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Histoire de la folie à l’âge classique


Auteur du livre: Michel Foucault

Éditeur: Gallimard

Année de publication: 1961

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Au 17ème siècle, on met en place une institution redoutable : le grand renfermement. Dans l’hôpital général on entasse les dérangeants qu’on appelle les dérangés sans distinctions eu égard à la folie. Il est clair que l’ordre et sa norme sont bourgeois. Et en philosophie on fixe la faille entre folie et déraison dans un rationalisme qui ne cache pas son effroi d’être emporté faute de vigilance dans la folie.

Première partie

Chapitre 1.1 Stultifera navis 

À la fin du Moyen-Âge, la lèpre disparaît mais ses valeurs et ses images resteront : partage rigoureux, exclusion sociale et en même temps réintégration spirituelle. Le relais de la lèpre sera repris par la folie.

Ici commence l’analyse de ses figures : la nef des fous. En renvoyant la barque à l’eau, la nef impose l’idée d’une nécessaire purification. Mais aussi celle d’un embarquement dans un voyage incertain, passage absolu. Plus encore, celle d’une installation des fous dans un lieu qui se situe au seuil des villes, du monde des villes. Il y a une grande déraison qui envahit le monde et dont il faut se garder. Les peurs réveillent les hantises visibles dans les tableaux de Jérôme Bosch ou dans les contes de toute une littérature des moralités. 

Le visage de la mort est celui de la folie. Figure et parole vont alors commencer à prendre 2 chemins différents indiquant une fêlure qui attaquera la culture pour se fixer dans la grande différence. Raison ou déraison.

Le pouvoir des images n’est plus d’enseigner comme du temps du gothique mais de fasciner avec l’image de la Bête diabolique s’emparant de l’homme. Et en même temps dans les textes et la parole des penseurs comme Erasme, la folie enseigne car elle est savoir. Et cette parole si elle devait avoir son image ce serait désormais le miroir. Nous avons donc un clivage qui s’ouvre, d’un côté sur une expérience de la folie qui est cosmique, et de l’autre sur une expérience critique dans la distance de l’ironie. Le 16ème siècle va étayer le point de vue critique. Et au 17ème et 18ème, dans les jeux de l’art baroque et dans le travail de la pensée, toute une expérience tragique se renforcera face à la conscience critique.

Chapitre 2.1 Le grand renfermement

Ce n’est pas la permanence d’une vérité qui garantit la pensée de la folie mais une impossibilité d’être fou, essentiellement due au sujet qui pense. Toutefois ce n’est pas le rationalisme qui fera loi dans le domaine car il devra partager avec un fond de déraison ancré dans notre sol culturel.

Le 17ème sur le côté va créer de vastes maisons d’enfermement dans un souci juridique de protection. Une telle conscience d’être dans un monde qui est menacé guide les pratiques. L’Hôpital Général est une structure administrative à part des tribunaux et qui juge et qui exécute. L’église ne demeure pas en dehors si bien que ces lieux incarnent le devoir de châtier et le devoir de charité. 

Ceci dit l’essentiel touche aux problèmes de travail, de chômage et de pauvreté dans un monde qui est dominé par les bourgeois. Avec toutefois l’obligation morale chrétienne infiltrant la loi civile. Les pays de la Réforme seront les premiers à rendre le devoir de charité, profane. Dans les pays catholique,s on arrivera à la même conclusion mais via l’avis des Facultés. L’internement in fine est doublement justifié. Le fou sera ainsi rabattu dans le camp des miséreux.La police à l’âge classique est un ensemble de mesures qui rendent le travail à la fois possible et nécessaire pour tous ceux qui ne sauraient vivre sans lui. Il est impératif de combattre l’oisiveté. Mais les guerres de religion et les changements dans l’industrie manufacturière décomposent et fragilisent le monde ouvrier, si bien que l’Etat hésite à châtier. L’église alors renforce la fermeté de son bras en amalgamant pauvreté et sorcellerie. Une telle société peut ainsi rejeter dans un autre monde toutes les formes d’inutilité sociale et donc les fous. Voilà le 17ème mettant en place le 18ème où l’internement y fixera sa raison d’être : la concrétisation d’un bonheur social. En effet l’ordre est adéquat à la vertu sur base d’une métaphysique de la cité idéale de Platon unie à une politique de la religion.

Chapitre 3.1 : Le monde correctionnaire

Derrière les murs, on ne trouve pas que des pauvres et des fous mais tous ceux qui sont dits asociaux. 

Le geste de l’internement inventé au 17ème crée de l’étranger, altérant des figures familières en en faisant des créatures bizarres : ce geste a été créateur d’aliénation. Débauchés, imbéciles, prodigues, infirmes, esprits dérangés, libertins, fils ingrats, pères dissipateurs, prostitués, insensés ont comme dénominateur commun le même déshonneur abstrait. 

Ce geste en outre apporte un supplément d’organisation. Il s’agit de cadrer la sexualité, la profanation, le libertinage. Ces 3 axes font du monde «des autres » une réalité homogène. Il y aura un jour où face aux fous, on aura les criminels mais maintenant ce sont les débauchés ; on est dans l’invention d’un traitement dans un lieu de rédemption commun aux péchés de la chair et aux fautes de la raison.À l’époque classique on crée de façon précise l’articulation de la médecine et de la morale. L’éthique sexuelle devient morale de la famille. Le sacré vient d’abandonner le terrain et en 3 siècles la culture occidentale va y suppléer par les sciences humaines sur une moralisation du sacré. Dans une époque où certaines libertés de penser s’apparentent à de la déraison, le libertinage propre à la Renaissance disparait. Dans le halo des Lumières, Sade tentera une théorie cohérente du libertinage en invitant à se placer au coeur même de ses servitudes. On découvre alors une déraison toute proche de l’homme quand il est trop fidèle aux déterminations de sa nature.

Chapitre 4.1 : Expériences de la folie

Étrange évolution d’une sensibilité qui semble perdre la finesse de son pouvoir différenciateur et rétrograde vers des formes plus massives de la perception. Dans l’enfermement on met tout le monde dans un même sac. 

Le 17ème prépare un visage nouveau, les Lumières auront pour fonction de prouver que l’aliénation du sujet de droit peut et doit coïncider avec la folie de l’homme social dans l’unité d’une réalité pathologique. La maladie mentale alors à l’heure du positivisme sera constituée finalement comme l’unité mythique du sujet juridiquement incapable et de l’homme reconnu comme perturbateur du groupe sous l’effet de la pensée politique et morale venue du 18ème. Le 19ème ira plus loin en croyant prendre ses mesures sur ou dans un rapport à l’homme Normal.

Chapitre 5.1 : Les insensés 

Dans l’internement on n’a pas affaire à des maladies mais à des défauts. 

Le rationalisme pourrait paradoxalement concevoir la folie où la raison ne serait pas perturbée mais qui se reconnaîtrait à ce que toute la vie morale y est faussée. L’important à voir c’est ce pas qui s’engage sur une erreur éthique : choix individuel, intention mauvaise. La raison est parvenue à établir une ligne de partage au niveau des institutions sociales. 

Cette ligne est pourtant mal assurée car l’absence de distinction rigoureuse est en fait symptôme d’un appui sur une région plus profonde. La ratio cartésienne cache mal un abîme, le vide actif, le moins que rien de la déraison. L’impact de cette erreur s’accentue de siècle en siècle.

Descartes avait contourné le problème parce que le problème est insurmontable ; mais c’est surtout un parti pris de ne pas se laisser prendre au piège de la folie. La volonté doit être en éveil tout le temps face à une perpétuelle tentation de tomber dans le sommeil. Le 19ème cherchera le sol d’une nécessité plus positive : la folie n’y sera plus exclusion éthique mais distance déjà accordée.

Jusqu’au 17ème on combattait le mal en l’exposant. Puis on en vient à le cacher. il y a une exception pour les fous qui eux sont montrés dans des foires ou derrières des barreaux … on s’y sent face à des bêtes sauvages. L’homme fou est donc le degré zéro de la nature humaine. Ce ne sera que quand la philosophie deviendra anthropologie que l’animal perdra son pouvoir de négativité et que l’on pensera en termes d’évolution situant le fou comme bloqué à une étape primitive de développement.

Deuxième partie

Chapitre 1.2 : le fou au jardin des espèces

Il faut maintenant interroger l’autre côté. Ici la conscience de la folie ne joue que pour soi le jeu du partage entre nous et eux.

Et tout d’abord qu’est ce que le fou. L’ironie du 18ème repose sur le fait que la folie (pas les fous, attention à la distinction) s’est subtilisée au point d’avoir perdu toute forme assignable ; il y a en effet dans la folie une aptitude à mimer la raison. (Et si la folie ne se reconnait pas, les fous on les reconnait). Si la folie n’est pas manifeste dans son être c’est qu’elle est Autre. Cette altérité implique un rapport extérieur allant des autres à l’Autre dans une confrontation où le fou n’est pas convoqué comme sujet. L’Autre fait partie du tout au sens de l’exception (un qui n’est pas…), parmi les autres au sens de l’universel (tous sont dans la société…sauf un). Toute cette distance de l’altérité est doublement remplie au lieu de rester un lieu nécessaire comme vide. Ce n’est qu’au 20ème qu’on mettra en doute l’exception et du coup le système logique vacillera.  

Au 18ème d’une part la folie existe par rapport à la raison ou du moins par rapport aux autres. D’autre part elle apparait au regard d’une conscience idéale qui la conçoit comme différente d’avec les autres. Elle est à la fois de l’autre côté (d’une norme) et sous le regard (d’un sujet de la connaissance qui bien entendu n’est pas le fou). 

Quand le 18ème veut interroger la folie dans ce qu’elle est, ce n’est pas à partir des fous qu’elle le fait mais à partir de la maladie en général. 

Pour donner un contenu particulier à la maladie il faut s’adresser aux phénomènes observables. Le grand souci des classificateurs, c’est le transfert des désordres de la maladie à l’ordre de la végétation. On recense ici Paracelse, Plater, Jonston, Linné, Weickhard. 

Mais ceci subit une double interférence. Il y a résistance parce que les classements cachent mal une contradiction : entre la folie et ses figures on trouve un ensemble de dénonciations morales ou un système causal ; les motifs de l’internement s’y superposent. On arrive au projet de Boissier de Sauvages où il faut qu’interviennent et la passion et la mécanique, où il faut que se rencontrent les pouvoirs de l’esprit orientés vers une vérité abstraite et des causes organiques donnant une existence concrète à la folie. Jusqu’au 17ème la folie aura drainé une pratique (médicale) archaïque mais en fin du 17ème on croise les maladies des nerfs, les fameuses vapeurs et celles-ci vont changer la donne. Ceci arrive au bout du travail des classifications parce que c’est celles ci qui ont entrainé les thérapeutiques.

Chapitre 2.2 : la transcendance du délire

Dans le domaine médical règne un régime plus calme qu’en philosophie. Ou en tout cas plus inventif. Qui dit folie au 17ème-18ème dit quelque chose où l’âme et le corps sont ensemble en question. Pour avancer il faut suivre le cycle de la causalité, puis celui des passions et de l’image et enfin celui du délire. 

Causalité : dans les causes prochaines on induit l’image causale à partir des familiarités de la perception et on déduit la singularité symptomatique du malade des propriétés physiques qu’on attribue à l’image ; au 18ème l’évolution retiendra seulement un fait d’antécédence ou dans un simple voisinage. Dans les causes lointaines tout le domaine organique est convoqué et toutes ses manifestations peuvent être causes de folie via les perturbations passionnelles ; mais aussi les chocs émotionnels causés par le monde extérieur.

Passions : par la rigueur d’une transmission mécanique des mouvements, la passion dispose les esprits (préfigurant la recherche de traces dans le cerveau) et les esprits disposent à la passion quand ils induisent des mouvements trop lents ou excessifs. L’âme et le corps ne sont plus dans un lien causal mais métaphorique si bien que les qualités sont communes aux deux.Délire: chimères, fantasmes, erreurs. À l’intérieur de l’image et incapable de lui échapper, la folie est pourtant plus qu’elle, formant un acte de secrète constitution d’une certitude, au delà du raisonnable et du rationnel. Le langage ultime de la folie est celui de la raison mais enveloppé dans le prestige de l’image, limité toutefois à l’espace d’apparence qu’elle définit, formant ainsi une organisation singulière abusive hors de la totalité des images saisies dans la représentation de l’ekphrasis et de l’universalité des discours logiques. Le délire est vérité dernière de la folie dans la mesure où il en est la forme, le principe déterminant de toutes ses manifestations et du corps et de l’âme.

Chapitre 3.2 ; Figures de la folie

Elles manifestent d’une manière positive la négativité de la folie. 

Il y a la positivité frèle, mince, transparente toute proche encore de la négativité de la déraison : domaine des démences.

Il y a une positivité plus dense et qui est acquise à travers tout un système d’images (mais dans la représentation de l’eikonismos) : manie et mélancolie.Et puis il y a la positivité la plus consistante et la plus éloignée de la déraison mais aussi la plus dangereuse parce qu’elle frôle les limites de la morale et de la médecine par l’élaboration d’un espace corporel éthique et organique : hystérie et hypochondrie.

Chapitre 4.2 : Médecins et malades

L’étude de l’hystérie alourdit la déraison de nouvelles valeurs. Elle la décrit comme l’effet psychologique d’une faute morale. D’avoir un peu trop cédé aux passions. Mais elle ouvre à plus que ça.

La pratique médicale n’est pas l’univers thérapeutique ; l’efficacité symbolique se protège des efforts d’une pensée positive. Le fou en liberté est laissé aux soins de l’empirique. Ouverture de la clinique.

Le résultat en devient expérience. Même si cela passe par les amulettes, les pierres précieuses, les venins. Car les mentalités bougent en passant par la panacée, la cure, bref des privilèges régionaux d’efficacités particulières.À l’époque classique on a 2 univers techniques qui se côtoient. L’un qui repose sur une mécanique implicite des qualités et qui s’adresse à la folie en tant que passion et l’autre qui repose sur un mouvement discursif de la raison raisonnant avec elle même et qui s’adresse à la folie en tant qu’elle est erreur. Les tentatives de l’époque tâtonnent entre un réveil par des sagesses, la réalisation d’une catharsis par le théâtre ou le retour au quotidien dans un village comme Geel. La notion d’erreur est à comprendre comme un jugement de l’homme non fou et donc incapable de tomber dans cette épouvantable folie de voir tout comme une erreur.

Troisième partie

Chapitre 1.3 : La grande peur

On démarre avec le Neveu de Rameau. C’est la première fois que le fou devient un personnage social. C’est la première fois qu’on entre en conversation avec lui (à quelques rares fois comme dans le monde influencé par les arabes). On le questionne. La déraison réapparait comme type.

La peur et l’angoisse ne sont pas loin, choc en retour de l’internement. Un mal mystérieux se répandrait à partir des maisons d’internement. Et quand cette rumeur est amplifiée dans la littérature, la vigueur de ces thèmes fantastiques devient le premier agent de synthèse entre le monde de la déraison et le monde médical. 

La peur de la folie croît en même temps que la peur de la déraison et les 2 hantises se renforcent. On connaissait déjà les maladies des nerfs mais en prolongeant leur impact sur les mentalités, l’homme prend conscience de son immense fragilité. La hantise de la déraison était ancrée dans le passé, la peur de la folie est beaucoup plus libre d’attaches et s’accompagne d’une certaine analyse de la modernité qui la situe dans un cadre temporel, historique et social. Nous sommes à un moment charnière où l’expérience de la déraison ne cessera de remonter toujours plus loin les racines du temps. La déraison avec Hölderlin, Nerval et Nietzsche devient le contretemps du monde. La connaissance de la folie cherchera sa voie dans le sens du développement de la nature et de l’histoire. On est dans une société qui ne contraint plus les désirs, une religion que ne règle plus le temps de l’imagination, une civilisation qui ne limite plus les écarts de la pensée et de la sensibilité. En multipliant les médiations, la civilisation offre à l’homme de nouvelles chances de s’aliéner (Hegel). La dialectique simple du bien et du mal, du progrès et de la déchéance était décisive pour l’histoire de la folie en l’arrachant à la notion de faute et la rattachant à celle de dégénération. Bichat disait que tout ce qui entoure les êtres vivants tend à le détruire. Le 20ème remettra en question la dialectique … car celle ci entre temps s’est épuisée.

Chapitre 2.3 : Le nouveau partage

Ce qui importe c’est de voir comment la folie est perçue. Côté déraison, on enferme comme libertins tous ceux qu’on ne soustrait pas comme fous. Du coup la déraison s’enfonce dans l’indifférencié. Mais la folie, elle, elle se spécifie. Les 4 classements (aliénation, faiblesse d’esprit, violence, fureur) ne suffisent plus ; les fous deviennent différents entre eux. Et il faut désormais comprendre une nouvelle différence entre insensés et aliénés. Dans l’univers de l’insensé on peut se reconnaître. L’insensé laisse circuler plus ou moins la déraison sous les espèces de la raison : il représente la raison pervertie. En lui s’accomplit l’échange raison-déraison, l’aliénation par contre c’est le moment de rupture. L’aliéné est totalement du côté du non sens.

Et c’est au coeur de la pratique qu’on recueille les informations. Si le 18ème a différencié certains visages de la folie, c’est non pas en s’en approchant mais en s’en éloignant. il a fallu délimiter un nouveau lieu et comme une autre solitude pour que dans ce double silence, la folie puisse parler. La conscience de la folie contemporaine de la Révolution française est politique plus que philanthropique. Les internés protestent alors d’être enfermés avec les fous qui deviennent l’image de leur humiliation. Mais tout un temps il y aura surdité de l’Etat car celui ci attend de l’exemple de leur conduite scandaleuse pour rééduquer et les délinquants et la société.

Au même moment il y a une deuxième crise qui traverse les lieux d’internement. Celle ci monte depuis l’horizon économique et social. L’internement sert de relais pour le peuplement des colonies qui ont besoin de tous ces internés qui ne sont pas aliénés. Si on ajoute que le monde agricole peine à s’adapter aux changements de ses structures depuis qu’il y a suppression des terres communales, l’indigence et le chômage redeviennent de gros problèmes. il y aura 3 crises conjoncturelles graves et ce ne sera qu’à la troisième qu’on verra que la solution de l’internement n’en est pas une. 

C’est le point de vue des économistes (Smith, Turgot, Quesnay) qui oriente le changement. Toute la politique traditionnelle de l’assistance et de la répression du chômage est remise en question : le chômage ne relève plus de la paresse. Et pour avancer ils distinguent pauvreté et population (active). La démographie devient une science au service de l’économie : il faut déplacer (de force) la population des lieux où il n’y a pas de travail (la campagne) vers ceux où il y en a. Et l’internement coûte trop cher car l’argent qu’on y diffère n’entre pas dans le circuit de la richesse des nations. Il faut que l’assistance soit repensée autour des qualités valides/non valides. Seul le pauvre malade a droit à l’assistance, c’est un devoir de solidarité inscrit dans la nature de l’homme. C’est d’ailleurs pour ça qu’il se met en groupe. Un devoir social est un devoir dans la société mais ce n’est pas un devoir de la société. On assiste à un glissement dans une nouvelle zone, mi morale mi psychologique.

Chapitre 3.3 : Du bon usage de la liberté

La folie fait problème. Elle embarrasse surtout le législateur. Un idéal pointe le nez : créer des maisons à eux réservées. Mais cela ne se met pas en place par un coup de baguette magique, il faut du temps. En dessous des mesures juridiques (enquêtes suivies de décrets), il y a les institutions et là se croisent 3 structures déterminantes : la fusion de l’espace de l’internement et l’espace médical n’en est nulle part ; entre folie et celui qui la reconnait telle il y a un rapport d’objectivité qui n’est pas généralisé, loin de là ; quid de la confrontation du fou et du criminel dans les mêmes lieux ?

Dans la société bourgeoise qui prend ses marques dans la Révolution, il apparait que la folie a besoin d’un statut public. Faut-il traiter les fous comme d’autres prisonniers et les placer en prison, ou les traiter comme des malades qui ne peuvent être gardés en famille et pour qui on créerait une quasi famille ? Dans les singeries qui courent les rues, l’internement s’exténue dans cet effort pour lui donner une valeur positive (pour les bourgeois, bien entendu). À côté il y a d’autres projets pour traiter l’aliénation pour elle même : on parle alors de soins. Ce ne sera toutefois un pas décisif que quand l’internement sera thérapeutique. En attendant l’internement doit être une liberté restreinte et organisée. La folie à son tour s’altère. Elle noue des rapports nouveaux : elle fait corps avec cet espace clos qui est pour elle et sa vérité et son séjour. Sa situation lui devient nature.

Liberté et raison ont les mêmes limites. Lorsque la raison est atteinte, la liberté peut être contrainte, du moins si il y a menace pour l’existence du «sujet » ou s’il y a menace pour la liberté des autres. Et au moment où un regard bourgeois l’objective, il y a une relance de la vie pour la folie dans l’opinion publique. La Révolution a réorganisé la police pour les citoyens. C’est dans la conscience des citoyens que ce nouveau pouvoir doit faire le partage de la folie et de la raison. Les tribunaux de famille ne seront pourtant pas à la hauteur et ce sera une emprise publique et institutionnelle qui suppléera à la conscience privée de la folie.

Tout ceci prend forme d’institution dans la grande réforme de la justice criminelle. Le crime tant qu’il est dans la sphère privée (intériorisation et prise en compte des circonstances atténuantes) relève de l’erreur, d’une sorte de délire, donc inexistence. En tant qu’il appartient à la sphère publique, il manifeste l’insensé, ce en quoi la conscience de tous ne peut pas se reconnaitre, ce qui n’a pas le droit d’exister. 

Le crime devient irréel et dans le non-être découvre sa parenté avec la folie (le meurtre dans un coup de folie). Le crime qui relève d’un mouvement spontané n’est pas un crime, c’est un instant de folie. Par contre dégénérescence, criminel né, perversité voilà ce qui reste de déraison et contre quoi la société se doit d’être implacable.Quant à la folie, les psychiatres vont s’occuper des fous car elle est guérissable, dans une logique de redressement moral pour des égarés un moment. Ici l’internement et le traitement « doux » conviennent.

Chapitre 4.3 : Naissance de l’asile

Présentation de Tuke et Pinel, dans le halo des mythes qui les accompagnent. Terrible recul par rapport aux siècles précédents : les stratégies du silence imposé, du jugement perpétuel conduisent au remords et à la honte le fou abandonné.

Chapitre 5.3 : En guise de conclusion

Première série de données 

À la Renaissance, la folie prend le relais quand la lèpre disparaît. Les images dans la peinture de Jérôme Bosch comme la nef des fous ont effet de fascination. Des livres philosophiques comme ceux d’Erasme, exaltent la folie comme une sagesse supérieure à celle de la raison. Il y a deux lignes qui commencent à se dessiner : la folie face à la déraison.

Au 17ème siècle, on met en place une institution redoutable : le grand renfermement. Dans l’hôpital général on entasse les dérangeants qu’on appelle les dérangés sans distinctions eu égard à la folie. Il est clair que l’ordre et sa norme sont bourgeois. Et en philosophie on fixe la faille entre folie et déraison dans un rationalisme qui ne cache pas son effroi d’être emporté faute de vigilance dans la folie.

Au 18ème on opère un virage partiel que Foucault qualifie d’erreur. Car on y perd le repère essentiel de la fracture folie/déraison. En 2 temps : dans un premier, on moralise la déviance dans 3 directions (la sexualité doit être cadrée dans la famille; la profanation tente de conjurer une perte de vitesse de la religion en moralisant le sacré dans les conduites en public; le libertinage est combattu dans un puritanisme moralisateur qui verra s’insurger Sade qui donne des lettres de noblesse au sadisme). Et dans un second temps on individualise les responsabilités dans le droit car la volonté individuelle est le seul rempart contre les déterminations de la nature, les passions.

Au 19éme , c’est pire encore. Mais on y positive la folie dans la pensée médicale qui entrée dans les lieux d’internement depuis la Révolution française stigmatise le lieu comme donnant un statut au fou. Est fou celui qui reste enfermé et l’hôpital psychiatrique y considère la folie comme guérissable.

Quant au 20eme il introduit l’anthropologie comme science de l’homme.

Deuxième série de données 

D’abord sur la « médecine ». On vient d’une situation qui hérite de l’apport de l’Antiquité et du Moyen-Âge autour de la théorie des humeurs. Celle-ci lie des dimensions cosmiques et des observations pratiques. Ainsi la mélancolie se voit expliquée par les influences de la bile noire et de Saturne. On y ajoutera la faute qui consiste à se plonger excessivement dans une passion du savoir ( acedia). L’évolution de cette recherche thérapeutique se complète par l’ésotérisme de la Renaissance. Les classifications apparaissent en lien avec la botanique. Au 17ème on lit les choses autour des notions de passions. Les rapports de l’âme et du corps sont pensés d’abord à travers un système de causes prochaines et lointaines (entre fluides et solides ) qui orientent les esprits pour le mouvement et l’action. Cette recherche de qualités dans les médiations sera abandonnée pour des rapports métaphoriques et de simple voisinage (porosité, capillarité, mimétisme). Il est intéressant toutefois de voir que cette intuition se fixera dans le cerveau comme lieu de naissance des esprits. Mais en même temps donnera le contexte d’une découverte dans l’appréhension de la folie : les maladies des nerfs. Au 18ème on fixera le tableau des maladies des fous avec sa plus ou moins grande distance d’avec la négativité de la déraison ( démence ; manie et mélancolie ; hystérie et hypochondrie ). À côté la pratique thérapeutique passe par l’usage des panacées et des cures. Le 19eme plongera ce qui était encore bougeant dans le formol du positivisme. Le XX eme lui reviendra avec la psychanalyse vers plus d’ouverture clinique.

Ensuite sur l’économie. L’explication des crises conjoncturelles confronte à une autre considération pour la pauvreté et le chômage. On pense d’abord qu’il s’agit d’oisiveté et de vice. Puis devant les mouvements de l’histoire (les guerres de religion, de 30 ans ou les modifications structurelles dans l’agriculture et l’industrie ) le chômage est traité en imposant à la société de donner du travail à tous les valides. Cela obligera les ouvriers à des migrations de la population jusque y compris pour les asociaux d’un envoi aux îles en vue de les peupler. L’internement sert de régulateur de crises mais cela a ses limites. Et les mouvements sociaux forceront à dépasser les premières théories simplistes des mercantilistes pour en arriver à Ricardo et Marx. Plus tard Keynes

Et enfin dans le Droit. Le crime devient irréel et dans le non-être découvre sa parenté avec la folie (le meurtre dans un coup de folie). Le crime qui relève d’un mouvement spontané n’est pas un crime, c’est un instant de folie. Par contre dégénérescence, criminel né, perversité voilà ce qui reste de déraison et contre quoi la société se doit d’être implacable.