterre n’embraye pas mais l’Allemagne y est mieux disposée. O Beta s’appuie sur Darwin et en appelle aux autorités pour soutenir cette approche où il trouve argument en faveur d’une race germano-aryenne productive mais menacée par une race sémite parasite ; et il demande qu’une loi anti-juive soit promulguée. Ce n’est plus la Nature qui désigne les plus aptes. Poeltz reproche à la démocratie d’avoir émoussé dans le peuple le sens de la race. Treitschke prône une hiérarchie en faveur de la race blanche et encourage même les rivalités intérieures à cette race car un climat de compétition stimule l’âme humaine. Joseph Reimer dessine la politique raciale qui sera celle du IIIème Reich. Wallmann met en garde : à côté des lois sélectives, où est passé le progrès ? Il dénonce l’esprit belliqueux chez les germains qui a besoin d’un état de guerre civile permanent. Chamberlain refuse de reconnaitre une préséance aux teutons et préconise une alliance d’égal à égal entre les deux races. Mais ils sont fort seuls…
Section F : la mystique aryenne
La religion protestante se prête à la multiplication des sectes. En Angleterre on a le souci de renouer avec les sources bibliques de l’Ancien Testament contrairement à l’Allemagne. L’élaboration d’une foi allemande s’est poursuivie sur plusieurs générations. C Frantz rêve de voir sa patrie devenir le centre d’une fédération européenne chrétienne qui assurerait au monde la paix universelle. L’Allemagne échappe à la règle commune, l’Allemagne n’a jamais été un Etat. Son caractère universaliste la prédestine à redevenir la base d’une Union Européenne (des chrétiens). Mais l’Allemagne doit pourtant se débarrasser des juifs. Il s’en prend aussi au droit romain. Paul de Lagarde est le prophète de la religion allemande. La germanité réside dans l’esprit et non dans la chair. Il révère l’homme Jésus dont le génie aura été son « ne pas vouloir être juif ». Il critique les institutions religieuses de son temps. Il annonce une religion nouvelle. D’ailleurs les religions doivent être nationales. C’est dans la mesure où nous deviendrons nous-mêmes que les juifs cesseront d’être juifs. Les recherches occultistes retiennent les esprits jusqu’à ce que la psychanalyse nettoie le terrain. R Wagnerrépondait à un besoin de nouveaux mythes. Il n’existait qu’un seul espoir de salut, une nouvelle purification, une nouvelle réception du sang sacré selon les rites de Parsifal, le rédempteur. Dans l’Anneau des Nibelungen il dépeint les tragédies de la convoitise et de la soif de puissance, les malédictions du sang aryen. Il fallait placer Parsifal encore plus haut en unissant l’idée chrétienne avec l’éthique indienne de la pitié. HS Chamberlain trouve dans les géométries non euclidiennes des images corroborant la mystique aryenne. La science moderne n’est-elle pas l’oeuvre des celte-slavo-teutons plus commodément appelés Germains ? Le Germain impose une interprétation mécanique de la nature que l’on a donc réussi de maîtriser. L’intuition des lois de la nécessité scientifique est perçue par l’instinct religieux des aryens. Cela renvoie à une expérience cosmique philosophique et métaphysique. Il est fasciné par l’abîme qui le menace du vertige juif, véritable cause de sa névrose. Ce n’est pas l’individu juif mais le peuple tout entier qui est à laver de la faute commise contre la vie. La force de cette race a longtemps dominé les Germains et maintenant c’est l’heure de la revanche. Ceci a suggéré d’ailleurs à certains juifs de préconiser l’assimilation.