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La mélodie secrète


Auteur du livre: Trinh Xuan-Thuan

Éditeur: Gallimard

Année de publication: 2010

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Les différentes parties du livre sont : les univers passés, de la Voie Lactée à l’Univers, les acteurs du drame sont les galaxies et le couple espace-temps, le Big Bang aujourd’hui, le livre de l’histoire de l’univers, l’invisible et le devenir de l’univers, un Univers accidentel ou nécessaire renvoie à Dieu ou au Big Bang, la mélodie secrète.

Ce livre est celui d’un auteur vietnamien qui est bouddhiste. L’Univers nous sera-t-il un jour révélé dans la totalité de sa réalité ? Parviendrons-nous à percer le secret de sa vraie mélodie ? Comment l’infiniment petit a-t-il accouché de l’infiniment grand et comment l’univers tout entier avec ses centaines de milliards de galaxies a-t-il jailli d’un vide microscopique ? Comment grâce à l’alchimie créatrice des étoiles et à l’existence des planètes, la vie et la conscience ont-elles surgi ? C’est le mérite de ce livre de faire un lien entre physique et métaphysique : Dieu n’est plus nécessaire si nous suivons le principe anthropique de Brandon Carter, astronome, disant en 1974 : il y a à affirmer sa croyance en un être suprême, l’homme. Contre le hasard et le désespoir, il y a à parier sur le sens et l’espérance. Il y a d’autres mélodies dans l’Univers et après celle du Big Bang, l’homme continuera à en créer d’autres, qui se rapprocheront de l’Univers sans jamais l’atteindre, et qui illumineront et magnifieront son existence. 

Il m’a paru judicieux de faire suivre avec un résumé du livre de Perniola qui traite de la même question métaphysique : l’univers est une chose sentante ; une sexualité neutre fait « tenir ensemble » ce qui sans ça partirait en pur chaos.

Puis par une autre approche liée à une expérience de la maladie cardiaque par laquelle toute une forme-de-vie est menacée et sauvée par l’intervention d’un chirurgien. Le point de vue de Daniel Sibony est celui d’un psychanalyste, mathématicien et philosophe, soucieux de questionner l’opération surtout du côté du technicien cardiaque car pour le coup c’est une conjonction de savoirs qui sont convoqués. Mais pourtant tout dépend de cet accrochage à la vie qui étreint le patient quand son cœur est arrêté et que sa respiration est extra-corporelle.   

Voici donc le livre de l’histoire de l’univers

Chapitre 1 : Le temps cosmique

Pour raconter l’histoire, nous choisirons le temps cosmique, c’est à dire celui d’un individu emporté par l’expansion de l’univers et qui voit la plupart des galaxies s’éloigner de lui. Dans la voie lactée les objets suivent ce temps là, tout en étant emportés dans un gigantesque ballet s’ajoutant au mouvement d’expansion.

Chapitre 2 : La frontière de la connaissance

On ne peut pas remonter le temps jusqu’au moment du Big Bang mais quand même très près : à 10 (exposant – 43) seconde. La gravité, qui pourtant est négligeable dans l’infiniment petit, a ici autant d’importance que les autres forces. Le problème est qu’on ne peut pas, en ce temps-là, décrire le comportement des atomes et de la lumière quand la gravité est intense. Pour crever le mur de Planck, il faudrait avoir une théorie qui unifie la mécanique quantique et la relativité.

Chapitre 3 : Une inflation vertigineuse

Ce qu’on peut voir commence à la taille de 10(exposant-33) cm ; le couple espace-temps apparait. Le vide quantique règne. 2 forces se partagent le terrain : la force électronucléaire et la force gravitationnelle. Vers 10 (exposant-35) seconde, l’univers se trouve déjà refroidi à la température de 10 (exposant 27) degré Kelvin. Ce « refroidissement » entraîne la désintégration de la force électronucléaire en 2. L’univers est donc gouverné par un triumvirat. L’univers perd sa simplicité en perdant sa symétrie. L’univers « gèle » en se cristallisant ce qui libère une énorme énergie du vide. Et ceci imprime une expansion fulgurante de l’univers. Après cette inflation, l’univers observable a la taille d’une orange. Avant l’inflation, chaque partie infinitésimale (« toutes ») que contient l’univers était en contact avec chaque autre et l’univers en « communiquant » par la lumière a eu le temps de coordonner « leurs » propriétés afin d’être exactement semblables. Après l’inflation, les régions de l’univers se « souviennent » d’avoir été un jour en contact. La platitude de l’univers s’explique aussi par la phase inflationnaire car la géométrie de l’espace s’aplatit, comme une petite région sur la surface d’un ballon s’aplatit quand ce dernier est gonflé.

Chapitre 4 : Une multitude d’univers à l’horizon cosmologique

De 10 (exposant-35) à 10 (exposant-32) seconde, l’univers s’est enflé d’un facteur de 10 (exposant 50). A 10 (exposant-32) seconde, il s’étend à 10 (exposant 26) cm, soit 1000 fois plus large que l’univers observable aujourd’hui. Notre univers n’est plus qu’une petite bulle perdue à l’intérieur d’une bulle méta-univers, laquelle se perd à son tour dans une multitude d’autres bulles.

Chapitre 5 : Le vide, origine de tout

L’injection d’énergie va rembourser les prêts de la banque nature (BN) et permettre aux particules et antiparticules de quitter le monde des fantômes : les quarks, les neutrinos et leurs antiparticules vont surgir du vide. Mais dès leur matérialisation, les particules et antiparticules se rencontrent et s’annihilent pour devenir lumière. Les grains de lumière, les photons, disparaissent à leur tour pour donner naissance à des paires particule-antiparticule. Il y a une constante interaction entre la matière, l’antimatière et la radiation. S’il y avait autant de particules que d’antiparticules, la matière détruirait l’antimatière et il ne resterait que des photons. Ces photons affaiblis par l’expansion et le refroidissement de l’univers ne pourraient plus accoucher de particules et antiparticules. Mais heureusement l’univers a une petite préférence pour la matière. Plus tard vers 10 (exposant -6) seconde, quand l’univers se sera assez refroidi pour permettre aux quarks de former des protons et des neutrons, on aura de reste un peu de protons et neutrons selon la proportion d’une particule de matière pour un milliard de photons. Toute l’antimatière aura à terme disparu. La soupe de quarks donnera naissance aux structures de la tapisserie cosmique. (Ces irrégularités pour ce faire doivent respecter des contraintes très strictes).

Chapitre 6 : Une nouvelle cristallisation de l’univers

L’univers de la taille d’une orange poursuit sa progression mais plus lentement. De 10 (exposant-32) à 10 (exposant-12) seconde, l’univers devient moins chaud et moins dense. C’est alors qu’un événement surgit, soit une nouvelle cristallisation …et le triumvirat éclate pour passer à 4 forces.

Chapitre 7 : L’emprisonnement des quarks

À 10 (exposant-6) seconde, la température a baissé jusqu’à 10000 milliards de degrés K. L’agitation et l’énergie des particules et antiparticules décroissent. Maintenant la force nucléaire forte peut contraindre quarks et anti-quarks à se combiner à d’autres particules : protons, neutrons et leurs antiparticules. Parce qu’ils résultent de la force nucléaire forte on les appelle hadrons.

Chapitre 8 : La première victoire de la matière

La perte de liberté des quarks s’accompagne d’une autre conséquence due au refroidissement : le cycle « disparition de la matière transformée en lumière » stoppe peu à peu. À cette époque les photons ne cessent de perdre de leur énergie. L’antimatière dit son dernier mot. L’ère hadronique s’achève, le devant de la scène est occupé par les autres particules plus légères (leptons) et qui agissent entre elles par l’intermédiaire de la force nucléaire faible.

Chapitre 9 : Les neutrinos font bande à part

La soupe est composée de photons, électronsneutrinos et leurs antiparticules ainsi que d’un zeste de protons et neutrons. Sauf les neutrinos, toutes les particules se heurtent entre elles. Les photons sont bloqués dans la soupe et l’univers est opaque. Les neutrinos passent car ils n’interagissent que par la force nucléaire faible. La perte de densité de l’univers fait que les particules ne sont plus assez rapprochées les unes des autres pour que cette force s’exerce. Les neutrinos envahissent donc l’espace : c’est le rayonnement cosmique à 3°K.

Chapitre 10 : La déroute de l’antimatière

L’horloge marque 1 seconde et la température a baissé à 10 milliards de degrés K. La densité est qu’un cm cube de matière pèse 100 kg. Arrive la deuxième annihilation de matière et antimatière. Le scénario qui avait joué pour les protons va jouer pour les électrons. Comme la nature préfère la matière, il reste un électron solitaire pour un milliard de couples détruits . Il y a maintenant autant de charges positives (protons) que négatives (électrons).

Chapitre 11 : La dénatalité des neutrons

La population des neutrons reste constante et égale celle des protons…mais puisque presque tous les électrons s’annihilent avec leurs antiparticules, les protons ne trouvent plus d’électrons pour faire couple et engendrer les neutrons ; l’équilibre se rompt. Il ne reste plus que 2 neutrons pour 10 protons. C’est la fin de l’ère leptonique.

Chapitre 12 : La machine à fabriquer de l’helium

L’énergie d’une particule est la somme de 2 énergies : l’énergie de masse et l’énergie de mouvement. Et comme les photons n’ont pas de masse, leur énergie vient de leur mouvement. Et pourtant cette fantastique énergie n’arrive pas à traverser la jungle des électrons et protons. L’univers reste opaque. Dans les 100 secondes qui vont suivre, l’univers va se transformer en machine à fabriquer des noyaux d’atomes. La nature essaie d’abord avec l’hydrogène ou le deutérium mais ces noyaux ont une durée de vie trop courte en raison de l’instabilité des neutrons qui ne vivent que 15 minutes. La casse est due aux photons énergiques. Mais quand cette énergie va baisser jusqu’à un milliard de degrés, ils ne peuvent plus casser les deutérions. Chaque deutérion qui s’agglutine avec un neutron donne l’helium 3 et quand ce dernier capte un proton, on a l’helium 4. Bien sûr la force électromagnétique freine le jeu mais le flou quantique arrange le coup.

Chapitre 13 : Le vol arrêté

Le noyau d’helium 4 en se stabilisant stoppe la marche vers la complexité.

Chapitre 14 : Un noyau d’helium pour 12 noyaux d’hydrogènes

À la 100-tième seconde de l’univers, on a des noyaux d’hydrogène, d’helium 4 et d’infimes traces de noyaux de lithium et deutérium. Tout ça baigne dans un bain de neutrinos et photons. La lumière passe à l’ultraviolet parce que les photons ont perdu beaucoup de leur énergie. Aujourd’hui il n’y a plus que 2 neutrons pour 14 protons. On aura un rapport 1/12 entre l’helium et l’hydrogène. Le 1/4 de la masse de l’univers est fait d’helium et presque 3/4 d’hydrogène. Les éléments lourds dont nous sommes faits représentent 2% de la masse totale de l’univers. C’est la période dite de la nucléosynthèse primordiale.

Chapitre 15 : L’univers lève le voile

Pendant 300000 ans l’expansion se poursuit et l’univers se refroidit à la température de notre soleil. Il y a encore perte d’énergie pour les photons et la lumière jaunit. Les photons ne peuvent plus casser les atomes et la force électromagnétique entre en action en poussant chaque proton à retrouver un électron et à former un atome d’Hy. Chaque noyau d’helium est poussé à s’accoupler avec 2 électrons pour faire un atome d’He. Parce qu’il n’y a plus d’électrons libres, les photons passent. La matière se sépare du rayonnement. Au cours des 15 milliards d’années qui vont suivre, le rayonnement cosmique va parcourir toute la gamme des couleurs pour à nouveau passer dans une zone non visible ; le ciel va devenir noir et brilleront les étoiles qui s’y accrochent.

Chapitre 16 : Le règne de la matière

Du point de vue énergétique, il va y avoir du changement : l’énergie de la matière va égaler celle du rayonnement et même la dépasser (aujourd’hui cette dernière ne fait que le millième de celle de la matière). 

Chapitre 17 : Les villages et les métropoles de l’univers

Nos connaissances vont maintenant être moins précises ! On va commencer l’histoire des galaxies : par la gravité elles se mettent en groupes selon une hiérarchie croissante : paire, groupe, amas, superamas. Notre galaxie fait partie d’un groupe local lequel s’inscrit finalement dans un superamas local.

Chapitre 18 : La tapisserie cosmique : crêpes, filaments, vides et bulles

La loi de Hubble aide à y comprendre quelque chose en rendant possible de « mesurer » la profondeur. Du coup on a observé grâce aux détecteurs électroniques que les superamas de galaxies ont la forme de crêpes aplaties ou de filaments. On a aussi découvert l’immense vide dans l’univers. Ces vides ont la forme de grandes cavités sphériques (bulles) à la surface desquelles se fixent les superamas-crêpes et filaments. Ces vides sont interconnectés comme un grand réseau (éponge) où l’on peut voyager sans jamais rencontrer d’objets célestes.

Chapitre 19 : Les semences de galaxies

La gravité va s’imposer encore plus pour créer dans le désert cosmique des oasis qui échapperont au refroidissement continuel : ce sont les planètes, galaxies et étoiles. Rappelons nous les rugosités qui dans la soupe de radiation étaient des fluctuations de densité. Ce sont elles qui vont donner les arbres-étoiles. Il existe 2 sortes de fluctuations : adiabatiques et isothermes.

Chapitre 20 : Les acteurs du drame

L’excès de gravité associé à l’excès de matière ou de rayonnement contenu dans les irrégularités attire d’autres irrégularités contribuant à la croissance de l’irrégularité originale. Pendant les 300000 premières années, la gravité ne pouvait pas grand chose car dans la soupe les photons et électrons ne passaient pas. Les protons non plus, si bien que les protons et électrons ne pouvaient se rencontrer. De plus dans les fluctuations adiabatiques, les photons en prison pouvaient s’échapper si les fluctuations sont encore petites. Et parce que le rapport photon/baryon doit être préservé, les photons en fuite entrainaient les particules qui composent l’excès de matière, ce qui provoquait ainsi la destruction des in-homogénéités. Les plus grosses seules échappent au fléau. Voici l’instant magique : l’univers devient transparent car les électrons pris dans les atomes n’entravent plus le mouvement des photons. L’interdiction qui frappait la croissance des fluctuations est levée. La matière peut se déplacer librement sans être bloquée par le rayonnement. Les photons ne peuvent plus entraîner les protons et neutrons en dehors des irrégularités. Attention toutefois que l’ennemi c’est l’expansion qui dilue les irrégularités. Mais bon, la gravité a gagné et les irrégularités deviennent tellement massives qu’elles se détachent du flux de l’expansion, s’effondrent sur elles-mêmes en raison de l’immense pression de la gravité : c’est ce qui donne naissance aux étoiles. Elles échappent au refroidissement ce qui permettra à la vie d’apparaitre.

Chapitre 21 : La masse invisible de l’univers

Quelle est la quantité de matière dans l’univers ? Sachant qu’il y a énormément de matière invisible et donc indétectable.

Chapitre 22 : Des univers jouets

On va jouer avec les ordinateurs et les hypothèses sur les conditions initiales. 

Des crêpes trop petites, des germes trop grands
Pour commencer choisissons les conditions d’un univers ouvert où la densité est inférieure à la densité critique, soit 1/5ième (on la choisit parce qu’on observe des objets pour 1/50ième de la masse totale). Ceci respecte la situation des 3 premières minutes de l’univers. Semons ensuite des germes adiabatiques. On dit aussi que les grandes structures apparaissent en 1. Les ordinateurs sortent alors une image pour aujourd’hui. En la comparant à la réalité, ça ne colle pas. Cet univers a besoin de grandes semences parce que sa densité moyenne est trop faible, et la gravité pas assez forte pour faire croître rapidement les germes dans le laps de temps dont on dispose. 

Un univers à neutrinos massifs
Choisissons la densité critique exactement. Il faut ajouter des autres contraintes : la matière supplémentaire ne doit pas être attachée aux galaxies. La matière supplémentaire ne doit pas être composée de baryons. Les astrophysiciens font appel à des particules inventées : entre autre les neutrinos qui auront 2 qualités : pas de masse et interagissant très peu avec les autres particules. C’est ok car ça pallie aux défauts du jouet n°1. Les premières structures y sont bien des superamas mais hélas leur masse est trop grande et les vides sont aussi trop grands, vu la trop grande vitesse de propagation des neutrinos au début (gommant trop les petites structures pourtant bien nécessaires). 

De la matière invisible froide
On peut remplacer par d’autres particules censées être plus massives (qui se déplaçant moins vite laisseraient vivre les plus petites structures). Toutefois on n’en trouve trace nulle part. Mais plus grave : la simulation attribue toute la matière non lumineuse à des galaxies (or on sait qu’elles ne pèsent qu’1/5ième de la densité critique). 

Les premières briques étaient-elles minuscules ?
Les fluctuations choisies sont isothermes. Parce qu’ici il n’y a pas de rayonnement comprimé dans les fluctuations, celles-ci donnent naissance à des structures infimes (qui ne sont pas détruites par des photons cherchant leur liberté) en l’an 300000 de l’univers. Ce sont les amas globulaires. Le problème est de comment passer de structures sphériques aux structures crêpes aplaties + filaments. On vient de découvrir récemment que ces structures globulaires naissent accompagnées de la formation d’une multitude d’étoiles massives qui ne vivront qu’un éclair et en mourant explosent : ce sont les supernovae. Ces explosions provoquent des vides de formes sphérique sur les parois desquelles seraient fixées les galaxies aplaties. Les filaments ne seraient pas dus seulement à la gravité : il y aurait apparition de fêlures sur les formes sphériques, les cordes cosmiques extrêmement denses. On a glané dans ce jeu des univers ordinateurs quelques façons correctes de raisonner mais en partant d’hypothèses. Qu’est ce que ça donnerait de faire l’inverse ? 

Chapitre 23 : L’univers à la loupe

La gravité depuis la 300000ième année a réussi à transformer les fluctuations en des embryons de galaxies, embryons faits d’Hy et He qui vont s’effondrer sur eux-mêmes sous l’effet de leur propre gravité. Cet effondrement échauffe la matière gazeuse la transformant en bulles extrêmement chaudes, les étoiles. Le destin final des embryons galactiques dépend donc de leur efficacité à transformer plus ou moins toute la matière gazeuse en étoiles. 

Des accidents de circulation cosmiques
Les galaxies (galaxies naines, en spirale …) en vieillissant ne conservent pas leur forme d’origine car elles interagissent entre elles, se déplacent très vite et ont des accidents : perte d’étoiles dans les parties extérieures des galaxies, ces étoiles galactiques formeront une mer dans laquelle baignent les galaxies percutées. 

Des galaxies cannibales
Des drames se produisent au coeur des amas ; des galaxies disparaissent dévorées par une galaxie elliptique géante. 

Les premières étoiles
Les galaxies sont nécessaires pour échapper au refroidissement et à la dilution engendrée par l’expansion de l’univers. Le contenu des galaxies liées par la gravité n’obéissent plus et conservent leur chaleur. Mais la galaxie n’est pas assez dense pour permettre la rencontre entre atomes d’Hy et d’He d’un côté et les autres. Les galaxies « inventent » donc les étoiles. Pendant son effondrement, l’embryon de galaxie se fractionne en centaines de milliards de petits nuages gazeux d’Hy et He. La gravité leur donne une forme sphérique puis ces petits nuages s’effondrent à leur tour. La densité s’accroit, la température monte, les atomes Hy et He se choquent libérant électrons, noyaux d’Hy et noyaux d’He… mais il n’y a pas de neutrons libres. Qu’importe ! Les boules gazeuses déclenchent des réactions nucléaires en utilisant les protons grâce au flou quantique (prêts de la BN en attente d’être remboursés). Les unions de protons et d’He libèrent de l’énergie sous forme de rayonnement (remboursement à la BN) : ce sont les étoiles primordiales. Un équilibre en résulte entre pression du rayonnement et gravité.

Chapitre 24 : Une nouvelle chance pour l’univers

Le coeur de l’étoile épuise sa réserve de protons. En se refroidissant la force de rayonnement baisse et n’oppose plus de contre-force à la gravité. L’étoile se contracte sur elle-même, la densité et la température montent. Les noyaux d’He (à partir de la combustion d’Hy) ne s’accouplent pas mais veulent bien se grouper à 3 pour former un noyau de carbone 12. 

Une étoile en pelures d’oignons
La combustion de l’He dure 300 millions d’années. À la fin de cette période, la gravité reprend (le rayonnement a baissé) et la contraction de l’étoile géante rouge fait monter sa température : c’est l’heure de la combustion de carbone produisant du néon, de l’oxygène, sodium, magnesium, aluminium, silicium, cobalt, nickel, phosphore, soufre et fer. À l’épuisement de la combustion de chaque élément successif, la contraction repart en faisant remonter la température et le cycle de production de l’élément suivant démarre. Comme le coeur brûle en diffusant sa chaleur vers sa surface, on constate des différences si bien que les combustions successives laissent des traces en couches. 

Le fer récalcitrant
Il ne peut être utilisé comme combustible. L’étoile meurt. 

Il y a 3 sortes de mort
Selon que la masse de l’étoile est inférieure à 1,4 fois la masse du soleil, une nébuleuse planétaire se disperse et ensemence l’espace des éléments lourds fabriqués dans les creusets stellaires. Selon que la masse est supérieure à 1,4 fois la masse solaire, on distingue la situation inférieure à 5 fois : les électrons n’ont pas le temps de faire de la résistance et l’explosion est plus rapide : les étoiles à neutrons explosent en supernovae (et pulsars). Selon que la masse est de plus que 5 soleils, la gravité va créer des trous noirs

Les bienfaits des supernovae
Le fait d’avoir des noyaux ne suffit pas. Il faut en faire des atomes et pour cela faire jouer la force électromagnétique qui force le noyau à s’unir à l’électron. Or cette union est impossible dans les étoiles. Mais la dispersion des éléments lourds au bout des explosions d’étoiles se refroidissent dans l’espace interstellaire juste ce qui faut. En plus les supernovae donnent au fer le supplément d’énergie qui lui manquait donnant naissance à 60 nouveaux éléments. 

Les quasars
On est dans la configuration productrice de trous noirs. Les étoiles à proximité se déchirent et les gaz des étoiles déchirées tombent à toute vitesse dans le coeur du trou noir. Il s’agit de la brillance des gaz échauffés. 

Les molécules interstellaires
Plusieurs générations d’étoiles se succèdent : à chaque génération, les étoiles massives explosent rejetant la matière gazeuse ensemencée. Pour ce qui est de l’avancée vers la complexité, la galaxie a à disposition les métaux lourds ensemencés et avec ça va essayer de fabriquer des molécules à partir des atomes. Pour ce faire, les nuages sont trop peu denses. Les grains de poussière interstellaire, nés dans les enveloppes des géantes rouges et rejetés dans l’espace entre les étoiles par les vents stellaires, sont mieux désignés pour ce rôle car ce sont de très petites particules et leur noyau est stable. Sur ces grains, terres fertiles de rencontre, les noyaux des métaux lourds s’en donnent à coeur joie en s’essayant à toutes les combinaisons possibles. Des molécules apparaissent : elles préfèrent un cocktail carbone, Hy, oxygène et azote. La nature n’arrive pas à l’étape suivante.

Chapitre 25 : La planète imaginée

Focalisons nous sur une région au bord de la Voie lactée, près d’une supernova. Là où un nuage interstellaire se contracte. La température monte déclenchant les réactions nucléaires : le nuage s’allume et devient étoile : c’est notre soleil. Les conditions du milieu interstellaire sont trop rigoureuses pour la vie. Il faut trouver un berceau plus accueillant : la nature imagine la planète (qui peut être naine, blanche ou noire). Pour la bâtir, la nature se sert des grains de poussière disséminés dans le nuage. Au moment de la contraction, ces grains de poussière s’échappent du nuage ; certains tournent autour du soleil sous la forme d’anneaux ; ils finissent par s’agglomérer sous la forme de 9 corps sphériques avec des satellites (astéroïdes). L’ascension vers la vie sur une de ces planètes
En se refroidissant la Terre crée des cheminées par où la lave en fusion au coeur de la planète exhale de grandes quantités de gaz qui constituent l’atmosphère. Le refroidissement se poursuit et il se met à pleuvoir donnant naissance aux océans. Les orages provoquent des unions et combinaisons multiples entre atomes et molécules qui tombant dans l’eau y font naitre acides aminés, protéines et chaînes ADN. Les molécules en se reproduisant fabriquent les cellules. On connait la suite….. 

Première digression : il est intéressant de faire suite à ces propos avec le résumé du livre de Mario Perniola : le sex-appeal de l’inorganique, 1994, ed. Léo Scheer 

Les résumés des livres de Gilles Deleuze font une introduction à ce point de vue qui fait place à la poésie de Xuan Thuan, révélatrice des sensibilia deleuziens en charge d’un intérêt de la science quand elle rencontre « une vapeur au-dessus d’une lacune » (voir : de la science, deuxième partie du livre : qu’est ce que la philosophie). 

Avec Perniola deux dimensions opposées sont ici rapprochées : la façon d’être de la chose et la sensibilité humaine. Les choses et les sens semblent conclure une alliance grâce à laquelle l’abstraction la plus détachée et l’excitation la plus effrénée sont presque inséparables. L’alliance entre les sens et les choses donne accès à une sexualité neutre qui implique une suspension du sentir. La sexualité neutre émancipe la sexualité de la nature et l’assimile à l’artifice, lequel nous ouvre un monde où n’ont plus d’importance la différence entre les sexes, l’apparence sensible, la beauté, l’âge ou la race. L’homme est quasi-Dieu et quasi-animal. Aux mouvements verticaux s’élevant vers le divin ou descendant vers l’animal, succède un mouvement horizontal vers la chose qui est près de nous, à côté, autour de nous. Le fait est que le vivant palpite et frémit autant du divin que de l’animal, alors qu’il n’y a rien de tel dans la chose, laquelle nous arrive pour comprendre, saisir la complémentarité qu’ont à la fois Dieu et l’animal. Il s’agit d’une altérité bien plus radicale. Jusqu’ici le sentir marquait la limite entre la vie et la chose. Il ne suffit pas de rajouter le sentir à l’être de la chose pour trouver l’humain. Mais qui parle de trouver l’homme ? Il s’agit plutôt de trouver la chose. Une chose sentante semble différente de la chose qui pense ou de la chose qui bouge. La chose qui pense est l’esprit où est essentiellement l’auto-conscience du moi et de l’idée de Dieu. La chose qui bouge est la machine dont le modèle sert à expliquer le fonctionnement des corps vivants tant de l’homme que des animaux. Pour Descartes, le moi est une chose non seulement qui pense mais qui sent, de ce qu’il est lié au corps. Le sentir implique l’union entre l’esprit et le corps, intellect et machine. D’après Descartes, la chose pensante prime toutes les autres, car, par la vertu du penser, elle se découvre comme existante tandis qu’aux autres choses n’est concédé que l’auto-évidence de leur propre existence. Il considère la notion de chose comme synonyme de substance et de fondement. Quant au sentir, celui-ci selon Descartes n’est pas séparable du penser et du vouloir. C’est précisément l’union de ces facultés qui constitue la subjectivité. Et si cette subjectivité ne parvenait pas à saisir le sentir en tant que tel ? La pierre où achoppe le cartésianisme n’est pas l’ignorance du corps ni son rapport à l’esprit, mais l’idée même de chose sentante. Le corps dont fait l’expérience la sexualité neutre n’est pas une machine mais un vêtement, une chose. Se donner comme une chose sentante signifie de demander que les tissus qui constituent le corps de son partenaire viennent se mêler à ses propres tissus pour créer une extension unique dans laquelle on voyage durant des heures et des jours. La différence s’efface et apparaît un vêtement étranger qui n’appartient à personne. Des manteaux sentent. Ils commencent à sentir à partir du moment où ils perdent leur forme de manteau pour redevenir laines et soies. C’est au philosophe qu’il incombe de proclamer la grandeur et la dignité d’une sexualité sans vie et sans âme. Le règne des choses est l’empire d’une sexualité sans orgasme. Offrir son corps à une excitation spéculative insatiable ou impersonnelle qui ne se lasse pas de le parcourir ouvre à une complète extériorité dans laquelle tout est superficie, peau, tissus. Sous l’influence de l’opium, le processus poétique devient l’avènement d’une parole impersonnelle. 

La chose sentante, c’est l’homme. L’homme ne doit pas disposer de son corps à son gré car il n’a pas prise sur lui, il ne s’appartient pas. Qui est donc le maître légitime de mes organes sexuels ? Celui ou celle qui me rend propriétaire des siens. Ceci ne peut survenir que dans le mariage. Kant sait que dans l’appétit d’avoir l’autre comme une chose dont on peut disposer à plaisir, est implicite un principe de dégradation de l’humanité. Il y a un excès, irrespectueux de sa propre liberté et de celle d’autrui, qui les rend semblable à l’esclavage et à la dépendance de cette drogue. À cause de cet excès, il est temps de voir le mariage et l’université du côté du mal plutôt que du bien, comme remèdes aux convoitises sexuelles et cognitives. Chez Kant, il y a un problème irrésolu. Comment définir le mariage comme un contrat ? Comment puis-je donner à quelqu’un d’autre par le biais du contrat quelque chose dont je ne suis pas propriétaire ? Pour pénétrer le territoire anonyme et impersonnel des choses sentantes, il faut savoir dire « fais de moi ce que tu veux » et être transporté à l’idée d’assister à la transformation de la personne en une entité inerte et opaque, qui est pourtant suffisamment réceptive et sensible pour percevoir la plus infime carresse régner sur elle comme sur les vêtements de son armoire. Mais attention, la sexualité neutre n’a pas ce qui est au fondement du sadisme, à savoir d’être constituée d’un sujet fort et autonome, indépendant et maître de lui, qui s’affirme et triomphe dans la pratique de la négation et des destructions démesurées. Ce n’est pas moi qui commande, c’est l’ordre des choses qui l’exige, le monde des choses. Les rapports que le sadisme entretient avec la politique ne sont pas moins complexes que ceux qu’il entretient avec l’économie. À partir du moment où le personnage sadique prend la forme de l’infirmière qui calme la douleur et le mal de vivre, nous entrons dans la dimension la plus profonde et la plus inquiétante du monde sadique. Il devient dispensateur d’un remède qui tempère seulement le supplice infini de l’existence. Peut-être est-il temps de soustraire l’euthanasie au point de vue déprimant d’un mal mineur. Si le sadisme criminel est l’affirmation extrême du sujet individuel, celui qui consent est le sceau du pacte d’alliance qui crée le sujet collectif. Seule la philosophie nous introduit dans l’expérience impersonnelle et neutre de la chose sentante, soustrayant la sexualité au vitalisme et au sadisme. Elle ne déclare pas « je sens » ou « nous sentons » mais « on sent » ; pour qu’une chose puisse exciter infiniment sans conditions, elle doit provenir de quelque chose d’aussi infini et inconditionnel. Si l’on est sur le plan empirique, même la mort ne saurait constituer la garantie d’une expérience de l’excès. La sexualité s’allie à la philosophie pour sortir de l’impasse où le sadisme la mène, non seulement comme volonté criminelle du sujet individuel mais aussi comme volonté suicidaire du sujet collectif.  Les choses qui sentent n’ont pas besoin de s’unir dans un projet de mort pour être sûres d’être ensemble. 

La transformation du sujet en une chose sentante semble faire partie d’un imaginaire de science-fiction où l’organique et l’inorganique, l’anthropologique et le technique, le naturel et l’artificiel, se superposent et se confondent. La sexualité neutre suspend l’homme en une virtualité différente tant du donné réel que de l’imagination. La sexualité neutre n’est ni humaine ni non humaine, elle est éventuellement post-humaine, dans sa volonté de faire coïncider la virtualité maximale avec l’effectivité maximale (l’argent), dans son irréductible tendance à l’expérience excessive. Elle radicalise une chose qui est déjà, en la préservant, en la conservant, en lui donnant une stabilité sans comparaison possible avec le donné naturel. La virtualité diminue la dimension de précarité du réel. Les choses virtuelles sont constamment à disposition. Il y a au moins deux modes philosophiques de sentir son corps en tant que chose. Le premier perçoit chaque organe en le séparant de l’unité du corps. La nature cornée des cheveux procure parfois une sensation d’inorganique, mais en même temps, ils n’ont de cesse de sortir de la peau de la tête de sorte que l’absence de la vie de la chose s’accompagne de l’expérience d’une puissance abstraite. Ici il y a désexualisation d’organes sexuels et resexualisation d’autres organes. La seconde modalité est le corps sans organes. Défonctionnarisation du corps entier, lequel n’est plus  perçu comme une machine mais comme une extension que rien ne sépare du corps du partenaire. Rien ne vaut la peine d’être vécu si ce n’est cette poursuite illimitée de cet état dans lequel sont supprimés tous les besoins et tous les désirs. Et c’est ce prêt, c’est « le fait que tu ne le donnes pas à moi mais à un cyborg anonyme et impersonnel, dans lequel nous entrons ensemble », qui nous détache du besoin de courir vers l’orgasme. Il y a une troisième modalité qui naît de la privation sensorielle simulée. Par le biais du toucher, unique porte sensorielle restée ouverte, vous compensez une énorme déficience par une application immense à ce qui vous est donné. Vous êtes une chose sentante qui ne favorise aucun acte mais qui se dilate pour accueillir avec zèle tout ce que votre partenaire parviendra à vous offrir. On ne peut entrer dans la sexualité neutre tout seul, mais il ne s’agit pas d’inter-subjectivité mais d’un rapport d’interface, c’est-à-dire intervenant entre des quasi-choses. Pour Kant le respect ne se réfère qu’aux personnes et pas aux choses. Assimiler l’être humain à une chose est une manifestation du mal radical. Le point de départ de la réflexion kantienne est la distinction entre la chose en soi et la chose par rapport à nous, à savoir le phénomène. Seule la connaissance du second est possible car elle passe par les formes subjectives de l’intuition (espace et temps) et par les catégories de l’intellect. La chose en soi n’a aucun contenu déterminé. Le problème moral devrait alors se greffer du côté de la subjectivité et du phénomène. Or Kant fonde la doctrine morale sur l’homme considéré en tant qu’en-soi, donnée inconditionnelle que l’on ne peut déduire d’éléments précédents. Une limite apparaît pourtant. Si la volonté ne pouvait se soustraire à l’impératif, l’homme serait un saint. Ce qui frappe dans la morale kantienne, c’est le manque de considération pour le plaisir, la douleur, le désir et la peur. Ceci implique l’humiliation du sujet et l’élévation de la volonté qui le prouve. Être une chose en-soi ne signifie pas avilir l’humanité mais la délivrer de l’angoisse du monde empirique. Le plus étonnant c’est l’ambiguïté énigmatique des notions de liberté et de respect dans le sentir moral et le sentir sexuel. Dans le premier, l’indépendance par rapport au monde du phénomène est conquise au prix d’une sujétion totale à l’impératif catégorique. Dans le second l’autonomie vis-à-vis des intentions instrumentales contient une obéissance inconditionnelle à des pulsions neutres et impersonnelles qui imposent de recourir au corps comme un chose. Il est aisé de voir la contradiction entre l’extériorisation, l’aliénation implicite dans le fait d’être une chose d’un côté, et le repli sur soi inhérent à la notion de personnalité, de l’autre côté. Le rapport masochiste est institué par un libre accord. Ce qui assimile le masochisme à la sexualité neutre est la volonté de se donner de manière absolue comme une chose sentante. Il semble au masochiste que la meilleure façon de vaincre la fragilité de la jouissance et son inconsistance, soit de la donner pour déjà finie, se plaçant après le désastre. Il anticipe t n’attend pas que la passion se transforme en hostilité. La souffrance physique constitue un point d’appui extérieur, une médiation, un lieu de transit à travers lequel passent à la fois la sensation corporelle, l’humiliation psychique et la conscience intellectuelle de sa propre supériorité morale. Le masochiste se meut le long d’un axe vertical qui relie la dignité et la splendeur de commandement à la bassesse et l’abjection de l’assujetissement. La sexualité neutre est horizontale : ce monde ne naît pas de la contradiction entre excellence et abjection mais de l’acceptation inconditionnelle de l’espace illimité ouvert par la disparition du sujet.

L’habit est subordonné à la beauté du corps ainsi qu’à son attrait sexuel ; or la véritable opposition ne réside pas entre l’âme et le corps, mais entre la vie et le vêtement. Un principe vitaliste qui empêche de sentir le corps comme une chose est à la base de l’idéologie moderne de l’émancipation des sens et de la libération des corps. S’y excite alors un artifice émancipé de toute référence ; on entre dans le look. Pour Hegel la certitude sensible existe d’autant plus qu’elle est abstraite et universelle. Dans le ici-et-maintenant du senti immédiat, le donné ne fait que disparaître sans cesse pour être constamment remplacé par una autre donné. Le corps que je tiens serré dans mes bras est plutôt un « pas ça », il se soustrait à toutes les déterminations spécifiques. J’accepte la pleine responsabilité qui en découle. Son existence ne se concrétise pas en un objet mais déborde en avant et en arrière, à droite et à gauche, elle s’étend ; il passe, ce corps, à l’état de mon corps, transite en une universalité vide et extérieure. Je n’ai pas à me poser en une unité, en identité ou en sujet. Mon moi n’est pas plus essentiel que la chose que j’étreins. Sous cet aspect, la sexualité féminine semble plus proche de l’essence de la chose que la sexualité masculine. Il s’offre comme la reproduction miniature du monde entier, d’un paysage fait de fragments qui tantôt sentent et tantôt ne sentent pas. En sorte que l’indication de l’endroit qui est ici-et-maintenant sur le point de sentir, soit en même temps démenti de ce qui sentait un instant plus tôt et ne sent plus maintenant. Si je dis « pas ça », c’est parce que la vivacité de cette âme ne m’intéresse pas, ni la beauté de ce corps mais seulement l’universalité abstraite de la chose sentante. Sans s’arrêter à une quelconque détermination, il s’agit de persévérer à se donner comme chose universelle qui est ici-et-maintenant de tout sentir et tout faire sentir. D’un côté le fétiche est une caricature du sex-appeal de l’inorganique dont il offre une version grotesque et extravagante, de l’autre, il cumule les propriétés qui éclairent le cœur de ce lien entre philosophie et sexualité, qu’il n’est possible de saisir et de développer pleinement qu’aujourd’hui. À la différence de l’idole qui est représentative, le fétiche ne représente rien. Le fétichisme est le triomphe de l’artificiel qui s’offre de façon effective dans sa nature arbitraire.  Il transite d’entité en entité en investissant de son implacable universalité réifiante, de son abstraction infiniment tangible, plantes et animaux, hommes, pierres, sons, couleurs, saveurs, sensations, expériences, idées, sentiments ou passions. Le choix accompli par le dispositif fétichiste est purement accidentel. Le fétichisme est fait de mépris plus que d’admiration à l’égard du monde naturel. La vénération inconditionnée qu’il porte à une entité accidentelle est tellement illégitime qu’elle révèle son irrévérence envers l’ordre et l’organisation du cosmos. Arbitraire, extérieur, Kant oppose le fétiche à la foi morale, proche à la fois de la magie et de la théocratie ecclésiastique. Mais en même temps pas de la magie et pas une religion. Il y a ici en effet attrait pour de telles pratiques exercées en soi, indépendamment de leur utilité. Le fétiche est la négation d’un symbole et d’un totem. Il consiste dans l’insubordination de la chose vis-à-vis de l’organisme vivant, du système et de la structure qui prétendent l’englober. Il est un reste, un caput mortuum, totalement insignifiant et secondaire par rapport au fonctionnement de la société. La marchandise, c’est être autre chose que ce qu’elle est, c’est être quelque chose pour quelque chose d’autre. Cela la rend plus philosophique et plus sexuelle de sorte que la socialité prend l’aspect d’un rapport entre choses plutôt qu’entre sujets.  Ce n’est pas tant l’énigme fétichiste qui intéresse Marx que ce qu’elle voile à savoir l’exploitation dans le travail. Tout est une abstraction effective, opérationnelle et sensible. La philosophie sans la sexualité révèle l’énigme de la marchandise mais elle n’est pas en mesure de l’aimer en tant que tel et s’étiole par conséquent en savoir triste et mélancolique. La sexualité sans la philosophie reste enfermée dans les contradictions du fétichisme, donc incapable de passer de la nature à l’artifice. Marx a aussi parlé du capital financier. La monnaie : le fétichisme économique ne parvient pas à penser la marchandise et l’argent comme des choses : ce sont des divinités ou des monstres, quelque chose de mort. Freud. La psychanalyse accentue encore ça car elle le considère comme le substitut de quelque chose qui n’existe pas, entité purement imaginaire, le pénis féminin. Le fétichiste s’excite par le fait d’être senti par une chose à laquelle il attribue le sentir de son amante, laquelle est donc virtuellement exclue de l’expérience. L’amour fétichiste m’ouvre à une réification du cosmos entier, dont le corps que j’enlace et que je pénètre, est pour ainsi dire le substitut irremplaçable.  La suspension de tous les buts, l’annulation du monde sensible et la disparition de la subjectivité aboutissent à des résultats opposés à ceux que l’on atteint par le biais du mysticisme. Elles mènent non pas à l’union avec la source originelle mais à la dépendance avec le substitut. 

L’essence de la musique, c’est le son ; renvoi à la matérialité des corps célestes chers à Pythagore. La musique est en fait une sorte de parole non parlée et non vivante, quelque chose de similaire à un dieu pétrifié et transformé en chose. La libération des liens aux différents genres, la décision de mélanger en une expérience totale les formes les plus diverses, la volonté de provoquer une excitation artificielle différente de tout ce qui est offert par la nature, font du rock progressif un modèle. Comment ce qui est bigarré, fragmenté, non composé en une unité organique et cohérente tient ensemble et ne se dissout pas en un amas informe et privé de sens, c’est à cause du magnétisme. Si cette force tonique, implicite dans l’univers des choses, n’existait pas, peut-être que le monde s’émietterait. Le rapport sexuel ne réalise ni n’accomplit une unité et ne satisfait jamais un besoin. La philosophie et la musique sont une espèce d’assurance de cette continuité qui permet aux amants d’être toujours plongés dans le champ magnétique et l’attraction réciproque. Affaire d’innovation technologique, électronique. En philosophie les notions de présence spatiale, d’ouverture et de réseau ont mené à une topologie ontologique, dans le but d’assigner à la technique une reconnaissance et une appréciation bien plus grande que les philosophies spiritualistes centrées sur l’expérience du temps vécu. Perspective non de précarité mais de disponibilité de jouissance immédiate, ouverte par une possibilité d’accéder sans attendre à une offre spatiale toujours virtuellement présente. L’âme et le corps ne parviennent à se constituer dans leur identité qu’en se soustrayant définitivement au magnétisme de la cohésion inorganique, qu’en cessant justement d’être des choses pour devenir esprit et vie. Le sentir neutre est une espèce de dévolution à quelque chose de complètement extérieur : cosmos, appareil technologique, culture ou marché. Pour Hegel le magnétisme est une fiction qui entrave l’expérience authentique de la chose. Porosité fondamentale, sorte de vacuité radicale qui s’offre à une pénétration sans fin. Comme s’il était inhérent au fait d’être chose, de faire de la place, à se donner à la pénétration d’autrui et de s’offrir à pénétrer dans les interstices. Le lien qui relie les pénétrants aux pénétrés reste superficiel. La jonction ne cesse d’être extrinsèque. Ajout d’éléments toujours nouveaux. Dans toutes les parties lisses et compactes, s’entrouvrent des trous où s’introduire et se laisser introduire. Il devrait aussi être possible de les recomposer et de les rassembler à l’infini jusqu’à en faire une chose unique. En procédant par extension et non par exclusion, mon rapport pénètre toujours dans quelque chose d’autre. De même une pensée poreuse ne se situe pas à l’intérieur des limites méthodiques sûres et devient littérature, théorie de la société, histoire des idées, sexologie, philosophie. Un être poreux a sa propre essence dans un autre, il existe pour lui tant qu’il existe pour un autre. Jamais la démarcation entre intérieur et extérieur, privé et public, jour et nuit, veille et sommeil, n’est définie avec exactitude. La manière d’être italien se colore avec une empreinte mauresque et baroque. Depuis l’époque de la Rome antique, la culture italienne est pénétrée de stoïcisme, unité du réel. La porosité garantit la consistance, la compacité et la continuité de la réalité. Ce qui constitue un corps n’est pas sa visibilité ou sa forme, mais sa tactilité. Il existe une seule chose sentante et elle est l’univers. L’activité principale du vampire est d’absorber, sucer, boire le sang de ses victimes. Le vampire est un être à mi-chemin entre la vie et la mort. Ils n’ont plus rien à craindre parce qu’ils ont déjà connu ce qu’il y a de plus redoutable. Ce qui rapproche tous ces rescapés c’est la pénétration d’un autre univers. Il comporte la dissolution de l’identité subjective,  dans la fixation sur un objet secondaire qui sollicite une attention continue. Ce qui compte est après la peur et après la souffrance. On entre dans une sorte de léthargie, de catalepsie, quelque chose d’indéfinissable et de poreux que nous sommes devenus. Co-appartenance réciproque de la vie et de la mort comme dans la période baroque. Quant à mon amante, elle serait transformée en une étoffe, palpée et modelée simultanément de deux côtés, en une chose privée d’intérieur, sentant dans sa moindre parcelle. L’expérience contemporaine de l’espace se présente sur un modèle dynamique qui projette le sujet hors de lui, comme le prolongement de conformations géologiques de la croûte terrestre. L’architecture existe avant l’activité humaine, modelée sur la base d’événements sexuels. C’est un glissement incontrôlé qui par le biais de la mutation perpétuelle de son cadre perceptif, change continuellement ce qui se voit. Cette architecture permet d’expérimenter la continuité de l’espace, le mélange et le croisement de toutes les choses entre elles, la porosité et la tactilité du réel. Vision du monde où hommes, plantes, bâtiments sont réunis du fait d’être des choses, des entités inorganiques qui pourtant sentent, qui pourtant sont dotées d’une immédiate capacité réactive. La déconstruction est l’émancipation de la philosophie de l’édification, c’est-à-dire de ce devoir de fondation et de légitimation de l’organisme social qu’elle a fait durant des siècles. Philosophie et architecture sont enfin autonomes puisque leurs services ne sont plus requis : elles peuvent enfin se lancer dans les expériences inorganiques qui les relient à quelque chose de bien plus important et bien plus vaste que la médiation et l’administration des acteurs économiques. La notion de paysage tire de sa provenance géographique une impersonnalité qui fait de tout une abstraction du point de vue subjectif. Ce n’est plus l’homme qui sent le paysage car il en fait lui-même partie. Les personnes n’appartiennent plus à elles-mêmes mais à l’endroit où elles se meuvent. C’est à la technologie qui représente une extension des sens humains qu’est confiée la tâche de percevoir.

Après l’indétermination et la porosité, la troisième caractéristique de  l’inorganique, c’est que la chose n’a pas un intérieur discernable de son extérieur ; ils se posent enfin au-delà du vrai et du faux. Pour Hegel, ceci est tout le contraire de la vie, de la conscience de soi et l’existence pour soi. Le vivant a trois caractéristiques : la sensibilité, l’irritabilité et la reproduction, alors que le devenir inorganique est un passage du même au même. Le devenir du vivant est un processus, un mouvement défini par l’irréversibilité temporelle. La chose ne peut accueillir et garder en elle quelque chose qui lui vient de l’extérieur, car elle est toute en une seule fois, de sorte que son sentir ne se répercute pas dans quelque chose de plus intime ; c’est le détachement des passions (Sénèque). L’irritabilité est un rapport d’allergie. Et la survie dépend de l’assujettissement du monde inorganique. La notion de tonus est une façon de donner son accord à quelque chose qui fournit une expérience bien plus riche et plus intense que celle qui résulte de la conscience de soi. Quant à la reproduction : l’être vivant qui constitue le double du sujet est néanmoins toujours un autre individu indépendant. Cette contradiction peut être vécue dans la douleur ou sans douleur, avec l’accès au comique. Dans le monde des choses sentantes, la reproduction est séparée de la génération, par clônage. Le sperme ne fait pas partie de l’homme, c’est une façon de sentir qui s’impose à lui absolument, qu’il ne peut ni fuir, ni solliciter, ni dominer. Le sex-appeal de l’inorganique est une sexualité sans désir que nous ne pouvons commencer à sentir que quand les obstacles provenant des élections subjectives tombent. Celles-ci avec leurs appétences spirituelles et leurs vies organiques barrent l’accès au parcours sans fin de la chose sentante. Le désir est connexe au voir et au faire, il lui manque le sentir. La sexualité inorganique est semblable à une excitation assouvie et implique une réciprocité, un sentir commun entre les partenaires qui s’y engagent, voire une sorte d’enthousiasme intellectuel, d’éréthisme cérébral et d’extrémisme conceptuel qui dérivent de la philosophie. Contre le zen, le sexappeal consiste plutôt à se faire monde, à abolir la distance qui sépare l’homme de la chose. Contre Georges Bataille, il faut faire place aux cyniques. Le sexappeal de l’inorganique est plus un après-désir qu’un non-désir. Sartre insiste sur l’incarnation, mais dans la perspective de la chose sentante cela n’a pas de sens ; parler de chair, c’est parler de quelque chose de corruptible alors que la sexualité neutre ne l’est pas. Après musique et architecture, abordons le tableau et la sculpture post-humaine. Deux mouvements ont fait se rapprocher la peinture de la chose sentante : la problématique de la collection et l’horizon ouvert des installations, grandes expositions itinérantes, art en tant qu’interface d’opérations culturelles complexes. L’acquisition d’un œil photographique consiste à se soustraire à l’attitude naïve qui privilégie uniquement le rapport entre l’image et la réalité représentée. On entre dans une sensibilité poreuse qui dissout l’œuvre à travers une addition illimitée. L’installation est un happening de choses où les protagonistes, condensés d’informations et de messages, nous envahissent et nous submergent ; c’est l’installation qui sent le visiteur ; on y va pour y être joui par l’art. Heidegger ne cherche pas l’être dans l’esprit ni dans la vie mais dans la chose. Penser la chose est donc sentir la chose sans pour autant que ce sentir soit empreint de désir ou de peur pour elle. C’est excessif  et renvoie à l’imagination technicienne. Il ne faut pas confondre la chose avec l’objet de la représentation. Elle n’a rien à voir dans le fait qu’elle existe avant et indépendamment du sujet. On est dans une recherche d’expériences-limites qui élargissent aux horizons du sentir et du savoir. Dire que la chose est solidité et fiabilité signifie plier tout le champ sémantique conceptuel qui tourne autour de la notion de foi, de l’humanisme subjectiviste, dans une direction fondamentalement terrestre. La Terre s’oppose au monde entendu comme le toujours in-objectif, comme toujours ouvert et dangereux. L’homme et le monde sont plus concernés par le néant que par l’être. La modernité est une anthropologisation de l’être, l’accomplissement du projet qui place l’homme au centre du monde et le rend seigneur de la terre. C’est une ontologisation de l’homme et par conséquent l’entrée de son aspect à première vue le plus subjectif et le plus empirique (celui du sentir sexuel) dans le territoire impersonnel de l’être-chose ; mais ici il n’y a pas d’accès à la notion d’abandon. Et si les sexes n’étaient pas deux ? Le sexappeal de l’inorganique ne se situe ni dans une perspective harmonieuse qui considère l’unité comme fondamentale, ni dans une perspective dualiste qui attribue une signification décisive à la duplicité entre le masculin et le féminin. Or la chose, qui n’est ni âme ni corps, ne se rassasie pas : son sentir sexuel est infini et grâce à cette infinité, il s’étend à toute forme d’art et de culture en une sorte de pan-sexualisme neutre. C’est l’abstraction qui change l’objet en chose. La théorie de la division à l’infini oppose Aristote aux stoïciens. Tout le réel est compact, continu, non divisé par une pluralité de formes fermées sur elles-mêmes et séparées les unes des autres. Par la consistance et la contiguïté, à l’intérieur de chacun de nous, il y a les deux sexes, eux-mêmes divisibles encore en deux, et l’on passe de l’un à l’autre par transit, sans rupture, du même au même. Il n’y a pas à s’appuyer sur des noms et des formes mais sur des choses et des nombres. Mouvement d’auto-réflexion est bien le rapport entre langage et sexualité. La poésie de la poésie, le roman du roman ont procédé selon un mécanisme d’exclusion qui a chassé les matériaux linguistiques hétéro-référentiels qui étaient étrangers à la pureté de son intention. On en arrive à une désexualisation comme chez Beckett. Voir une entité qui reste inchangée tantôt comme une chose, tantôt comme une autre, le langage est par excellence le lieu de cette équivoque. Visions et sensations, je vois, je perçois, je sens la même chose de manière différente de celui chez qui je la sentais, voyais, percevais auparavant, sans qu’un changement soit rationnellement compréhensible. Si j’attribue une importance déterminante à l’aspect mental de la perception, à son organisation formelle, je ne verrai plus quelque chose comme quelque chose, mais comme une absurdité. Le sentir commun est aveugle au flamboiement, comme certains sont aveugles ou n’ont pas l’oreille musicale. La pensée est un sentir et pas un discours. Là où j’en arrive, tout est changé. Il y a deux théories psychiques sur les modes du sentir : la théorie spiritualiste et la théorie comportementale. Mais pour Wittgenstein, sur la question de la douleur, si je me pétrifie, j’accède à un type d’insensibilité qui est au-delà de la douleur. Peut-être sentir trouve-t-il aussi peu de correspondance ou de compréhension chez les autres êtres humains que dans une poupée ? En quel sens la pierre aura-t-elle des douleurs ? Et pourquoi faut-il que la douleur ait absolument besoin ici d’un support ? La sensation aurait un primat sur celui qui se l’attribue. Si on veut désubjectiver le sentir, il faut suspendre les quatre passions fondamentales : le plaisir, la douleur, le désir et la peur. Tant que je reste dans la sexualité organique, je sens des choses familières. Mais toutes ces formes du sentir sont des représentations mentales ou des comportements standardisés dont la sincérité est très douteuse. Elles sont des non-choses à travers lesquelles on a l’illusion de comprendre et de communiquer. L’entrée dans le sexappeal de l’inorganique semble accompagnée d’une lueur comme vient sur les lèvres le mot juste. Ce n’est pas l’art mais la sexualité seule qui peut nous faire voir et sentir la chose en tant que chose. Il y faut une condition : « comme un flottement devant les yeux ».

Aristippe, les Cyrénaïques. L’expérience du monde ne nous donne aucune certitude et l’activité autonome de l’esprit n’est pas moins un leurre. Il n’y a qu’une chose sûre : le fait de ressentir plaisir ou douleur. Nous faisons référence à notre corps, il ne nous trompe pas. C’est parce qu’ils ne dépendent pas de la sensation qui peut induire en erreur, mais d’une sorte de toucher intérieur infaillible. Le plaisir a un surplus de réalité par rapport à la douleur. Bien qu’étant par définition corporel, il ne peut être déterminé et désigné de manière empirique, et il demeure une expérience essentiellement philosophique liée à la connaissance et à la vérité. On parle ici d’un plaisir propre : Hégésias va plus loin en disant que la plus grande intimité avec soi-même ne peut se trouver que dans la mort. Dans le secret paisible de la tombe, notre corps s’adonne enfin à la jouissance éternelle de soi. Et acquiert pour l’éternité la possession de la vérité. Le plaisir est la chose la plus intransitive qui soit. Les Cyrénaïques disent : la philosophie n’a rien à voir avec le plaisir et surtout que cette expérience soit évitée ! Socrate et d’autres paradoxalement sexualisent le plaisir. Pour Aristote, la grande stratégie philosophique est la désensibilisation du plaisir. Elle est la disposition conforme à la nature, non entravée par les sens. Il peut exister un plaisir en dehors des sens. Le corps a une activité qui atteint la perfection dans le plaisir mais là, il faut distinguer l’aspect négatif de réponse à un besoin, de l’aspect positif d’exercice d’une activité. Le primat ontologique est celui de l’acte sur la puissance, de l’agir sur le subir, de la forme sur la matière, de l’âme sur le corps, de l’homme sur la femme, du penser sur le sentir, du maître sur l’esclave, de la santé sur la maladie. Pour Epicure, il faut partir des dieux qui sont des surhommes. Si nous devons penser correctement la nature du plaisir, il faut prendre en considération leur façon d’être et de sentir. Ils ne sont impliqués dans des occupations d’aucune sorte, ils jouissent de leur sagesse, dans la quiétude, l’absence de troubles, l’absence de peurs et de douleurs. Je préférerais devenir fou que de ressentir du plaisir : un théâtre expérimental est véritable action mais aussi événement unique et qui donc exige d’être fixé sur vidéo. Il y a à témoigner de quoi ? Performer à côté de la sainteté et de l’athlétisme. Ce n’est qu’à l’entrée où est tombée la barrière entre le sacré et le profane, entre l’esprit de compétition et une expérience para-sportive extrême, que le processus va à son accomplissement. Dépassement de l’esprit incarné, dépassement du corps vivant, voilà pourquoi un corps handicapé est nécessaire, car ce qui est appelé c’est l’excitation de stimuli inadaptés. Il faut ici se débarrasser des métaphores

Deuxième digression : Daniel Sibony : un cœur nouveau – Ed Odile Jacob, 2019

Dans un souci d’éclaircir le paragraphe ci-dessus mettant en exergue le rôle de l’handicapé, il me semble utile de présenter une seconde annexe.

Passer par une opération du cœur amène avec elle un enjeu tel que se trouvent sollicités des pouvoirs para-normaux, dont témoignent les médecins et leurs patients au cœur des services de soins intensifs.  

Prologue 

Ezéchiel 36, 26
Comment s’exprime l’âme du patient dans cet état-limite? Car il s’agit, dans une opération à coeur ouvert, d’une étrange perte de vie. 

Corps ouvert 

Technique : on coupe le sternum et on écarte la cage thoracique ; on vide le lobe de poumon qui cache le coeur ; on remplit le poumon écrasé d’un produit qui protège les alvéoles de tout dessèchement et on le met hors course, remplacé par un respirateur artificiel ; on vide le coeur de son sang qui est dévié sur un appareil extérieur appelé CEC ; le coeur est rempli de potassium qui l’arrête, le protège, le maintient « intact ». Opération d’une valve – il y a à parler de la suture d’une valve biologique en remplacement de l’ancienne : les points de couture se font à une distance de moins d’un millimètre…la nature bouchera les vides. 

Psy : il y a transgression de la barrière dedans-dehors. Ceci questionne le regard porté sur l’intérieur du sujet, son intimité est-elle violée ? Les cellules sont toujours vivantes mais qu’en est-il de la vie globale, c’est une vie qui ressemble à la mort. Plus rien ne vient perturber ou troubler le sujet, ni physiquement, ni mentalement : c’est comme 2 absences qui communiquent.
Spinoza dit que l’âme et le corps c’est la même chose, dans 2 langages différents. Descartes ne dit pas exactement qu’il s’agit de 2 entités distinctes puisqu’il dégage un tiers état, si bien que c’est 2 entités reliées, les rapports entre les 2 mettant ces 3 choses sur un même plan. 

Une mort étrange 

Technique : on arrête le potassium, remplit le coeur de son sang à partir du CEC et le coeur repart après quelques ratés. L’impulsion cardiaque s’auto-alimente de l’électricité nécessaire. On remplit le poumon pour qu’il re-fonctionne dans le lobe remis en course. On referme la cage thoracique et on colle le sternum. 

Psy : le corps est vivant sans qu’il respire et sans que son coeur batte. À la fin, est-ce que le coeur, pour repartir, a-t-il retenu durant une demi-heure ou même 5h son savoir-faire ? 

Symphonie chirurgicale 

Technique : le couple coeur-poumon c’est un rayonnement d’énergie. Chaque organe a son langage propre et pourtant ses effets sur l’accord de l’ensemble a été suppléé par des machines côté coeur et côté poumon conservant cette symphonie du vivant.
Le coeur supporte de nombreuses agressions comme des drains, des coupures, des sutures, des ablations, des greffes. 

Psy : la peur que ça ne reparte pas existe : est-ce que la vie du patient voudra répondre à l’appel de la vie ? Et le pourra-t-elle ? La décision pourrait se passer dans un circuit hors de notre conscience ou même dans un circuit extra-mental : « ça » veut vivre.
Si une machine remplace un organe, celui-ci est plus qu’une machine. On pourrait dire que ce que le coeur ne supporte pas, c’est un patient qui se fait du mauvais sang : ici il faut rajouter le rôle du cerveau, de la pensée (on y viendra). La vie supporte beaucoup et s’en remet. 

Nature bienveillante 

Technique : la Nature fait appel à une aide car une petite déviation topologique, dans le fonctionnement normal, a fini par créer une catastrophe. La coupure-lien (les 2 opérations topologiques) est au coeur du problème : la nature a besoin d’aide, la technique nomme la catastrophe mais cette nomination déborde l’acte technique. Il a été nécessaire de délier ce qui a été mal noué et relier à la vie d’avant. Ce qui déborde c’est la vie qui n’est pas qu’individuelle. La génétique est convoquée pour rendre compte des maladies cardiaques, comme la cause de la mort des parents. 

Psy : il y a toujours des implications psychiques mêlées aux gestes techniques car il y a un travail psychique à faire avant, pendant et après l’intervention, entre autre par rapport au choc de ce qui s’apparente à un meurtre. 

Où était la vie avant de revenir ? 

Technique : dans le cerveau où les neurones irrigués pensent et travaillent ou alors supportent une pensée inconsciente ?


Psy : et si ce n’est pas ça, on dira que le cerveau ne travaille pas, qu’il est en suspens faute de corps car une pensée a besoin de corps pour exister ; sinon ce n’est que de l’activité neuronale (de l’intelligence artificielle). À faire jouer quelque chose, ici on fera appel à la mémoire mais cela pose la question de l’immortalité : ainsi de ces micro-organismes en veille pendant des centaines, milliers d’années faute des conditions nécessaires pour fonctionner et qui re-fonctionnent quand les conditions reviennent. Le coeur alors est une retenue de temps qu’il délivre quand la revascularisation relance les battements.

Plainte et / ou impulsion 

Technique : il y a le couple coeur-cerveau. Le coeur est le siège des émotions et celles-ci engendrent des pensées. Le coeur travaille avec ces pensées car il est en charge de conjurer les angoisses. L’anesthésie prive-t-elle le coeur de pensée ? Et ce n’est donc pas rien le travail de réanimation dans la phase de réveil. Car de lui dépend ce qu’on appelle l’impulsion (on y reviendra). 

Psy : et si je ne me réveillais pas parce que je ne le mérite pas ; c’est là le contenu du livre Coeur ouvert, écrit par Elie Wiesel. 

Fourchette au poing 

Technique : le chirurgien fait le tour des patients. Il y a un drôle d’échange parce que pour les patients cet embryon de conversation : comment ça va ? …Ça va Monsieur le docteur… Vous verrez ! Ça ira… est un retour au pacte de vie, au b-a-ba des échanges sociaux au matin de la vie. 

Psy : mais c’est tout aussi important pour le chirurgien parce que pour lui, il a à se réassurer qu’il n’en perd aucun en cours de route.

Jusqu’à se déchirer l’aorte 

Technique : il a un coeur artificiel, le temps de trouver un coeur de remplacement… et cela a duré 8 mois avec un tuyau qui le relie à son CEC sur roulette et rechargé par des batteries toutes les 6 heures. Un autre à l’aorte déchirée. Un autre ne veut pas qu’on lui envoie une camera dans les artères parce qu’il pourrait avoir des caillots à dissoudre. Un autre a des hallucinations à cause de la morphine, suite à un triple pontage et 11h endormi. 

Psy : quelle est cette blessure de l’âme qui peut entraîner un infarctus sur la voie centrale ? De quel droit intruserait-on par une sonde camera alors qu’après tout l’inconscient peut bien dissoudre des caillots ? Quand les hallucinations imposent des textures style papier peint, il est bon de s’entendre dire que vous avez en tout cas une belle texture psychique sur la structure corporelle. Et c’est ainsi : le corps dialogue avec des pointes de savoir qui savent très peu sur le reste et c’est à lui, le corps, de se relever et de se tenir entre savoir et insus.

Cerveau-sang

Technique : le cerveau est-il en position de maître ? Sans doute puisqu’il est ouvert sur l’infini de la pensée via la mémoire, le langage, le jeu des images et des traces…il domine donc le reste. Mais qu’est-ce ce reste ? Le sang et la chair. Il y a irrigation par un flux aller-retour renouvelé par l’oxygène et le digestif. Donc les 2 grands pôles cerveau-sang sont connectés et chacun a sa constellation propre. Le cerveau organise, structure dès lors qu’il reçoit le sang à la bonne pression, avec ce qui faut d’oxygène et de nutriments ; d’autre part, il envoie dans le corps des ordres et pensées qui font vivre ou pas (se faire du mauvais sang). 

Psy : sans cela, le cerveau serait une pure mécanique, or il dirige et invente. Il ne faut pas suivre les neuro-sciences (on en reparlera). Sa souveraineté n’est pas à sens unique. Le sens de la vue et du goût qui transitent par la moëlle le « mettent bien » et alors il a une bonne idée qui envoie des signaux au reste du corps.

Arbre de vie, arbre de sang 

Technique : le coeur-sang est au centre de ce monde à 2 pôles. Vers le bas, les viscères et le sexe ; vers le haut, le cerveau et ses dépendances. Donc le sang est au centre et puis il y a 2 échappatoires à chacun des 2 pôles ( la jouissance, l’imagination ). Le centre convoque tout le corps dans un rapport dialectique : il se maintient en maintenant le corps. Signalons l’adénosine triphosphate qui passe du sang au coeur, pour servir au coeur car celui-ci en a urgemment besoin.

Psy : tout est concerné et d’un seul tenant. Le corps est tenu par le sang qui est maintenu en mouvement par le coeur. Mais poursuivons : la parole revient d’en haut sur le corps via les atteintes qu’il peut subir. Chaque événement de l’âme-corps a sa composante psychique. 

Intrusion en soi 

Technique : pour greffer un coeur, il faut baisser le niveau immunitaire sinon il y a rejet. Il faut parler des nerfs : une émotion affecte-t-elle un coeur artificiel ? Ou bien l’ancien coeur (membre fantôme) continue-t-il à se crisper ? Mais non ! plus vraisemblablement, cette émotion atteint le cerveau car il est innervé avec tout le corps et le coeur (les 2 coeurs) comme siège des émotions.

Psy : J L Nancy l’appelle l’intrus. Mails là où il est le plus contraint, intrusé, comme objet de la science, en fait il est devenu sujet, bien plus qu’avant. Quand une position l’accable, il la pousse à la limite jusqu’à la position contraire et il peut revenir à lui un cran au-dessus. Il ressent son coeur comme intrus au point que lui aussi devient intrus et que du coup il n’y a plus d’intrus et d’étranger puisque déjà là.
À propos de l’IA et de la réalité augmentée, il faut rappeler que si nous pouvions par nos pensées avoir un effet direct sur le corps, alors nous serions des robots. Dans les aller-retour, il y a des ratés car les pensées qui en retour passent au corps par le sang, elles discutent avec les organes où elles peuvent s’incruster faisant somatiser. Les systèmes sympathique et parasympathique interviennent. Il ne faut pas oublier leur transit par l’appareil sexuel aussi. Il est intéressant de voir que les transsexuelles à qui on greffe un pénis peuvent avoir des rapports. Cela n’est possible qu’à condition que le désir vienne d’ailleurs, c’est à dire du cerveau, du coeur, du sang. 

Rencontres vraies 

Technique : la mise en attente d’une greffe de coeur s’accompagne de traitements et médicaments qui peuvent dans un premier temps faire énormément grossir et modifier l’image du corps ; et au moment d’opérer il faut « sécher » et dégraisser.

Psy : il attend avec de graves envies suicidaires jusqu’au jour où son fils lui parle : mais papa ! Toi et moi, on est pareil ! Et cela redonne un repère au père qui témoigne : je lui avais donné un corps et il me donnait le mien. La machine ne remplace pas le coeur ; il y faut des mots pour accompagner et nommer les choses qui perturbent. 

Pontages

Technique : la nature est surabondante, elle met à disposition les artères mammaires. Il y a aussi tous les réseaux collatéraux que la nature fabrique spontanément et qui contournent le point de saturation d’une coronaire et qui alimentent suffisamment le coeur pour dispenser d’un pontage. 

Psy : le choc d’être tiré d’affaire par une équipe technicienne, c’est la rencontre avec l’ange. Comme pour Abraham à l’heure de sacrifier Isaac. On entre dans le registre de l’art, de la beauté dans la nature qui nous ravit par ses ouvertures et invitations (suggérant le bélier de remplacement au moment du sacrifice). 

Corps et âme 

Technique : l’âme travaille grâce au cerveau à assurer l’union de l’âme et du corps au travers du couplage sang-pensée ; le sang étant porté par le coeur et le reste du corps, la pensée étant portée par le cerveau irrigué et se projetant dans le langage au-delà des neurones.

Psy : il faut imaginer l’âme comme un entre-deux, tout en étant la face cachée du corps. L’âme porte toutes les images du corps et en un sens elle le contient (sans elle, il perd contenance). Et en même temps c’est un ensemble d’opérateurs entre elle et le corps visible. Elle assure cette dynamique, cet entre-deux corps que nous sommes (physique et mental). Lorsque le corps est inerte, c’est la partie âme qui prend le relais et qui fait tenir l’ensemble. Verlaine le poète fait de l’âme et du coeur 2 entités distinctes mais qui se parlent. Le coeur parle pour le corps vivant qui certes fonctionne mais qui, privé de coeur et de la puissance du sang, demande à l’âme, à la pensée, comment tenir dans cet absence de soi. Et l’âme, démunie puisque le coeur lui manque, à elle aussi et pas seulement au corps, a tout juste la force de lancer l’idée de piège, de suggérer qu’il ne faut pas en rester là, qu’il faut s’en dégager. Bien qu’exilés tous 2, ils ont un lieu, ils sont quelque part, ils se rencontrent, discutent : on est loin, mais ce lieu est aussi un lieu d’être. Chacun après l’épreuve panse le corps meurtri pour se le réapproprier. L’âme aussi apprivoise à nouveau le corps après le choc et se réapproprie à elle-même, quand c’est elle qui prend le coup. 

Réparer l’homme ou l’augmenter ? 

Technique : faut-il sauver une vie à tout prix ? Il y a une éthique médicale et des comités de réflexion juridique. Mais entre vie et mort, c’est indécidable, la décision est impossible. Et pourtant il faut bien cadrer la décision du mieux qu’on peut. Alors on s’y risque sans filet, il y va de notre liberté.

Psy : le problème de la limite ne relève pas du simple juridique, fixant un invariant. Le réel a le tour pour malmener les limites trop bien délimitées.

Curieuses limites 

Psy : la justesse apparaîtra plus tard, on saura alors la valeur de ce qu’on aura fait.

Une pensée déchirante 

Technique : le moteur de la technique en tant que rapport au faire, c’est l’annonce d’un faire au-delà et autrement, ce qu’on appelle un trans-faire. On doit reconnaître la technique mais aussi essayer de voir sur les bords de son espace d’application. Le coeur, s’il ne peut pas exprimer ou relayer les émotions via son couplage au cerveau, se met à créer des problèmes en série sur les bords. Un coeur totalement artificiel se mettrait à cafouiller perturbant sa raison d’être, l’impulsion. 

Psy : le battement est une fonction au bord de l’amour. Il s’agit bien de la façon dont un mot prend corps : on ne peut pas penser sans lien avec le coeur en tant que source d’un élan vers ce qu’on aime : l’impulsion dans la pulsation.

Mon livre de coeur 

Technique : l’absence d’impulsion (de coeur à l’ouvrage) nuit à la pulsation. 

Psy : dans l’exode, Dieu rejette les tièdes car sinon le groupe, la communauté en pâtit, car les tièdes freinent l’enthousiasme des autres. Un coeur stable contient la turbulence émotionnelle, y compris ce que lui impose l’objet d’amour, car chez lui l’effet de bord perturbant est supporté par la tension de l’esprit qui suit la chose et la désire.

Emotion

Technique : un pontage assure la pulsation mais assure-t-il l’impulsion ? C’est à voir : l’émotion peut s’exprimer en amont du coeur par exemple côté sexe, viscères ou utérus. Le sang c’est 6 litres de quantité en mouvement au sens cinétique (masse x vitesse) qui s’accélère avec l’émotion. Les 68 kgs de matière corporelle sont au service de ces 6 litres.

Psy : dans la Bible, le coeur se dit « le’v » ; il est dit que sa matrice peut s’émouvoir pour envelopper l’être malheureux, pour le matricer, lui donner vie autrement (Sara donna un fils à Abraham malheureux alors qu’elle était stérile). Si un autre s’inquiète pour vous, et si votre inconscient rayonne un trait de cette émotion, cela vous donne un vrai soutien qui vous tire de l’impasse. À table, des gens disent des phrases indigestes : on en vomit : l’estomac en amont est écoeuré et ça ne passe pas. On dira que l’estomac est au bord du coeur. Mais s’agit-il du coeur ou plus exactement du sang ? C’est le sang qui est en jeu dans son mouvement pulsation-impulsion de maintien vital et de secousse émotionnelle. Si toute pensée émanant de notre cerveau est porté par le corps ou plutôt par le sang qui la formule, c’est moins le battement de coeur qui compte que le coup de coeur. L’âme c’est l’entre-deux corps-esprit car le cerveau a dialogué avec le sang pour que le sang donne le coup de coeur à l’idée.

Intelligence du coeur

Technique : La façon dont le sang frotte contre la paroi de l’artère donne à celle-ci des informations utiles pour l’assouplir. Porté par le cerveau, l’esprit en passe par le coeur (l’intelligence du coeur), par la secousse que le coeur donne et par laquelle il se rappelle à la mémoire de la pensée en même temps qu’il lui répond à cette mémoire qui s’est émue. Un coeur artificiel est un coeur parce que l’intelligence du coeur est innée ou suffisamment acquise pour être inscrite dans l’âme/corps, dans sa présence. 

Psy : un homme est dans l’impasse puis soudain pour une raison inconnue car au-delà des raisons, une grâce, une bouffée lumineuse de possible surgit comme un coup de chance qui le propulse hors du piège. Il n’y a pas de mot dans ce trauma gracieux, il y a des choses, des corps, des formes qui servent de mots. il faut penser aux coups de coeur pour en avoir. 

Retirer le coeur 

Technique : don d’organe, don de coeur. Il y a du vivant dans ce corps mort (de l’accidenté) grâce au sang, grâce au coeur maintenu par la machine (chez les 2). Un cerveau a lâché prise, le couple cerveau/sang est brisé mais si on ouvre ce corps mort, on découvre un jardin de vie.

Psy : Il faut accéder à l’idée du don de vie qui mène vers celle de l’amour qui donne ce qu’il n’a pas (l’accidenté).

Genèse du coeur et impulsion 

Technique : le coeur-sang c’est la pulsion de vie dès lors qu’elle fait lien avec l’esprit, le cerveau, la mémoire, le langage. Sans ce couplage c’est de la vie battante mais absente, non habitée. Le coeur- sang c’est le seul battement du corps qui dise le battement de la vie en tant qu’elle est en excès sur elle-même, par la pulsion qui nous porte vers l’objet du désir. Cette dualité coeur pulsif- impulsif est un couplage interactif de l’ordre de l’entre-deux . Il se peut qu’à l’origine, dans la vie embryonnaire, les 2 aspects soient confondus. Il ne faudrait pas oublier les poumons : cela se complique médicalement parlant. Poumons-diaphragme : les poumons divisent le coeur : quand le sang usé venant de la veine cave entre du côté droit de l’oreillette, il passe dans le ventricule qui l’envoie dans les poumons prendre l’oxygène et revenir dans l’oreillette gauche par les veines pulmonaires et entrer dans le ventricule gauche qui l’éjecte dans l’aorte. Il ne faudrait pas oublier l’acide nitrique sécrété par les vaisseaux et qui accélère les flux sanguins : ce n’est pas qu’un régulateur, il participe aux impulsions dans les mouvements de passion. 

Psy : la beauté qu’est la genèse du coeur (morphogenèse de l’embryon au niveau cardiaque) n’est qu’un aspect de cette symphonie topologique qui depuis l’embryon anime le foetus jusqu’à ce que les organes soient formés. Il y a une rupture de la symétrie gauche-droite qui oblige la nature à faire des noeuds chaque fois que des tuyaux doivent se traverser, chaque fois qu’il y a un effet diagonal (venant de la relation coeur-poumons) et ces loops s’excavent avec des croisements. Tout cela s’opère à partir de cellules automatiques dans une feuille médiane de l’embryon qui marquent leur différence en vue de spécificités. La beauté c’est la somatisation de l’amour, l’amour de vivre quand il prend corps.

Transplantés

Technique : le coeur transplanté, c’est à moi ou plus à moi ou pas encore tout à fait à moi ? 

Psy : cette question gagne à ne pas avoir de réponse claire et univoque car elle sera celle qui me situe par rapport au don de vie. 

Chirurgie symbolique 

Technique : le scintillographe tombe sur des zones sans lumière parce que là le coeur est mal irrigué. 

Psy : la Bible ne cesse d’exemplifier les propos. Tout ça pour dire que le problème c’est d’être coupé du don de vie, du don d’amour, chose qui vous tue sûrement et qui heureusement peut être suppléé par les ouvertures du réel, ouvertures sur les possibles.

Par coeur 

Psy : la brisure de l’amour entraîne une faille du sujet l’empêchant de vivre l’infinitisation de lui-même car l’être ne passe plus. 

L’épreuve du cœur

Technique : le coeur-sang avec au milieu les poumons c’est le grand fournisseur d’énergie. Déjà le produit de la pression par le volume du débit équivaut à un joule par battement. En plus il fait circuler l’information, la matière, la chaleur qui se diffuse aux organes. Le coeur ne diffuse pas de l’information seulement par le sang mais par des facteurs qu’il sécrète comme l’hormone qui signale aux reins un excès d’eau et de sel en cas de stress et qu’on élimine par l’urine et la transpiration. C’est aussi une glande endocrine qui à chaque fois fait faire au corps les bons choix dès lors que quelques variables restent stables, ce à quoi le coeur s’active. Des boucles de rétroaction négative régulent la vie au quotidien selon une sagesse et de tellement près que l’on n’a pas le temps de distinguer la cause et l’effet : la hausse de pression provoque sa baisse aussitôt. La hausse au moment de l’éjection quand le coeur se contracte est suivie de la baisse qui lui permet de se remplir de sorte que chaque cycle répare le précédent et prépare le suivant avec toujours la contrainte dissymétrique : à gauche 1/3 de temps d’éjection et 2/3 de remplissage mais à droite un effet accordéon sur la durée. Il assure à gauche des pressions fortes pour éjecter et il assure à droite des pressions faibles pour se détendre et se remplir. Autre chose : les coronaires si on leur fait de petites occlusions avec un bon protocole stimule leur rôle protecteur. Une série de micro-traumatismes pré-conditionnent le coeur et le préparent à supporter un grand trauma.

Psy : la vie amène des secousses mais la vie n’amène pas la désespérance. Quand on se crispe, qu’on se ferme, qu’on hait le sort qui nous accable c’est alors que le corps trinque et le plus souvent le coeur. 

Coeur en salade 

Technique : la vie ce n’est pas d’éviter la maladie. La maladie signifie le fait que l’homme va chercher l’objet de son désir en montant au front et y reçoit des mauvais coups ou donne des mauvaises réponses qui accumulent des traces dont la somme rend malade, créant un résidu non intégrable. La maladie c’est la longue explication avec ce résidu. Ici la rencontre avec les médecins est nécessaire. 

Psy : il faut un chercheur de vie et un chercheur c’est quelqu’un qui fait des cercles de façon que la boucle ne se referme pas mais est une hélice qui à chaque spire brasse, élargit, déplace. Une dynamique d’entre-deux qui laisse ouvert l’espace de jeu entre 2 pôles plutôt que de se fixer sur une frontière qui marquerait la différence. La définition de l’être c’est : ouvert, inconscient, infini. 

Présences intriquées 

Technique : l’espace-temps : la relativité nous montre qu’il n’y a pas un espace donné dans lequel la physique peut se dérouler mais que l’espace est le déroulement de la physique, c’est lui et non notre intuition qui donne l’espace-temps. Dans le monde quantique aussi : il y a dans un objet quelconque des milliards de particules élémentaires avec leurs mouvements propres. Mais si on dit que ça se passe dans tel objet, dans cet objet, on ne peut rien y comprendre. En fait on est dans un espace abstrait dit de Hilbert, avec des opérateurs qui donnent des observables et c’est dans ce sens qu’on comprend. Pour comprendre, il faut parfois passer par des plans (des points idéaux) qui permettent d’accéder à des lieux inaccessibles comme des praticables temporaires, des prothèses éphémères mais précieuses pour la pensée. 

Psy : la rencontre médecin-malade est de cet ordre des praticables (des faits de langage qui plongent vers des trajectoires …cosmiques). La rencontre est faite de paroles intriquées : il y a à trouver des gestes, des modes d’être qui impliquent l’événement à survenir (l’avoir lieu) et où chacun peut chercher la justesse qui lui manque plutôt que l’ajustage à ce qu’il croyait. Le lieu d’être c’est le déroulement de la PSUCHE dans la rencontre avec l’autre. C’est affaire de voisinages comme il y en a dans les états quantiques (superposés).

Coeur jaloux 

Psy : Amélie Nothomb : frappe-toi le coeur, Albin Michel 2016

Coeur en insuffisance 

Technique : l’insuffisance cardiaque est due soit à ce que le coeur ne donne pas assez de sang et tous ses organes souffrent (la jalousie ); soit que le coeur ne reçoit pas assez de sang par manque de souplesse de la paroi devenue rigide et moins facile à gonfler d’où une pression accrue qui se transmet passivement en amont du coeur gauche (à la circulation pulmonaire et au coeur droit). Les échanges d’oxygène se font moins bien, le sujet perd son souffle, cela va jusqu’aux cellules, tissus, organes et organisme. Et là de nouvelles propriétés émergent qui complexifient les choses mais donnent aussi des chances. Il y a un critère pour savoir si une partie inerte du myocarde hiberne ou est mort ; on injecte un produit qui rend le muscle plus contractile ou pas. 

Coeur cherche parole 

Psy : il y a un clivage total entre médecin/psy et c’est dommageable. 

Coeur-mémoire

Technique : les gènes seconds inhibent les gènes porteurs de maladie. 

Psy : pour penser dans ce domaine, l’auteur utilise les pôles corps visible-corps mémoire (cv-cm) et les pense par le concept de « corpus » comme des états quantiques superposés. Chaque état ouvre un espace, lequel est mouvement c’est à dire une courbe qui relie 2 aspects : tout événement du corps mobilise cv et cm et questionne leur mixage le long d’une courbe à connaître (allusion à des gènes seconds). Ça c’est le côté médecin qui gagne à être moins rebuté par la psy. Mais c’est pareil du côté psy ; il gagne à se laisser faire par l’apport médical, en oubliant que ce qui bloque relève de l’inconscient de chacun. Et il y a un gain à remettre le patient au milieu comme acteur à part entière

Renaissance

Technique : les notions de récursivité et auto-régulation 

Psy : ça a lieu, ça demande à avoir lieu encore une fois et par là même ça change ce qui avait eu lieu

Origine et big-bang 

Technique : le pace-maker est complexe de ce qu’il traite de l’électrique en aide au mécanique dans sa complexité courant continu-courant alternatif.

Psy : ce chapitre comme tous ceux de la fin sont des rajouts à des chapitres précédents et parfois sans rien apporter de substantiel. Je n’ai pas résumé des développements sur la réalité augmentée projetant vers un futur comme susceptible de dépasser l’humain par autre chose voire même la possibilité de nouveaux big-bangs. 

Une dette discutable 

Technique : la cyclosporine permet de combattre le rejet 

Psy : Spinoza a rejeté la cause finale (où la fin justifiait les moyens) ; on ne peut pas tuer quelqu’un pour prendre son coeur.Mais surtout il y a des pages très sensibles aux familles à l’heure du don d’organe en plein choc de la mort d’un proche souvent très jeune. 

Nous sommes une greffe rejetée 

Technique : le rejet du corps étranger est dû aux lymphocytes T. Pour combattre le rejet, la chimie ne suffit pas.

Psy : elle se complète d’un supplément qui vient du mental : l’amour de l’étranger. 

Le corps réductible aux techniques 

Psy : non

Redonner vie 

Technique : Spinoza Ethique II, 13 : nul ne pourra comprendre l’esprit humain de manière adéquate et distincte s’il ne connait d’abord de manière adéquate la nature de notre corps.

Psy : c’est parce qu’on ne désire pas connaitre son corps (et ses liens avec l’esprit) que les sciences neuro-bio-cognitivistes apparaissent. Elles ne pourront jamais faire que le corps et l’esprit s’entendent, dialoguent, se parlent, se fassent des signes intéressants et imprévus.

Surtout pas d’émotions fortes ! 

Technique : l’attaque est précédée d’un voile noir Psy : le conseil dans les groupes thérapeutiques est d’éviter les sources d’émotions, positives et négativesIl faut plutôt une éthique de l’être où il s’agit chaque fois de trouver un point d’amour dans le possible, notamment quand tout s’assombrit, comme quand le sang se réfugie dans le cerveau assez longtemps avant l’attaque. Les gens ignorent qu’ils sont plus que ce qu’ils sont et qu’ils sont autres que ce qu’ils croient être.