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La métaphysique. une (très) brève introduction


Auteur du livre: Stephen Mumford

Éditeur: Ithaque

Année de publication: 2012

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Substance, universaux, formes, relations, tropes, changement, différence entre autres seront discutés au regard des avancées scientifiques les plus modernes, en usant d’une boite à outils plus adéquate : propriétés, particularités, processus, instance, relation d’ordre, causalité, structure… Toutefois ce n’est pas au service de la science que ce livre est écrit mais au service de la métaphysique. La navigation est serrée et cette introduction présentée comme petite est une subtile prise de distance par rapport au pragmatisme, au kantisme, et au platonisme.

Mais surtout par rapport au scientisme.

Qu’est ce qu’une table

Je suis environné par toutes sortes de choses ; des choses particulières ou des groupes ou espèces de choses particulières. Le point de départ dégage d’emblée quelque chose qui est saisi par les sens sur un fond indistinct.  D’emblée il faut préciser la méthode. Il y a des préalables supposés connus, entre autre dans l’histoire de la philosophie en Allemagne et en France, y compris les apports de l’école de Vienne (Carnap) et les subtilités du Tractatus de Wittgenstein. Il y a un souci de montrer l’originalité anglaise dans la présentation des objections par quoi elle se particularise ; le résumé insiste surtout sur cet aspect car l’effet de conviction du propos de Mumford en découle. Il y a volonté de nouer l’empirisme de source avec le courant pragmatiste contemporain dans le monde anglosaxon, mais dans cet entre-deux surtout de dégager une métaphysique sousjacente aux engagements « pour la science », en sachant que la science a changé. Comme nous allons le voir, la présentation choisie est celle des questions-réponses et surtout les relances de questions vu l’insatisfaction donnée par les réponses ; autrement dit, la présentation dégage une place pour un sujet, celui qui est insatisfait, celui qui relance la recherche.

Quelle est cette chose ? 

Quelle est la nature de son existence ? le brun, le dur, 4 pieds sont des qualités ou propriétés de la table. Par les sens, est-ce que je connais, de la table, ses propriétés ? D’emblée, il y a prise de distance d’avec l’idée que les sens seront nos seuls guides dans une approche empirique. 

Cela signifie-t-il que la table est quelque chose de sous-jacent dont je ne sais rien ? en effet,  je peux imaginer que la table perdure si certaines proprétés changent : le brun devient blanc. Nous pouvons dire que quelque chose a changé qualitativement tout en restant le même numériquement : elle demeure une seule et même table en dépit de tels changements de qualité. 

La table est quelque chose de particulier qui sous-tend les propriétés et les laisse tenir toutes ensemble en un même lieu. Lorsque je déplace la table, toutes ses propriétés se déplacent avec elle : elles sont regroupées ensemble d’une façon semi-permanente ; certaines propriétés peuvent être supprimées du regroupement et de nouvelles peuvent s’y substituer. Cette conception du particulier est celle dite du substratum. L’idée que l’on se fait d’une chose ici renvoie à la notion de substance en opposition avec celle de faisceaux de propriétés.  Gardons à l’esprit que la chose dénudée de toutes ses propriétés, nous ne pouvons l’appréhender.

S’il ne peut y avoir de particuliers « nus », nous pourrions venir à l’idée de faisceaux de propriétés

Le particulier n’est-il rien d’autre qu’un faisceau de propriétés ? Attention car qui dit collection dit qu’il n’y a pas de place pour un changement : ce qui fait d’une collection la même chose à tous moments est qu’elle est composée des mêmes éléments. Donc tout changement implique un changement de collection. Or à l’évidence les particuliers changent tout le temps tandis qu’ils restent numériquement les mêmes. Sans doute faut-il concevoir une chose comme une série de faisceaux de propriétés unis par une certaine continuité ? tandis que les faisceaux de propriétés vont et viennent, une chose particulière est une succession de tels faisceaux ayant une continuité idoine tout au long de son existence. On n’a plus besoin de substratum ici : nous avons seulement les propriétés et lorsqu’elles entrent dans un faisceau ou une séquence continue de tels faisceaux, nous disons que nous avons un objet particulier. Les objets ici ne sont rien d’autre que des faisceaux de propriétés arrangés de façon adéquate.

N’est ce pas trop simple ? 

Pour sauver la théorie des faisceaux, on en est donc venu à la notion de propriétés relationnelles : si elles font partie du faisceau, chaque chose sera distincte d’une autre de ce qu’elles ne peuvent occuper le même lieu. Cette lecture dit qu’il ne peut y avoir plusieurs objets possédant un même faisceau de propriétés. Les copies standard d’un original, dira-t-on, ne sont pas l’original dont elles diffèrent par des différences peut-être minuscules mais inévitables. Mais nouvelle objection : faut-il concevoir la position dans l’espace et le temps comme une affaire absolue ou relative ? Si la position est absolue, alors il y a un particulier par position ; mais si on a une position relative (définissant les positions spatiales les une par rapport aux autres) alors il est possible que l’espace de l’univers ait une ligne de symétrie et si tel est le cas, les positions qui sont en correspondance de chaque côté de la ligne supportent un même ensemble de relations avec toutes les autres positions au sein de la totalité de cet espace. Supposons qu’une boule soit dans un espace de ce côté de la ligne et l’autre boule de l’autre côté, elles peuvent être dites identiques quant à l’ensemble de leurs propriétés. Voilà une théorie fort subtile mais manquant d’évidence. Autre idée alors ?

Et si les propriétés étaient elles mêmes particularisées d’une façon ou d’une autre : le rouge dans un faisceau étant différent du rouge dans un autre faisceau

Ceci rend possible des particuliers distincts ayant tous les mêmes propriétés : ils consistent en des types semblables de propriétés mais leurs propriétés sont des instances différentes de ces types. 2 rouges différents sont 2 instances différentes des rouges. 

Le mot clé de ce premier chapitre est le mot propriété. Nous voyons mieux la méthode utilisée pour avancer. Soit un fameux trajet pour en arriver à faire d’une instance de propriété quelque chose qui « ressemble » fort à une espèce de particulier. La particularité est une caractéristique de la réalité, irréductible. Il est théoriquement possible qu’il y ait 2 particuliers distincts dont le caractère distinctif ne consiste pas dans le fait de posséder des propriétés différentes. Il y a donc quelque chose en propre à quelque chose, qu’on appelle table ?

Qu’est ce qu’un cercle ?

Il y a quelque chose de commun entre une pièce de monnaie, et une roue : c’est la circularité.

Est-ce une sorte d’entité ? cela renvoie-t-il à l’Un et au multiple ? 

La circularité doit se trouver dans tous ces multiples particuliers différents. On peut parler de cercle comme d’une particularité mais sa nature est très différente d’une table. Contrairement à celle-ci, le fait que la circularité apparaisse en un certain lieu et à un certain moment ne l’empêche pas d’apparaître à d’autres moments en d’autres lieux. À tous ces lieux, elle est entièrement présente. Ce n’est pas comme si la circularité devait être partagée (un stylo je l’ai, tu ne l’as pas) en portions (un stylo acheté à plusieurs implique que chacun en a une part). C’est donc une chose qui passe dans de multiples autres choses. 

La circularité n’est pas un particulier mais un exemple de propriété ? Le fait qu’une propriété apparaisse à un endroit dans son entièreté ne fixe aucune limite à son apparition partout ailleurs dans d’autres lieux et à d’autres moments : certains tranchent en disant que les propriétés sont des universaux. Encore une remarque de méthode : Mumford n’est pas désireux de bâtir sa boite à outils avec ces universaux. Pourquoi ?

L’approfondissement de la complexité des propriétés passe par la notion de relation « plus grand que ». 

On a encore une fois l’impression qu’il s’agit bien de saisir quelque chose de plus qu’une propriété car c’est exactement la même chose qui apparait quand on dit qu’une chose est « plus grande que ». Alors la relation ou la circularité, où existent–elles ? dans le ciel de Platon ?

Le platonisme est une forme de réalisme : ces propriétés sont très fortes car elles sont plus parfaites que leurs copies imparfaites. Ces versions parfaites des propriétés s’appellent des formes et c’est par une saisie intellectuelle que nous savons qu’elles existent. Ce dualisme entraîne pourtant des difficultés. Comment des cercles existant dans l’espace-temps se rapportent-ils à la forme ? par une « ressemblance » ? mais alors, la ressemblance est une relation et pour un platonicien toute relation appartient au monde des idées… impasse ! En ce point de bifurcation, Mumford tourne le dos à Platon.

Alors marche arrière ? seuls les particuliers existent, et la circularité pareil. Que dire alors ? le nominalisme justement s’intéresse au nom. La circularité est juste un nom qui déchire des groupes d’objets particuliers : ceux qui se ressemblent (boules de billard, pièce de monnaie). La circularité décrit la façon dont ils se ressemblent. La circularité en elle-même n’est pas une chose. Elle n’a ni existence ni réalité. Toute chose singulière est particulière. Mais il semble qu’il puisse y avoir plus d’une manière de se ressembler (que ce soit par la circularité n’exclut pas que ce soit par la couleur rouge). Et la manière compte car « une manière de » c’est une propriété de fait.

Quelle est cette chose qu’est la ressemblance ?il s’agit d’une relation : un universel qui tient pour tous les particuliers du groupe. Et revoici les universaux dont le nominalisme voulait se débarrasser. Et si on ajoute que des objets se ressemblent par plus d’une ressemblance, alors on redouble le problème : pour le nominalisme il devrait y avoir une ressemblance particulière qui vaut pour une paire d’objet mais il devrait y avoir une autre ressemblance pour une autre paire d’objets : en quoi ces deux ressemblances particulières se ressemblent-elles ? si on dit que ces deux ressemblances se ressemblent alors nous avons besoin d’une analyse de cette ressemblance supplémentaire.

Variante : tandis que le monde est  uniquement constitué de particuliers, ces particuliers devraient non pas être conçus comme des objets particuliers mais comme des qualités particulières. 

Ce rouge alors est tout à fait différent de cet autre rouge. Il peut donc y avoir place pour deux boules rouges. Ces qualités on les appelle les tropes : il s’agit d’un fait primitif qui ne s’explique pas. On en revient au réalisme (Platon). Pour sortir de ce cercle vicieux on a une troisième voie qui est celle d’Aristote. Peut-être que les propriétés pourraient être réelles et exister ici-bas. On est ici dans un réalisme immanent. 

La circularité serait une caractéristique réelle du monde mais existerait seulement dans ses instances, c’est-à-dire dans les choses circulaires. Supposez que je dise qu’une propriété n’existe nulle part ailleurs que dans ses instances (dans toutes les instances qui ont existé et qui existeront), alors nous pouvons traiter tous les temps plutôt que de privilégier le présent. Si quelque chose est quelque part circulaire et s’il l’est même une fois seulement à un moment quelconque du temps, alors cette propriété existe et est réelle.

Le mot clé de ce deuxième chapitre, c’est instance. Ceci dit, avons-nous toujours besoin de nous demander ce que c’est que « d’être » une instance  ?

Les touts sont-ils seulement des sommes de parties ?

Un grand nombre de choses sont complexes plutôt que simples, comme un téléphone portable par exemple.

Complexe cela veut dire qu’il a des parties : ces touts complexes ne sont-ils rien d’autre que des sommes de parties arrangées de manière spécifique ? 

Mais d’abord à l’inverse, on dira d’une chose qu’elle est simple parce qu’elle n’a pas de partie : l’atome par exemple. Mais ce qui a été vrai (insécable) ne l’est plus depuis la découverte des noyaux où il y a de plus petites particules. Serait-il contradictoire de supposer que le monde renferme une complexité infinie pourvue de parties toujours plus petites ? un atomiste pense qu’on arrive à un socle où on trouve des choses simples indivisibles. 

Revenons à notre question en titre ? d’abord prenons un tas de cailloux : ce tas semble n’être que l’agrégat de 100 cailloux par exemple. Mais si on prend la propriété de sa hauteur (le tas fait 1 m), il est clair que chaque caillou est toujours plus petit que le tas. Mais là chaque hauteur peut contribuer par agencement pyramidal à la hauteur du tout. Or c’est différent avec un portable. Sa qualité est d’émettre et de recevoir des messages à distance. Ici le tout a une qualité qu’aucune partie n’a déjà. Il y a deux tas différents : un agrégat ce n’est pas une totalité bien intégrée qu’on appelle substance. Les substances peuvent survivre à un changement dans leurs parties, ce que l’agrégat ne peut pas. Ceci dit pour un ingénieur de portable, le tout est une somme de parties aussi longtemps que ces parties sont correctement agencées.

Mais il y a d’autres cas. On va alors parler d’émergence.

Certaines qualités sont censées être si spécifiques qu’elles émergent à un certain niveau supérieur de la réalité et rien de semblable ne se trouve au niveau des parties. La vie semble être une propriété de l’organisme entier. La conscience ou l’esprit se présente comme un autre cas de ce genre. Quid du mental ? et de ses rapports avec le cerveau ? face à ces cas, deux positions : le réductionniste mise sur le futur pour expliquer ces sortes de qualités à partir d’une analyse des parties ; l’émergentiste dit que l’on peut avoir deux représentations du monde, et du rapport aux sciences, et des sciences entre elles. 

Une pyramide inversée suppose qu’à la base (c’est-à-dire sur la pointe) il y a une science et pour les réductionnistes c’est la physique. Mais les holistes pensent que certaines sciences possèdent un certain degré d’indépendance les unes par rapport aux autres. La vie ne s’explique pas seulement par l’ADN ; en effet l’évolution et la sélection naturelle font intervenir des propriétés de haut niveau, par exemple le comportement adaptatif. Ici la pyramide se retourne et c’est l’organisme entier qui vit et ce n’est pas ses molécules.  

Le mot clé de ce troisième chapitre, c’est la notion d’émergence. Le développement montre-t-il un souci de raisonnement logique aristotélicien classique c’est-à-dire basé sur un enchaînement des causes et des effets cadré par des principes : de non contradiction, d’identité et de tiers exclu ? 

L’enjeu est toujours de sortir des pensées spéculatives.

Qu’est ce que le changement ?

Faire la liste des particuliers et de leurs propriétés consiste seulement à fournir une description statique de ce qu’il y a dans le monde à un moment donné. Mais le changement est essentiel car rien n’existerait sans lui.

Des choses arrivent ! mais est-ce un événement ? qu’est ce qu’un processus ?

Le processus semble entraîner de multiples changements ayant lieu dans une séquence particulière. On appelle événements (dire bonne journée à quelqu’un) des objets qui peuvent figurer dans des relations partie/tout (bonne, journée). Les processus comportant des changements plus longs et plus complexes peuvent donc avoir toutes sortes de parties (la seconde guerre mondiale). L’ordre est important car s’il est modifié nous obtiendrons un procès différent.

On était parti dans le chapitre 1 des particuliers et de la notion d’identité numérique (être une seule et même chose). Certains ont avancé que l’identité n’est pas une relation car les relations relient deux choses distinctes ; or ici nous avons une seule et même chose qui perdure. Si d’une personne qui avait des cheveux en 2010 et était chauve en 2020, on peut dire que c’est la même personne, alors on peut dire que quelque chose a changé. Le changement doit être attribué à un sujet. Mais dans les changements sur une longue échelle de temps, quid du sujet de la seconde guerre mondiale ? est-ce le monde ? Supposons que l’énergie passe d’un objet à un autre (la boule 1 choque la boule 2), ce transfert d’énergie n’est-il qu’un changement ou bien y en a-t-il deux ? En fait il y a à distinguer toutes sortes de changements : le gain ou la perte d’une propriété, la venue à l’existence de quelque chose ou la perte de cette existence, un changement à l’intérieur d’une propriété. Une tomate ronde est écrasée par un camion, s’agit-il d’un ou de deux changements ? Un changement de taille ressemble à un processus parce que le changement est graduel ou continu : on dira qu’il y a différentes tailles déterminées qui tombent sous la notion déterminable de la taille. Une chose cesse d’exister : je sais qu’un changement a eu lieu quand mon auto est démontée (à la casse) même si les différentes parties désossées continuent d’exister (un pare-choc vendu par un ferrailleur).

La période moderne a soulevé des difficultés. Un corps humain possède des parties spatiales. Mais n’aurait-il pas des parties temporelles (chevelu, chauve) ?

La difficulté tient à ce que des qualités différentes doivent être attribuées au seul et même particulier. Mais si on joue avec les parties temporelles alors on ne peut soutenir que ce sont des choses différentes qui possèdent ces qualités incompatibles ; ce sont seulement des parties qui sont affectées mais pas le tout. Aristote avait une conception endurantiste parce que les particuliers présents en totalité endurent (perdurent) à travers le changement. Et ces propriétés incompatibles sont portées à différents moments. Mais cela veut dire (en termes de coût) que les propriétés auraient toujours à être possédées relativement à autre chose, à savoir un temps particulier. La conception perdurantiste peut dire que la partie temporelle possède purement et simplement la propriété sans qu’il soit besoin de recourir à quelque élément relationnel. Lorsque quelque chose change il faut l’envisager comme une seule chose ayant des propriétés contraires et non pas comme des choses différentes, des parties temporelles ayant ces propriétés et où chacune de ces parties temporelles doit être en elle-même sans changement. 

Ceci permet de donner enfin une explication claire du changement mais c’est au prix du sujet. Il est à voir comme une succession de choses ayant des propriétés. Le changement serait-il créé par une illusion due à la succession de telles parties temporelles, des images : les 24 images / seconde sont toutes arrêtées mais elles défilent suffisamment vite pour donner une illusion de changement ?

Le mot clé de ce 4ème chapitre est le continu. L’auteur préfère une approche endurantiste : le monde change continuellement or un changement prolongé, continu, est un processus. Et des processus, notre monde en est plein : la photosynthèse, le cycle de la vie humaine, la cristallisation. On cherche la notion de présence totale. On ne se contentera pas d’une illusion d’optique. Pièce par pièce, l’ontologie se complète de nouveaux outils.

Qu’est ce qu’une cause ?

Je frappe du pied un ballon en direction du but et il entre. 

Une tempête cause des inondations. 

Parfois une chose est connectée à une autre et c’est là quelque chose de très important. Mais la plupart des événements dans le monde n’ont entre eux aucune connexion directe. Changement et cause sont deux choses différentes : la cause serait ce qui produit le changement.

Mais il y a même des causes sans changement (les aimants). 

Hume dit que la cause est le ciment de l’univers. Toute action que nous accomplissons semble reposer sur l’idée qu’elle provoquera l’advenue de quelque chose. Hume affirme que les connexions causales ne sont pas observables. Le problème est plus profond que le simple fait de ne pas pouvoir regarder à l’intérieur du corps alors que l’on voit le coup de pied ainsi que le ballon rentrer dans le but mais que l’on ne voit pas le lien cause/effet. Et Hume explique que nous croyons en ce lien parce qu’il est inscrit dans un modèle. Le monde est compris comme une mosaïque d’événements déconnectés, certains d’entre eux venant simplement s’insérer dans des structures. Hume le sceptique a esquissé deux idées : a) la causalité consiste seulement dans la régularité, b) il faut faire intervenir une explication différente, à savoir que nous pouvons concevoir une cause comme un événement suivi d’un autre dans la mesure où si le 1er n’avait pas eu lieu, le second n’aurait pas eu lieu non plus. Mais comment le savoir ? en introduisant la complexité d’un passage par la fiction de mondes autres que le nôtre  ?

Tandis que dans notre monde le premier et le second événement ont lieu tous les deux, il existe un autre monde semblable au nôtre à ceci près que le premier événement n’y a pas lieu. Et si dans ce monde le second événement n’a pas eu lieu non plus, alors dans notre monde le premier événement a causé le second. 

Le raisonnement relancé par les objections tranche toujours en faveur de la simplicité ; si l’on peut économiser un détour complexe, c’est mieux (rasoir d’Ockham). En science on peut faire une expérience réelle au lieu de concevoir ce qui se passerait dans un autre monde : c’est la méthode de la différence établie par John Stuart Mill (en pharmacologie on opère des études sur une médication en donnant à un groupe le médicament et à un autre groupe semblable un placebo) : c’est l’essai contrôlé avec répartition aléatoire.

Mais est-ce si sûr que la différence suffise à dire ce qu’est réellement une causalité ? 

Lorsque nous avons deux événements A et B, la question de savoir si A a causé B porte sur A et B seuls et/ou sur toute connexion qui peut ou non exister entre eux. Ce qui peut advenir à d’autres moments et en d’autres lieux paraît n’avoir absolument aucune importance. Le singulariste dira que Hume se trompe sur la question de la régularité (voir ci-dessus) car on y mélange les thèses causales particularistes et généralistes (passer de l’effet médicament/placebo sur un patient à la généralisation de sa valeur pour tout patient). Faire partie d’une structure c’est dire qu’il doit y avoir une vérité causale générale dont le cas particulier n’est qu’une instance.

Tout le monde connait l’idée « fumer cause le cancer » et en regard tous les gens qui ont fumé toujours sans jamais attraper le cancer. 

On peut donc juste dire : de façon générale fumer tend à produire le cancer. S’il y a un pouvoir de produire un certain effet, cela signifie-t-il qu’il doit produire son effet quand il agit ? non rien ne nous oblige à soutenir cette position. Un pouvoir peut seulement disposer à produire un certain effet. Que cela ne se produise parfois pas, n’est pas une raison de rejeter la réalité des pouvoirs correctement compris. Aristote croit que les pouvoirs causaux existent et font partie de la réalité.

Le mot clé de ce 5ème chapitre est le mot structure (modèle). Chercher la présence totale pose la question de la croyance dans un cadre qui dépasse l’illusion. Ce n’est pas parce que le vent ne se voit pas qu’il n’existe pas. Cesser de croire en l’ancien cadre est-ce dû à la poussée d’un nouveau cadre ou bien à une capacité nouvelle de se passer d’un cadre ? L’histoire met à mal la structure qui inscrit le sujet dans une réalité tributaire du cadre de la représentation. Au temps de Hume, observons que la spatialité est alors hyperdominante pour cerner la réalité. Aujourd’hui il y a insistance sur le temps. Et même la relativité de l’espace-temps. Cela implique-t-il le respect de la permanence des lois causales ?

Le temps passe-t-il ?

Pour qu’un changement ait lieu, il doit au moins y avoir quelque chose à un moment qui n’est plus à un moment plus tard ou vice-versa. 

Il ne peut y avoir de changement sans temps. 

Le temps est quelque chose et il agit comme un cadre dans lequel se déroulent les événements. Le temps aurait une direction. Il fait penser au flux d’une rivière. La vie c’est monter à un moment sur un canot, la rivière vous emporte et à votre mort vous sautez hors du canot : si j’avais une rame sur mon canot, pourrais-je aller plus vite ? peut-être que le temps va vers l’arrière ? et ce pourrait-il qu’il y ait une période de temps durant laquelle il ne se passe rien ? votre enfance est passée vite, il ne vous en reste plus beaucoup de souvenirs…Qu’est-ce à dire ?

Pensez à un événement comme l’assassinat d’Abraham Lincoln en 1865 à Washington.

L’assassinat a la propriété d’être passé. Mais certains événements ont la propriété d’être présents (lire ou écrire cette phrase). D’autres événements ont la propriété d’être futurs, une propriété qu’on pourrait appeler la futurité. D’abord les événements sont toujours futurs (la coupe du monde au Qatar) ensuite présents, puis passés. 

Les propriétés temporelles semblent capables d’aller et venir en différentes combinaisons. Maintenant en 2019 je sais quand même que l’événement-éclipse de 2025 sera advenu et je peux me projeter en 2026 pour dire déjà qu’alors il sera advenu un an plus tôt, je peux utiliser le futur-passé (le futur antérieur). Quoique ce soit possède-t-il réellement cette propriété ou est-ce seulement qu’elle cesse d’exister ? le présentisme dit que le présent seul est réel. Les choses passées ou futures n’ont pas d’existence du tout. Mais combien de temps dure le présent ? le présent est comme un minuscule éclat, un instant. Quant à la théorie de la relativité elle affirme que la lumière du soleil met 8’19’’ à nous parvenir.

Faut-il parler de la fin de la simultanéité dès lors que deux événements sont spatialement séparés ?

Le présent devient relatif à une position, une perspective. Il y a aussi du sens à dire que les choses et occurrences passées (la mort d’un être cher) font partie de notre réalité même lorsqu’elles ne sont pas présentes. 

Qu’est-ce qui peut empêcher quelqu’un de réécrire l’histoire (les holocaustes n’ont pas eu lieu) si nous devions toute réalité à ce qui a eu lieu dans le passé ? Faire partie de la réalité mais non au présent voilà qui pourrait rendre compte de notre propriété « d’être-passé ». 

On pourrait concevoir le présent comme une fine pellicule à la surface d’un énorme solide parallélipipède. De nouvelles pellicules viennent sans cesse se surajouter à sa surface. César et tout ce qu’il a fait est là dans le bloc un peu plus en profondeur (théorie du bloc en expansion). Il y a une autre approche encore : il n’y a aucune propriété comme l’être-présent, l’être-passé, l’être-futur. Il y a des événements et des choses dans notre monde qui ont des relations d’ordre les unes par rapport aux autres et c’est dans cette mesure qu’ils peuvent figurer dans une série être antérieur à, être postérieur à, être simultané avec. Les relations temporelles entre les événements dans cette nouvelle série sont valables pour tous les temps. Rien n’oblige de passer d’un état à un autre ; pas plus que nous avons besoin de concevoir le temps comme une chose, tel un milieu au sein duquel les événements ont lieu.

Alors doit-on traiter le temps comme une chose objectivement réelle existant de plein droit, que se produisent des événements ou pas ?

Le temps aurait débuté avec un premier événement, le big-bang, et ce premier événement est la pointe à partir duquel l’horloge se met en route. L’éternitatiste conçoit la réalité comme un énorme bloc comprenant tout ce qui a été et sera. Nous sommes localisés au milieu capable de regarder ce qui a eu lieu mais pas ce qui a lieu plus tard ; tout pourtant est réel. La naissance d’Obama ne pourrait pas entretenir une relation avec quelque chose de non-existant ; nous devons admettre la réalité de la mort d’Obama. Mais il faut quand même dire que le présent paraît avoir une qualité spéciale : c’est ce qui arrive maintenant en un lieu et selon un certain point de vue. Qu’est-ce que maintenant ?

Autre question plus topographique : le temps serait une ligne droite avec un début et une fin… ou bien cette ligne se poursuit indéfiniment ?

Il pourrait bifurquer à mesure qu’il progresse, il pourrait y avoir deux lignes temporelles séparées qui proviennent d’une source unique à partir d’une différence significative. Le temps est-il circulaire ? 

Le mot clé de ce chapitre est le mot dynamique (à opposer à statique). La relativité pose question en dégageant la notion d’espace de plongement en lien avec les figures topologiques impossibles enroulées autour d’un trou moyennant une torsion. Hors de la représentation tout se tord (aussi bien de ce qu’il en est du sujet que de l’objet). Mais dès lors que l’on pousse outre de la limite, qu’est-ce qui tient ? et pour qui et/ou pour quoi ? pour un sujet ?

Qu’est ce qu’une personne ?

Je n’entends pas nécessairement un être humain. 

Tout animal véritablement intelligent pourrait-il être qualifié de personne ?

Un humain vivant à l’état végétatif est-il une personne ? la qualité d’une personne pour Locke c’est l’intelligence. Une personne est une chose pensante douée de conscience, un sujet qui fait l’expérience de pensées et de sensations, de souvenirs, de croyances, d’aspirations et d’émotions. Les personnes sont capables d’accomplir des actions et sont responsables de ce qu’elles font.  Une substance peut survivre au changement de l’une de ses parties. Pour Locke c’est la mémoire, la continuité psychologique qui est décisive pour sa survie. Mais la mémoire, ça flanche ; dès lors il faut qu’il y ait à la fois une certaine continuité et des changements graduels. Wittgenstein dit que les brins individuels qui constituent une corde sont limités mais au travers d’un ensemble de bouts de fils qui s’entremêlent la corde va d’une extrémité à l’autre.

Quid de l’existence des âmes ?

Il y a ici deux difficultés : ce qui peut valoir comme substance spirituelle ; la façon dont une substance spirituelle pourrait interagir avec une substance matérielle (un composé de la vie et de l’union de l’âme-corps). Pour Descartes les portions physiques sont étendues dans l’espace, elles possèdent des dimensions de Hauteur-Longueur-Profondeur, elles ont une localisation spatiale. Quid ici d’un volume d’espace vide au milieu de ma chambre ; c’est étendu mais ce n’est pas une chose physique. 

Certains ont avancé la notion d’impénétrabilité, de solidité, pour qualifier la matière mais alors quid des liquides et des gaz ? Quant à une substance spirituelle elle n’est pas censée être dans l’espace, n’ayant pas d’attributs physiques. Descartes caractérise l’esprit comme une chose pensante et c’est cette chose qui est censée être douée de vie. Les pensées n’auraient-elles pas besoin de corps ? Les matérialistes pensent que toutes les choses mentales sont réductibles à des choses matérielles. Les idéalistes pensent que toutes les choses matérielles sont réductibles à des choses mentales. Tenir ensemble les choses matérielles et immatérielles pose la question du comment elles interagissent. Les décisions que vous prenez dans votre esprit affectent ce qui fait votre corps, tout comme la façon dont il se comporte. Et ce qui arrive à votre corps affecté soutient votre vie mentale. La question à laquelle il faut confronter le dualiste, c’est : et si l’esprit et le corps sont des espèces distinctes de choses, comment peuvent-elles s’affecter l’’une l’autre ?

Revenons à la question de la continuité psychique. 

Faut-il avoir recours à un concept de causalité autre que la causalité physique ? 

Ce n’est pas une identité car une personne à un moment donné pourrait être en continuité psychique avec plusieurs personnes à d’autres moments comme dans Star Trek : the ennemy within où le capitaine Kirk est scindé en deux en raison d’une défaillance du téléporteur. Pour Locke je ne peux pas savoir de façon absolue si je suis réellement identique au diplômé que j’ai été en 1995. Il peut toujours y avoir un savant fou qui a créé une réplique de moi. Pour s’en sortir vous pourriez dire que vous êtes vous parce que vous êtes l’organisme d’origine (l’éventuel moi dupliqué par le savant n’est qu’une copie, un clône) : ici on met en avant plutôt une continuité corporelle. Votre imposteur a été créé dans un labo. Locke faisait appel à la mémoire mais supposons que quelqu’un apprenne tout sur Kennedy et dans son délire se fasse passer pour lui, alors le témoin en première personne ne peut pas tout à fait convaincre. De trancher entre mémoire et pseudo-mémoire, on revient toujours au critère corporel : ce qui est décisif c’est le cadavre de Kennedy à Arlington.

Le mot clé de ce 7ème chapitre est le mot corps. On ne peut pas ne pas penser à Spinoza. Même si les références ici sont celles de philosophes anglais. Pourquoi pas alors signaler le travail de Scruton ? Observons que le fossé qui s’est creusé par rapport au temps de la représentation tient au travail de sape du pragmatisme. Alors que la finesse de la philosophie anglaise et de sa métaphysique résiste dans son esthétique, Peirce est responsable du tournant linguistique qui prend de l’ampleur depuis la fin de la 1ère guerre mondiale dans un contexte marqué par le socialisme réel et la physique quantique. Tout semble possible dans un flux ininterrompu d’innovations techniques qui booste un climat de toute puissance dans un monde sans limites. Un monde sans limites ? non pas, car poussée dans ses retranchements la métaphysique peut encore servir pour notre temps.

Ce qui trompe aujourd’hui c’est notre compréhension des limites.

Qu’est ce que le possible ?

Les possibilités sont-elles des choses ? 

Ont-elles quelque espèce d’existence ou sont-elles une construction de l’esprit ? Les possibilités ici étudiées sont celles qui sont possibles sans être actuelles car tout ce qui est actuel est évidemment possible. Nous pouvons distinguer de telles possibilités non actuelles en les appelant de simples possibilités. De telles choses sont-elles réelles ou virtuelles ?

On a vu au chapitre 5 et à propos de la causalité une théorie selon laquelle il y a un autre monde possible dans lequel un événement qui a lieu dans notre monde n’y a pas eu lieu

Allons plus loin : lorsque nous concevons une possibilité, nous pensons à quelque chose qui a bien lieu ou qui est un fait dans un autre monde ; il y a donc autant de mondes que de possibles. Un monde est un univers entier mais pas une autre planéte ; certains mondes sont non peuplés de personnes mais ils ne sont pas nécessairement vides ni peuplés d’êtres humains…même  si ces mondes nous ne pourrons les visiter. Ils sont à l’intérieur de l’espace-temps mais pas dans le nôtre ; ce sont quand même des mondes concrets possibles. Actuel devient un terme indexical, il varie d’un espace-temps à l’autre mais garde-t-il sa pertinence dans cet espace-temps comme pour nous ?

Nous avons tendance à imaginer des possibles dans un autre monde mais alors il s’agit de mondes seulement abstraits.

D. Lewitz appelle ça « erzatz » : en effet pour ce penseur tout monde possible est actuel. 

Pour D. Armstrong, les possibilités ont une certaine espèce d’existence mais seulement dans la mesure où les éléments sont prélevés là où ils se trouvent intégrés. Pour que quelque chose soit possible, il suffit que le particulier et la propriété existent, lesquels le constitueraient s’ils étaient combinés. Ils pourraient former une recombinaison à laquelle jamais personne n’a pensé. 

Nous pouvons alors concevoir tous les éléments du monde sous la forme d’une grille. Et arranger tous les particuliers sur un axe et toutes les propriétés sur un autre. On coche le croisement abscisse/ordonnée mais… il reste des zones vides : ce sont de simples possibilités. C’est le principe de recombinaison qui fonctionne : pour faire un classement dans ces possibilités simples,  il faut des critères (ou bien logiquement possibles ou bien, ce doit être une possibilité naturelle selon les lois de la nature). Et ce second critère est plus restrictif que le premier.

Le mot clé de ce 8ème chapitre est l’impossible et s’il importe c’est bien parce qu’il manque. En effet à notre époque la science est dominante ; par ses succès elle ouvre de plus en plus nos yeux sur la nature. Pour elle, il faut sortir d’une conception en 3D pour y ajouter une 4ème (ou plus) nous dotant de tous les particuliers et de toutes les propriétés qui sont et qui seront. On a depuis des années exploré d’autres logiques sous l’impulsion de Wittgenstein. Pour Mumford, la métaphysique creuse ici son lit par les questions adressées à la pensée scientifique (et paradigmatiquement à la physique quantique). Ne faut-il pas ici prendre en compte la force du vide ?

Rien est-il quelque chose ?

Il y a des absences, des manques, des bords, des vides, des limites, des trous, des zéros, des disparitions, des nullités et des fins : mais ces choses ne font pas partie de l’existence.

N’est-ce pas aller un peu vite ?

N’est-ce pas se payer de mots ? est-ce si sûr que tout ce qui est, est positif ? Si les choses avaient des propriétés négatives, elles seraient en nombre infini ? Etes-vous sûrs que le nombre des propriétés est fini ? Si deux personnes font 1m80 elles ont quelque chose en commun. Si on dit que deux personnes ne mesurent pas 2m, est-ce là une propriété qu’elles ont en commun ? Etant donné que quelqu’un mesure 1m80, on peut dire que toutes les autres tailles qu’il n’a pas, en découlent. La notion ici utilisée est celle d’incompatibilité ; elle donne une place consistante au négatif. Attention toutefois : aucune des propriétés positives de cette pièce n’implique qu’elle ne contient pas un hyppopotame. La causalité par absence implique que l’absence d’oxygène entraine l’asphyxie.

L’efficacité causale revient-elle en force pour affirmer qu’elle est le critère de ce qui est réel ? 

Si on dit que Kennedy est mort parce que son garde-corps n’a pas fait obstacle à la balle, on glisserait sur un terrain dangereux ouvrant à des multiplications de causes pour l’occurrence d’un événement !

Et si tout ce développement n’était que du langage, une façon de parler du monde, de la vérité ?

La vérité est-elle déterminée par la présence ou non de quelque chose dans le monde qui le rend vrai ? on peut faire usage d’un vérificateur. C’est-à-dire prendre en compte ce qui existe. On dira d’un particulier qu’il instancie une propriété. Mais qu’est ce que le vérificateur d’un énoncé négatif ?  

Si la logique est totale, elle va valider une proposition sur des critères de nécessité et de possibilité mais disqualifier comme contradictoire ce qui est impossible. L’intérêt de l’approche est dans son refus de la spéculation. Par contre rien de ce qui est pensable n’est rejeté par préjugé.

Le mot clé est vérificateur d’existence. En effet, le souci est de prendre en compte les indiscernables en s’appuyant sur des garde-fous. On est au carrefour de notions limites et les outils ontologiques osent s’approcher d’un réel qui nous échappe. Les possibles, les incorporels, les riens posent question. Tout n’est donc pas rationnel ?

L’actualité de la métaphysique

Il est certain que l’on ne peut s’en passer. Il est tout aussi certain que les questionnements des scientifiques sur la réalité n’épuisent pas le réel.

Les avancées dans la science et dans la métaphysique vont de pair. 

La relativité qui a montré les limites de la physique de Newton a bouleversé notre compréhension de l’infiniment grand. Mais sans être compatible avec les progrès de physique quantique dans la compréhension de l’infiniment petit. L’emploi des approximations dans le calcul des probabilités est également une source d’incertitude. En regard la métaphysique cadre les réflexions par la philosophie des sciences et par la philosophie de la Nature. Tous les raisonnements ne se valent pas et le champ de la connaissance a ses exigences qui sont bien utiles pour cerner la vérité. Le langage a son tour marque un tournant à l’horizon de tous ces développements qui prétendent nous dire ce qui est vrai de la réalité en soi.

Mumford nous rappelle que le réel est approché par une recherche du meilleur réalisme possible.

Il a pris le temps de s’assurer à chaque pas dans la succession de ses avancées. Il a résolument décrit les choses comme des particuliers dotés de propriétés. Ce qui pourrait ressembler à de l’empirisme ne l’est pas. En fait dans une navigation entre Charybde et Scylla, il rejette les courants induits par Platon mais aussi Aristote, par Descartes mais aussi par Kant et Hegel. Autrement dit, c’est par tout un processus dynamique qu’il traite de ce qu’il appelle des événements. La science dégage des faits, la métaphysique les met en cause mais ce faisant elle paie le prix de l’engagement d’une personne vivant à une époque donnée. Il semble bien que les dispositifs de vérification soient désormais datés.

L’enthousiasme de l’auteur est communicatif. Son travail est colossal car il balaie toutes les objections de notre temps décidément empêtré dans le scientisme, dans l’utilitarisme qui réduit la valeur à être instrumentale. Or il existe des valeurs intrinsèques dans une métaphysique qui offre une compréhension de la nature des choses. Mais la qualité de ce travail réside surtout dans le refus d’arrêter le questionnement par une réponse définitive.