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La politique de l’impossible


Auteur du livre: Jean-Michel Besnier

Éditeur: L’armillaire Découvertes

Année de publication: 1988

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L’entre-deux-guerres est un bouillon de culture et ce dans tout le monde occidental. Cette période est « le temps de comprendre » ce qui révolutionne la physique, la linguistique, le social et la politique. Le concept d’impossible est en voie d’élaboration dans des laboratoires dont les expériences se font dans la réalité. Les intellectuels mènent le jeu. 

Première partie : l’offensive du désarroi

Chapitre 1 :  le front nietzschéen 

Nietzsche invite à aimer le danger, l’aventure et la guerre. Ce qui revient à rendre au monde son opacité, à constituer le monde en Autre Absolu de l’homme, comme pour mieux raviver l’énergie conquérante et créatrice. Comment seulement vouloir si les choses obéissent décidément à des règles qui échappent à l’humaine condition ? En 1928 dans la génération désorientée, les intellectuels se partagent entre ceux qui veulent sortir le grand jeu de la révolte et ceux qui restent dans la mouvance des surréalistes. La révolte violente et désordonnée  devient naturellement le régime des adolescents qui vivent leur temps comme une inexpiable fin de siècle. Mais également le désarroi sécrète l’inéluctable désir du Tout Autre. C’est surtout Georges Bataille qui en appelle à Nietzsche  pour aiguiser les raisons d’ « agir pour que subsiste une pensée libre ». La « Grande Politique » encourage à la promotion d’êtres libres, des êtres souverains non assujettis au désir du pouvoir, invitant plutôt à la constitution de communautés aux vertus régénératrices. Klossowski cherche lui à faire des communautés secrètes dont l’action peut servir dans n’importe quel régime, communautés qui ont l’aptitude de désintégrer mais qui ne se désintégreront que quand leurs temps se figeront dans des cadres institutionnels. Jaspers séduit par son ouverture.

Chapitre 2 : le retour d’Hegel

Kojève est l’autre pôle séducteur dont Bataille sera fait. La grande force de Kojève est de sustenter  une double orientation : a) selon laquelle il n’y a plus rien à penser … l’heure est à l’action révolutionnaire, b) selon laquelle Hegel ne vaut que parce qu’il échoue à enclore l’existence dans son système. Pendant 20 ans Bataille s’attelle à comprendre Hegel jouissant à percevoir le vrai mouvement par lequel il se reconnait lui-même, sachant que cette connaissance de soi ne peut avoir lieu qu’après la connaissance de cette doctrine incomparable. À la fin il se retrouve lui-même médiatisé. Mais non réduit !

Chapitre 3 : la propagande de Kojève

Kojève impose un Hegel qui révèle l’homme à lui-même : la conscience de soi n’a plus de secret pour elle-même. L’homme se révèle dieu mortel et fini et la religion se voit dépouillée des notions de survie et salut par la Résurrection. Koyré déjà avait commenté l’équation hégélienne qui identifie le concept au temps : on en est venu à l’achèvement de l’universalité sans recourir à une forme transcendante. Pour Kojève c’est la violence qui est l’élément définitionnel fondamental : le désir est pouvoir de nier la nature et est volonté active d’appropriation d’une identité au travers de l’exigence d’une reconnaissance. Hegel, Marx et Heidegger lient l’être-pour-la-mort et la violence dans la lutte des classes. Le passage de la Nature à l’Histoire revient à une conquête de la liberté sur la nécessité et…l’homme est ce qu’il n’est pas encore : la volonté de nier mute en une vocation au futur. Il y a une dimension métaphysique dans le lien social au travers de l’harcèlement du désir.  

Chapitre 4 : la fin de l’Histoire

Cette fin se justifie. Il faut qu’il y ait une fin et la fin est celle de l’homme. Il n’y a rien à perdre aujourd’hui de toute façon, on ne peut postuler le moindre sens. Karl Schmitt exacerbe cette position philosophique et dérape quand il fera de la figure de Staline le héros qui mène l’Histoire à son terme.

Chapitre 5 : la négativité sans emploi

Bataille s’émancipe et alors se met à penser par lui-même. Si l’action est la négativité, la question est de savoir si la négativité de quelqu’un qui n’a rien à faire …disparait ? Si Hegel a prévu une place pour la négativité vide en tout cas il n’en situe pas l’issue à partir de la fin du processus qu’il a décrit. Pour Bataille l’existence n’est pas réconciliée, elle est toujours opprimée par le système. Le système manque d’une éthique. Ce qui menace c’est l’ennui. C’est contre l’ennui que s’organise sa résistance.

Chapitre 6 : la post Histoire en question

La guerre révèle une existence ni satisfaite ni apaisée mais éprouvée comme un commencement. Contre KojèveBataille pense que la communauté se fonde sur la brisure du réel, un réel qui dissout les idéalismes. Contre Hegel, Bataille pense l’indétermination à laquelle sont voués des êtres contraints à vivre lucidement sur le mode de l’impossibilité.

Chapitre 7 : souveraineté et politique

Il y a une différence entre le souverain et le citoyen : là où la citoyenneté s’accommode de l’indifférenciation abstraite des individus, le souverain est celui qui donne sa vie pour révéler la communauté à elle-même, par delà des discontinuités fonctionnelles indispensables aux sociétés soumises à l’impératif de produire. C’est la mort, la finitude, le flux indifférencié qui dissolvent les individus, fondant leur désir de communication. Car la mort offre le visage de l’impossibilité que l’homme est pour lui-même, être incapable de demeurer dans ses limites qui sont pourtant une sauvegarde ; une impatience de transgresser ouvre à l’autre dans le hasard d’une communication risquée, hors limites. Hors système, c’est pour cette raison qu’elle offre aux éléments pris dans le système la possibilité de communiquer. La souveraineté se donne intérieurement et seule une communication intérieure en manifeste vraiment la présence.

Chapitre 8 : de politique en religion

Peut-être la fin du 20ème siècle comprend-il mieux le glissement dans la collusion, à partir des interrogations ayant trait au lien social. Claude Lefort analyse le pouvoir comme un pôle symbolique, à maintenir à titre  de dehors constitutif, pour autoriser la réflexion de la société sur elle-même. Ce pôle n’est pas à projeter dans le réel faute de quoi il ne ferait plus sens pour la société.

Chapitre 9 : la conjuration des sans espoir

Le mythe nait dans les actes rituels dérobés à la vulgarité statique de la société désagrégée et la dynamique violente qui lui appartient n’a pas d’autre objet que le retour à la totalité perdue. Il faut dissoudre « Contre Attaque » – slogan repris par Lacan en 1980 –  et la communauté qui s’en suit n’est plus finalisée par la pensée fétichiste et ses membres n’y sont astreints à aucune action. Blanchot la déclare désoeuvrée et c’est terriblement subversif. Le lien social devient visible dans le paroxysme.

Chapitre 10 : une politique de l’impossible

Bataille ne peut jouer que sur 2 tableaux : a) le possible est et la politique s’apparente à la philosophie en un sens hégélien où l’intelligence domine la volonté, b) le possible n’est pas et philosophie + politique sont vouées à reconstituer l’existence totale en faisant place aux valeurs et émotions exclues dans le point a. La tache aveugle du système (hors système de la philosophie ou du social) est ce par quoi celui-ci tient son sens. Abordons pratiquement les problèmes pratiques. Il ne s’agit plus de subvenir à la défaillance de l’autorité. À l’impossible on est tenu  pourvu que soit mis à distance le pouvoir qui enferme dans le possible.

Une deuxième partie va approfondir et éclaircir des points de la première.

Deuxième partie :  la communauté insoumise

Chapitre 11 : système (de l’) impossible

Ce point en contient 5 : l’avenir, Hegel, l’impossible, la philosophie, le système, la violence.

Jean-Paul Sartre passe complètement à côté de Bataille non sans l’enfermer dans une présentation le rendant impopulaire. L’expérience intérieure est une expérience mystique qui, contrairement à Jean Paul Sartre, s’accompagne du sentiment de continuité dont la politique doit s’entretenir. Tentative pour affronter le fond d’impossibilité commun à l’humanité. Kojèveaussi passe à côté de ce penseur. L’enjeu est pourtant politique et communautaire.

L’avenir

Bataille s’appuie sur la figure de l’enfant dans Zarathustra (de Nietzsche) pour accentuer son hantise d’une indétermination libératrice. Et ici commence son dialogue avec HegelHegel est logiquement irréfutable et donc sa réfutation ne saurait être que alogique en se plaçant à la fin de l’Histoire quand commence l’Histoire de l’angoisse. Je ne veux que la chance, les dés jetés le sont en vue d’un au delà de l’être, ce qui n’est pas encore. La chance veut la réussite inachevée. L’expérience intérieure est le contraire de l’action, du projet. Le projet c’est la remise de l’existence à plus tard. 

Hegel

Hegel critiqué par Bataille c’est le Hegel de Kojève. En fait Bataille est plus proche du « vrai » Hegel : jouer le sujet contre le concept et interroger l’homme Hegel élaborant son système. L’évidence imposée par Hegel c’est celui de l’homme fixé dans son possible au même titre que l’immuable nature. Hegel avec le temps a supprimé la chance qui se joue du possible, il a senti le besoin de s’assurer la chance pour essayer de conjurer l’angoisse et la folie. Comment sortir du système ? Hegel a ménagé de la place à l’irréconciliable mais elle ne peut subsister à la fin du processus car sinon il y aurait encore de la différence à supprimer. L’hétérogène chez Bataille c’est une notion étrangère à Hegel. Fin ici de la dialectique, place à de l’aléatoire, soit tout ce que la phénoménologie laisse hors de son champ d’investigation de la connaissance. Bataille va mener le système à ses limites : obtenu au terme du savoir, le non savoir révèle « que je ne saurai jamais rien de plus que je ne sais ». Je suis acculé à l’impossible.

L’impossible

L’impossible est une pensée de la rupture dans l’expérience du politique : l’action politique sollicite les mouvements émotionnels des laissés-pour-compte de l’Histoire. Seules les conduites souveraines – le rire, la poésie, le sacrifice, le crime, la jouissance – manifestent que la mort prétend à rire. L’angoisse est impossible, saisi par elle l’être est en proie au vertige du sans limite, à la sensation paradoxale de la chute dans le vide du ciel. On touche aux limites sans s’autoriser la transgression définitive : il y a à rester sur la ligne de crête du savoir absolu. Il y a refus de l’issue : l’angoise est moins peur que soif de mettre en jeu. Contre l’ennui , l’interdit marque le point où est le pouvoir tandis que la transgression est l’expérience de ce qui échappe au pouvoir, l’impossible même. 

La philosophie

La philosophie serait ici  constituée autour d’ « objets » que sont l’extase, l’excès, la dépense improductive, le mal et la mort. Elle s’applique à engager  une pensée de la communication qui délierait la pensée commune du mensonge des philosophes. La philosophie est populaire (développement de l’image de l’homme des carrefours).

Le système

La stratégie de Bataille consiste dans une répétition différentielle de Hegel, assimilé comme auteur de l’interdit. En effet la philosophie de Hegel comme cercle désigne ce qu’il exclut : la violence, l’ivresse du non savoir. L’éclat de rire en tant qu’opération souveraine constitue son objet comme souverain. Conférer le statut d’un objet subordonné à rien rend infiniment disponible. Le système est une connaissance à la mesure d’un objet inconnaissable, intimement inachevable, une immense architecture en démolition, en construction dans le même temps, à peine coordonné, jamais d’un bout à l’autre.

La violence

Elle est un moteur. La pensée paralyse la violence et donc s’aveugle sur ce qui est et sur ce qui la meut. Sade est la tache aveugle du système hégélien. Le refoulement de l’animalité avec laquelle renoue la violence s’il conditionne l’autonomie de la conscience, inscrit en fait dans la connaissance de soi une tache aveugle où se résorbera finalement le savoir absolu. Envers absolu de la raison, la violence est l’autre du langage. Sade développe un langage sans échange, sans loyauté, sa voix est solitaire. Aussi Bataille va plus loin quand il restitue l’homme à l’illimité.

Chapitre 12 : dépense et révolution

Ici aussi il y a des sous-sections : Marxisme et perversion, dépense et société, fascisme et hétérogène.

« La critique sociale » est une revue qui paraît de 1931 à 1934 et a été lancée par Souvarine qui cherche à s’appuyer sur les jeunes pour critiquer le fascisme et le marxisme. Bataille y participe.

Marxisme et perversion

Krafft-Ebing pointe le caractère fondamentalement social de la perversion. L’individu en butte avec la société dont il souffre l’exclusion peut opter pour la destruction du système social tout entier. Bataille dans sa revue fait contre valoir l’idée d’une croyance en une société harmonieuse. L’argument est trouvé chez Hegel qui s’en prenait à Kant : le mouvement dialectique ne peut faire disparaître que les formes des termes opposés mais pas l’opposition elle-même. L’attaque marxiste contre la pensée bourgeoise tombe à plat. Freud et les philosophes allemands en rajoutent à Marx qui n’a pas le dernier mot. Les recherches en ethnologie montrent que le potlach n’est pas bien analysé par les marxistes (lesquels y voient l’embryon de l’économie des échanges). Pour Bataille le potlach n’a pas vocation à se transcender grâce au progrès technique dans le capitalisme car il est l’expression d’un désintéressement donnant sens à la communication. Proche de Freud, Bataille soutient que la scission est dans l’homme et qu’à vouloir la réduire on l’expose à l’inhumain. Curieusement la perversion ouvre la série des refus dont va se nourrir l’entreprise communautaire.

Dépense et société

L’exclusion est au fondement des sociétés. Chaque société se maintient à condition d’y faire place aux activités improductives. La lutte des classes n’est rien si elle n’est pas cette grandiose dépense sociale contraignant la société à la gloire sans laquelle aucune existence sociale n’est imaginable. L’humain qui se pense dans l’angoisse résiste à l’inhumain. L’angoisse offre sa chance à la conscience désorientée, déchirée et malheureuse d’être le néant qu’elle est. Le problème de l’Etat se pose avec la brutalité de sa police comme une sorte de défi à tout espoir.

Fascisme et hétérogène 

Ce texte de la revue confère son sens à la politique qui prospecte sur le terrain de l’impossible. Le marxisme est pris à contre pied  en creusant la superstructure et l’importance politique des sentiments collectifs. La structure psychologique du fascisme révèle que ses leaders révèlent de l’hétérogène qui les érigent comme tout autres, pôle attractif pour les foules désorientées, les masses.  Mais les couches les plus basses (le lumpenproletariat) sont aussi hétérogènes ce qui révèle le dualisme de l’hétérogène car ici on n’est pas côté fascisme. Le chef militarise les classes sociales et là devient fonctionnaire de l’homogène (ce sont les capitalistes qui font naître le fascisme car ils veulent un Etat fort). Peut-on capter la force de l’hétérogène inférieur par le supérieur ? Non, quand on voit la facilité par laquelle les masses adhèrent à l’idéologie d’un leader sacré. Le communisme n’est pas capable de faire pièce au fascisme. La parade est dans la dépense improductive.

Chapitre 13 : communauté et finitude

Les sous sections sont la vérité de l’amitié, détour par la critique et échec à l’inhumain. 

Ici Bataille prend appui et distance d’avec Adorno.

L’amitié

Ce rapport sans dépendance, sans épisode et où cependant toute la simplicité de la vie passe par la reconnaissance de l’étrangeté commune qui ne nous permet pas de parler de nos amis mais seulement de leur parler, non d’en faire un thème d’article mais le mouvement de l’existence où nous parlant ils réservent mais dans la plus grande familiarité, la distance infinie, cette séparation fondamentale à partir de laquelle ce qui sépare devient rapport….c’est ce qu’il partage avec Blanchot.

Détour par la critique

Bataille n’est pas un philosophe mais critique sans le savoir, un peu comme Kant mais surtout Fichte quand il cherche à invalider la systématique, celle du Hegel kojévien. Le criticisme exprime une pensée de la finitude en lutte ouverte avec la volonté d’être tout. Place donc à la conscience commune et à l’intersubjectivité. Mais attention ! L’effort humain se doit d’excéder ses limites. La communication entre les hommes se fonde sur l’expérience qu’ils font de l’Autre, de l’extérieur : soit le sacré, la mort et l’extase. Une transgression nécessaire signe une liberté réfractaire aux limites de l’entendement. Ici il y a effort contre une métaphysique pour autant qu’elle isole le penseur et l’égare hors du réel, compris comme espace d’intersubjectivité. Il y a donc un chemin de la finitude qui passe par le désir de l’autre jusqu’à la liberté dans un échange d’accepter de se mettre à sa place et entrer dans une culture du langage, malédiction de Babel. La pensée doit rendre des comptes aux autres et les camps se font par rapport à la liberté et l’engagement qu’on lui consacre.

L’échec à l’inhumain

La communication pour Bataille dépend d’une chance et pas d’une volonté. Penser le politique c’est affermir comme socle la revendication des opprimés. Hegel a-t-il pu croire dans la fin de l’Histoire ? Spinoza a-t-il pu croire dans sa philosophie ? Toujours il y a un reste qui a pour nom l’angoisse. Hegel ignore la « part maudite ». Même si Bataille se trompe sur Hegel comme Kierkegaard, il reste que la question s’impose comme suit : l’existence déchirée du particulier (l’homme Hegel) peut-elle constituer une réfutation du système ? pour Fichte l’argument qui oppose l’existence du philosophe à sa philosophie conduit à une reconnaissance de l’échec. La philosophie échoue à dire l’humanité ; ceci dit Hegel a cherché la communication entre sujets et tenté de briser leur isolement. La mort est l’expérience du passage d’un discontinu -celui de l’unité que je suis – à la continuité – qui me déborde et dans laquelle je me perds -. La mort dégage l’espace d’une intimité qui glisse hors de ses limites. En même temps la communication apprend l’impossibilité de se perdre tout à fait dans l’autre. D’où l’importance du mot communion, en même temps qu’acceptation qu’  « il y a toujours de la boue quand la vie est en jeu ». 

Chapitre 14 : l’écriture désoeuvrée

On retrouve Hegel parce que Bataille aura bâti sa pensée contre lui. Il y a à circonscrire l’espace de la littérature à la limite du silence, au bord de la violence. L’écrivain se prononce pour la vie démesurée contre l’action démesurée. Hegel pour Derrida est le dernier philosophe du livre et le premier penseur de l’écriture. L’épreuve du système de la langue s’achève dans une expérience des limites comme si la littérature vivait de vouloir dire au delà des mots, dans une aspiration au silence, à l’impossible, à la mort et à l’être. Hegel n’a pas pu dire le silence, l’écrivain n’aboutit jamais. La fin de la philosophie telle que la traite la littérature, ce n’est pas de l’ordre de l’événement mais de l’ordre de l’espace ouvert à la tentative de dire ce qui échappe au logos. Heideggerséduit avec un rêve que la littérature anticipe une métamorphose du rapport de l’homme à l’être.  Blanchot y est sensible mais attention à un philosophe retors (à savoir Heidegger) car c’est un gars qui a l’art de dresser des plans pour les autres. Plus intéressante est la piste chez Hegel des idiosyncrasies , les formes extrêmes du langage. Hegel est un écrivain et il produit une oeuvre en 5 étapes :  A) une expérience du langage non dialectique : l’échec du philosophe ouvre l’expérience de l’impossible qu’endure l’écrivain contraint à n’en pas finir de finir : si tout a été dit, alors une place s’ouvre au rien : c’est à l’appartenance du langage à la mort qu’Hegel devrait son impossibilité : dans l’image de la Passion – voir dans la Phénoménologie le rôle du Christ – , le dernier mot n’est pas un mot.  B) le cercle du savoir s’ouvre au vertige du sens (jusqu’au vide de sens). C) Blanchot parle de Hegel dans « Thomas l’obscur » – allant plus loin de quelques pas, avance plus apparente que réelle… mais ce même lieu il s’en éloigne par la terreur de s’en éloigner. D) Bataille  se met en outre à regarder chez Hegel « un certain point » : Hegel n’a jamais analysé son point de départ, la certitude sensible. Bataille appelle ça l’expérience de l’immédiat et la traversée de l’immédiat (au commencement, il y a…) est un chemin qui ne mène nulle part. Ceci fait-il exploser l’identification de l’objet et la représentation du sujet et confronterait à la présence première de l’être ? Il y a une impossibilité de l’être à l’affirmer, condamné qu’il est à l’universel abstrait.

Epilogue en écho de l’avant-propos

Hegel poursuivi par Bataille à prolonger son oeuvre est rendu à une chance de stimuler des recherches « après Auschwitz ». Ces recherches actuelles sont portées par de nombreux penseurs et parmi eux Slavoj Zizek dans son livre « Moins que rien ». Bataille aussi gagne à être relu dans sa réflexion sur l’objet « subordonné à rien ». Il s’agit sur cette ligne de crête de faire l’expérience du vide (l’illimité), vide porteur d’un effort exigeant de rester orienté vers le savoir absolu, impossible à atteindre.