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Forme et objet


Auteur du livre: Tristan Garcia

Éditeur: PUF (metaphysiqueS)

Année de publication: 2011

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Il faut lire le livre deux fois pour saisir les points-clés. C’est un livre qui demande du temps, cela va contre nos habitudes de pensée. On part des objets. En passant de l’un à l’autre, chaque objet comme chose conserve sa chance. Composé en deux parties, le livre commence par un pavé ontologique dont l’abstraction formelle fait fuir tant elle est aride. Pourtant les choses s’éclairent ensuite dans la deuxième partie qui développe la métaphysique des objets peuplant notre univers. L’usage de la boite à outils ontologique offre alors toute sa raison d’être car l’enjeu est d’ouvrir de nouveaux chantiers de recherche. La métaphysique aujourd’hui mobilise des penseurs qui s’engagent dans le débat des sciences (dures et humaines).

Première partie : Formellement

L’auteur souhaite aménager un nouveau lieu pour la pensée où rien ne serait hiérarchisé, où rien ne serait confondu, où tout apparaîtrait égal et distinct.Ce traité part d’abord à la recherche d’une ontologie possible d’un monde plat, duquel aurait été abstrait toute sorte d’intensité. Ce livre explore le monde où n’importe quelle chose en vaut une autre. Aucune détermination classique ne se trouve comprise dans le concept de chose. Le but de cette indétermination est de disposer d’un plan de coupe de tous les emboîtements de tous les ordres qui dessinent le relief de l’univers. Ce livre s’exerce à conserver une chance ontologique de toute chose en envisageant chaque « disposition » de choses comme un certain sens de circulation de l’être. Il en résulte deux sens des choses : ce qui est dans la chose et ce dans quoi la chose est.

Chapitre 1 :  chose 

n’importe quoi

De quoi tout est-il fait ? Quelle forme peut prendre l’ensemble de tout ce qui est ? De quoi est composé tout ? que composent les choses ?

Prenez n’importe quoi de manière à ce que rien n’en soit à priori exclu. Pour accéder à n’importe quoi, je ne peux le penser sur un même plan que tout ce qui est différencié puisque rien n’est n’importe quoi. 

N’importe quoi n’est pas rien. C’est quelque chose qui signifie tout simplement que c’est. N’importe quoi est. Que n’importe quoi soit quelque chose n’indique rien d’autre que la « possibilité » d’une platitude.

Moins qu’une chose, plus qu’une chose 

Il y a deux grands types de réponses à la question de savoir ce qui est quelque chose, introduisant du relief dans la platitude de n’importe quoi : la réponse matérialiste et la réponse formaliste. Une plus chose est ce qui est « en soi », une moins chose est ce qui est « en et par une autre chose ».

Quelque chose 

Prenons n’importe quoi, donc quelque chose. Cela pose la question de « déterminer » ce qui peut être quelque chose. Aucune chose n’est moins qu’une autre. Le quelque chose c’est ce qui nous apparaît sur un plan où n’importe quoi est égal. Mais si nous savons ce qui est une chose, nous ne savons pas ce qu’est une chose. Ce qu’est une chose au minimum c’est « pas » n’importe quoi. Mais en plus on dira que quelque chose c’est ce qui décolle n’importe quoi de n’importe quoi.

Une chose ne se définit jamais en bloc, c’est un milieu. Ce n’est pas elle qui est en elle et ce n’est pas en elle qu’elle est. Il y a à faire la critique de la notion d’Un : non, une chose n’est pas ce qui est Un car la chose est seule. Il n’y a que dans autre chose qu’une chose, que ceci ou que cela, peut être seule.

Rien n’est en soi 

Il faut chercher à comprendre le « dans » comme l’être. L’être est dans parce qu’il est la différence entre dans la chose et la chose dans. Si quelque chose était en soi, il n’y aurait pas de quelque chose, on confondrait contenu et contenant.

Le compact 

Être en soi est l’expression de la volonté de se représenter un être en bloc. D’une possibilité qui n’est rien d’autre que la possibilité de l’échec de ses propres conditions de possibilité, on dira qu’elle est compacte. Où est quelque chose ? Dehors, tout éclôt au dehors.

Autre chose qu’une chose 

La seule « condition » d’une chose est d’être dans autre chose que soi, donc dans autre chose que quelque chose. Qu’est ce qu’une condition ? C’est ce qui forme quelque chose, son lieu, son cadre, sa situation. Toute chose est sous condition mais aucune ne se réduit à cette condition. Considérons ce que pourrait être ce qui n’est pas quelque chose. Seul, ce qui n’est pas quelque chose ne peut être ce qui n’est pas quelque chose. Une chose est dans tout ce qui la contredit. La condition d’une chose est son négatif. Une chose finit où commence ce qui n’est pas une chose. Ce qui n’est pas une chose est infini et indéfini. Ce qui n’est pas quelque chose est ce qui commence avec la fin de toute chose mais qui ne finit pas. On nommera autre chose qu’une chose, soit le monde, soit tout. Le monde c’est la condition de quelque chose.

Chapitre 2 : chose et monde

Autre chose qu’une chose : le monde 

Ce qu’on appelle le monde c’est la « forme » des choses. Le monde n’a pas de forme puisqu’il est la forme de chaque chose.

Où est une chose ? Dans le monde 

Demandez où est une chose et ce qu’elle est, revient au même. Une chose est ainsi dans cette chose-ci et autrement dans cette chose-là. Ces « rapports d’appartenance » des choses les unes aux autres sont objectifs. En tant qu’une chose est dans autre chose, on l’appellera objet . Un objet est une chose limitée par d’autres choses, conditionnée par une ou plusieurs choses. Une chose est dans une forme et elle reste formellement une chose en tant qu’elle est seule dans sa condition et dans son négatif. Un objet a des conditions déterminées, une chose a une condition formelle indéterminée. S’il n’y avait que des objets, il n’y aurait pas d’objet. Le monde est ce dans quoi on est seul.

Où est le monde ?

Chaque chose est dans le monde précisément parce que le monde est dans aucune chose. Le monde est le lieu commun où chaque chose est seule. Le monde compact crée sa propre contradiction. Il existe nombre de moyens de retarder le compact. Ce qui n’est pas compact s’excepte. N’importe quoi est quelque chose excepté tout. Toutes les choses ont lieu, exception faite du monde qui est ce lieu.

Autre chose qu’une chose : le tout 

Le tout est le négatif de quelque chose. Tout, ce n’est pas là où toutes les choses sont ensemble. Lorsque les choses sont ensemble, ce sont des objets. Ce qui forme un tout, ce ne sont pas les choses ensemble mais chaque chose séparément. (Cela introduit la distinction. Et donc l’ouverture au différent. Cela passe outre une limite. Cela oblige à choisir et à perdre).  Pour avoir tout, il suffit d’avoir quelque chose. Il suffit de saisir ce qui commence lorsque la chose finit.  Toutes les choses qui sont, n’ont rien d’autre en commun que tout.  

L’accumulation des objets 

Les objets sont dans les choses. Le possible ne fait que s’accumuler. Formellement une diminution d’existence est une augmentation de possibilités. Où a lieu l’accumulation des objets ? Dans une grosse chose. Les choses ne s’accumulent pas dans le monde. L’accumulation des objets marque la hiérarchie entre les choses. Au sens strict, les choses ne s’accumulent pas, elles sont. S’ajouter c’est être un parmi d’autres. Un objet qui a été, n’est plus. Une chose qui a été, est. Un objet disparaît quand il n’a plus de limites.

Chapitre 3 : être et comprendre 

Être c’est être compris 

Peut on être sans être quelque chose ? L’être n’a pas de contraire mais il a un sens inverse, comprendre. Il n’y a pas de sens de comprendre que comme sens inverse d’être. Il n’y a de sens d’être que comme sens inverse de comprendre. On ne pourra jamais élucider l’un par l’autre. L’être n’est pas premier. Pour avoir quelque chose, ne faut-il pas que quelque chose soit ? Pour qu’il y ait quelque chose, il ne faut pas d’abord que quelque chose soit, mais, qu’il y ait quelque chose et autre chose que quelque chose, de manière à ce qu’on puisse être l’autre. Quelque chose est, si quelque chose n’est pas compact. Chose et monde sont premiers, l’être ou la compréhension sont seconds. Être n’est pas un mystère. Le sens qui va de l’entrant à l’entré, s’appelle l’être. Le sens qui va de l’entré à l’entrant, s’appelle la compréhension. Mais la chose, qu’est-elle vraiment ? Les choses manifestent de la résistance, les choses ont une matière mais les choses ne sont pas leur matière.

Ce qui est une chose, ce qu’est une chose 

Ce qui est cette chose ne se réduit pas seulement à ses composants matériels. Les choses n’ont pas lieu dans la matière. La matière est dans les choses en dernière instance. Ce qu’est une chose, elle l’est toujours formellement et jamais matériellement. Comprendre ce qu’est une chose ? D’abord négativement : être du granit, être beau, être une chose paraissent des identités à peine comparables sinon par un effet de langage. Malgré des « différences » objectives, ce sont pourtant à des degrés divers de mêmes identités qui dépendent de l’appartenance de ce qui est à tel ou tel objet, ce sont des « identités » objectives. Être relativiste, c’est être celui qui pense que ce qu’ une chose est dépend du point de vue qu’on adopte sur elle. Tout réductionnisme consiste à refuser de penser l’irréductibilité de ce qui est une chose à ce qu’elle est. Comment savoir ce qu’est une chose ? En sortant d’elle et en observant ce dans quoi elle se trouve. Comprendre quelque chose, c’est la comprendre comme un passage. Déterminer le passage de la matière des choses à leur forme, l’expliquer en des termes causaux ou d’émergence, c’est éliminer les choses. Chercher des règles et des lois est ne pas comprendre que ce sont les choses qui servent de passage. Le déterminisme remplace les choses par des causes.  

Les deux sens 

L’homme qui comprend son enfance atteste de sa sortie de l’enfance. La nostalgie est la compréhension de ce qu’on a été.

Dans la chose : matière 

Les sciences physiques ont fonction de donner une figure déterminée minimale à ce qui est la matière. Elles livrent la première image. La matière n’est pas composée des composants de la matière. Tout le problème d’un réductionnisme matérialiste est de proposer un schéma sur lequel les choses sont matérielles. N’être absolument pas matérialiste, c’est penser en revanche qu’il existe des choses dont on ne peut ramener la composition à de la matière.

Hors la chose : la forme 

Ce qu’est une chose c’est sa forme. La forme de chaque chose c’est le monde. La forme d’un objet dépend de ce dans quoi elle est. Un formaliste sépare la forme des choses et en fait les choses par excellence. Pour se donner une représentation de ce qui lie l’infinie pluralité des choses à une identique infinité formelle, il faudrait imaginer un espace dans lequel se dégageraient trois formes d’objets géométriques basiques comme des pochoirs. Chaque pochoir a une extension infinie. Les pochoirs n’ont pas de frontière que par le dedans, un dedans en creux. Leur commencement est chaque fois de forme différente mais l’espace qu’ils définissent tout autour de ce creux est bien le même. Si on fait de la forme un objet, on se trouvera obligé de finir cette forme. Mais alors danger ! Car on tombe dans le platonisme. Découper les objets c’est définir des limites, c’est ne considérer qu’un nombre fini de choses. Une chose n’a pas d’unité, elle a une finitude et une solitude. En faire un objet c’est en faire un parmi d’autres. Une chose a une forme : si cette forme prend elle-même une forme, devient une limite, la chose est un objet. Les objets n’ont jamais de monde. Les objets sont ensemble. Dès que je comprend une chose étant moi-même une chose, je la limite et en fait un objet. « Il n’y a pas de rapport » entre forme et objet.

Deuxième partie : Objectivement

Chapitre 1 : l’univers

Le formel et l’universel. La plus grosse chose possible 

Les objets les uns dans les autres forment de grosses choses et la plus grosse des choses possibles est ce que l’on appelle l’univers. L’univers est une grosse chose telle qu’à l’instant présent, on ne peut en concevoir de plus importante.

Or ça ce n’est pas le formel qui est la compréhension de chaque chose possible. Tandis que l’univers suppose un savoir de l’état des objets les uns dans les autres, dans l’univers, le formel n’implique jamais qu’une conscience du fait que chaque chose est également dans le monde. L’universalité s’apparente à une compréhension maximale des différences. C’est un processus d’intégration cumulative des différences : on y tiendrait compte aussi bien des tenants de l’idée que les animaux sont des esprits semblables aux hommes et des tenants que les animaux sont profondément différents de nous. L’universel formulera que dans les rapports aux animaux, les hommes font un rapport de comparaison. La conséquence c’est que l’être humain doit prêter attention à ces rapports car c’est par cette relation qu’il se définit lui-même. 

Formellement on identifiera le prix à payer pour chacune des positions. Si on gagne des droits de tous les hommes, alors on doit perdre en particulier ce qu’on a gagné en universalité. S’il n’y avait pas des choses égales dans le monde, il n’y aurait pas d’objets inégaux les uns dans les autres pour former l’univers. À chaque étape d’universalisation, la formalisation autorise la remise en cause d’une compréhension d’un objet par un autre ; une classe sociale (prolétariat) étant comprise dans une société (ouvriers), elle peut aussi comprendre cette société (communiste), la « déterminer » de telle sorte qu’on considère qu’est formellement court-circuité l’ordre du compris au comprenant (société sans classe).

Univers, parties d’univers, échelles d’univers  

En cosmologie, les galaxies ont comme propriétés des processus cosmologiques. Par parties, l’univers est connaissable localement (l’atmosphère). Quant aux savoirs objectifs d’échelles, ils renvoient à des lois qui tiennent à l’ordre de grandeur (scalaire) du cadre de référence choisi (étude des particules élémentaires). On sait que la TRG d’Einstein ne peut valoir partout.

Sciences du plus petit, sciences du plus grand  

Les superlatifs marquent la conception de l’univers ou des particules, en permettant l’ouverture par les deux bouts d’un champ d’objets accessible à la science ; celle-ci découpe dans l’univers ses objets de proche en proche. La connaissance ne crée pas son objet mais la stratification de son objet en étapes. Assurer la « continuité » de proche en proche suppose l’établissement de régularités. Tout en gardant l’écart entre univers et monde.

Chapitre 2 : objets, événements

Absence et présence 

Qu’il y ait des objets ne suffit pas, il faut en plus qu’ils soient présents. L’être et la compréhension ne suffisent pas à rendre compte que les choses sont là. La présence est un rapport qui associe une chose à ce dans quoi elle est. 

S’il n’y a qu’une présence, il peut y avoir deux absences. Toute absence est une opération sur la présence d’une chose. L’absence est soit une compréhension vide d’être, soit un être privé de compréhension. Un objet est présent dans un autre objet lorsque être et compréhension des deux objets sont conjoints. 

Ce qu’on appelle « présence au monde » n’est rien d’autre que la relation qui me lie au monde. La présence des choses est leur relation bilatérale, le fait d’exister l’un pour l’autre. L’absence est une opération par laquelle je scinde artificiellement une chose en deux. En superposant le souvenir de l’être aimé, qui est avec moi, et le fait qu’actuellement il est ailleurs, je crée la chimère d’une absence. Comme je peux l’identifier à ce qu’il est dans ma mémoire, il peut me manquer. 

Tandis que la présence est une réalité, l’absence est une opération subjective sur la réalité.

Présence et événement

Les événements sont des présences de choses ou des présences d’objets. Le fait que la chaise existe est un événement, tout comme la couleur verte. Quant au fait que la chaise soit verte, c’est un événement second puisque ce n’est plus un événement de chose mais un événement d’objet. Un événement concerne toujours le mode de présence. Il y a formellement des choses, il y a objectivement des objets et des événements.

Univers d’événements, univers d’objets

Le meurtre comme objet est un résultat, c’est un fait. Le meurtre comme événement  est un faire. Alors qu’un objet est présent ou absent, un événement se présente ou s’absente. Dans l’univers d’objets, il y a un meurtre, un meurtrier et une victime mais le meurtrier ne tue pas la victime. Il n’y a pas de présent ni d’acte. Dans l’univers d’événements, le meurtrier tue la victime mais il n’y a ni meurtrier ni de victime, il y a le « pur présent ». Objets et événements ne communiquent jamais entre eux mais seulement par l’intermédiaire des choses.

Chapitre 3 : temps

Présentisme et éternalisme

Lorsqu’il s’agit de définir le temps, tout l’enjeu est le statut qu’on accorde au présent. Comment concevoir le temps seulement mais entièrement ? Faute d’un temps entier, les choses ne s’articuleraient pas en objets et événements. S’il n’y avait pas de présent, tout ne serait que des objets. S’il n’y avait pas de passé et d’avenir, tout ne serait qu’événements instantanés.

Augmentation de la présence (GB-UT)

Le futur n’existe pas, aucun événement n’est à venir avant d’être présent. La somme totale de tout ce qui est présent ne cesse d’augmenter. Ceci a un inconvénient car on perd de vue que cette conception ajoute aux deux autres par un biais qui ne pense les modalités du temps que comme des parties extensives.

Présent, passé, avenir. Variation des intensités de présence

Le présent est une intensité. Par la variation de l’intensité de la présence, ce qui est passé est bel et bien présent comme l’est le présent, mais moins. L’avenir est la maximisation de l’absence : absence de détermination. Et le présent est le plus lourd de détermination.

Que le présent s’éloigne de l’avenir

Chaque moment du passé garde sa chance, individué, c’est à dire pas complètement digéré par l’instant suivant. L’avenir c’est le fond, le sol sur lequel repose la pile de feuilles. Le présent c’est la feuille qui se trouve au sommet. Chaque fois qu’une nouvelle feuille vient recouvrir la précédente, une feuille déterminée au milieu du tas, une feuille passée est éloignée du sommet qui se trouve de plus en plus haut. Mais la distance qui sépare notre feuille passée du sol ne change pas.

Chapitre 4 : vivant

Un univers intensifié

L’univers du vivant répète la structure de l’univers, celle des objets compris et comprenant mais elle l’intensifie en introduisant entre le niveau moléculaire et celui des corps, le niveau intermédiaire de la cellule. La cellule est le niveau-limite inférieur de la vie.

Mais l’organisme vivant est lui-même compris dans une population comprise dans une communauté biologique comprise dans la biosphère qui est la limite supérieure de l’univers local du vivant. Le vivant est le lieu de « l’univers structuré comme un univers ». C’est une nouveauté, c’est l’intensification pour certains objets de ce que nous avons formellement défini comme Soi. L’intensification physico-chimique de ce rapport, sous des conditions objectives et non formelles, est la clé de l’émergence de ce qu’on appelle propriétés du vivant. 

L’irréductibilité de ce que forme une chose à la somme de tout ce qui la compose n’explique d’aucune manière l’émergence du vivant en particulier puisqu’elle explique tout, cad le fonctionnement des choses et du monde en général. L’émergence ne se laisse pas ramener à l’irréductibilité d’un organisme à ce qui le compose. C’est plutôt l’intensification de cette irréductibilité.

La vie et le soi                                            

Il semble bien qu’une chose vivante soit une chose qui intensifie son soi. Cet objet est vivant en tant qu’il intensifie dans le temps son soi, qu’il l’entretient jusqu’à constituer le soi « non plus comme la différence formelle mais comme limite objective » entre intérieur et extérieur. Toutes les définitions objectives sont traversées par des déterminations formelles de soi : l’homéostasie, l’autorégulation, le caractère adaptatif du vivant.

Intensification du soi 

Le vivant correspond à l’intensification de quelque chose de formel : le soi. L’émergence du vivant c’est le passage dans un univers susceptible d’intensités variables sur fond d’un monde égal d’intensités de soi qui ont été jusqu’à la reproduction, le maintien, l’entretien, l’évolution du soi. Ces objets au soi entretenu, ce sont les organismes.

Ni vitalisme ni biologisme 

L’hérédité weissmanienne et le programme génétique en tant qu’information sont des formes qui ne s’avouent pas. Des formes internes digitalisées ( !) qui commandent la formation de l’organisme vivant. Il y appel à une structure de commande physique au lieu d’une force vitale. La notion d’information est acceptable mais à condition d’assigner une dimension qui s’ajoute à la situation sinon elle tombe dans le mystère.

Intensités variables du soi 

L’information du vivant ce n’est rien d’autre qu’un soi redoublé par la possibilité de la transmettre. La taxinomie est un découpage qui individue les objets vivants : bactéries, cellules, plantes, animaux…au sein de l’évènement et de l’intensité de la vie.

Chapitre 5 : animaux 

Le découpage en espèces 

Une espèce est « un découpage » de telle sorte qu’il n’y a pas de critère de ressemblance de formes extérieures qui permettraient de définir un type unique ou une idée de l’espèce au travers de la diversité des individus. La seule réalité spécifique tangible c’est celle de l’information génétique. On y ajoutera un critère écologique précisant que le groupe des populations inter-fécondes doit occuper une niche particulière de l’environnement pour devenir une espèce. L’espèce n’est plus pensée comme un objet mais comme un événement qui découpe en clades. Le principe de découpage tient à un caractère dérivé de caractères aussi bien morphologiques que génétiques, qui transforme un ensemble de taxons en une certaine chose instantanée : une espèce évolutive en arborescence, …avec des changements d’échelle.

La société des espèces , séparation des animaux 

Mais ceci manque le fait que les animaux sont une partie du vivant définie à la fois par ce qui les constitue (ce qui entre dans l’animal ; lui comme un milieu) et ce dans quoi il entre (lui dans son milieu). Et il se trouve qu’une espèce animale particulière a organisé ce que sont les animaux autour de son milieu, transformant ce milieu en société.

Depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen -Age, on finit par abandonner cette caractérisation des « espaces entre » l’homme et l’animal.

Déchirement de la sensibilité : specisme et antispecisme 

Le « végétarisme » insiste de façon antispéciste sur fond de culpabilité.Le rapport de l’homme à l’animal ne va pas de soi : l’humain est une espèce qui se comprend entre l’animal qui l’incarne et « une idée » qu’elle incarne. Mais attention à la compacité.

Chapitre 6 : humains 

Découpage de l’humanité 

Ce qui est humain c’est une espèce animale mais ce qu’est l’humain est susceptible de variations. JE n’est pas une identité objective liée à un objet particulier, c’est une identité endossée par celui qui dit je, qui adopte cette forme. Humain signifie la position de celui qui a un monde quand il se considère lui-même dans ce monde. Aujourd’hui beaucoup de peuples ont replié la forme de l’humain sur elle-même en la substantialisant.

Les propres donnés à l’homme 

L’extension de la forme de l’humain est ouverte comme un espace cartésien par deux axes. Il y a un axe qui court de la bête au lieu et un autre horizontal qui court des animaux aux artéfacts. Un propre donné ne fonctionne que tant qu’on y croit. 

Les propres développés par l’ homme 

Le fait que par un propre développé, le « plus de » l’homme provienne d’un « moins de » naturel aboutira à toutes les théories de la néoténie : l’humain serait constitué par un inachèvement qui le fonderait à se développer lui-même. Reste que la possibilité de ce développement est donné.

L’humain réduit à un événement évolutif 

Ce propre objectif de l’humain est devenu événementiel. L’éthologie animale a mis à mal les distinctions d’un propre de l’homme côté langage, côté outil. Loin de s’opposer à la nature, la culture est un phénomène qui est intrinsèque au vivant dont elle constitue une niche particulière. La différence humaine est peut-être plus intense mais elle n’est pas différente des autres rapports entre espèces animales.

Ce dont vient l’humain : animal parlant 

Les débuts de l’étude du comportement des grands singes sont liés à la volonté de tester quelques grands schémas et modèles de l’esprit et du comportement humains sur des animaux évolutivement proches. Le fantasme sous-jacent est celui d’éduquer certains individus simiesques à la manière dont a évolué notre espèce.

Ce vers quoi va l’humain : IA

Si l’humain n’est rien d’autre que ce qui est l’humain, qui évolue naturellement, alors le seul moyen d’affirmer une identité, de ne pas produire du compact, est d’imiter l’évolution naturelle en l’artéfactualisant. Pour ne pas réduire ce qu’il est à ce qui l’est (une espèce animale), il y a à fabriquer quelque chose qui le dépasse.

Que l’artefactualité soulage de l’animalité, que l’animalité soulage de l’artefactualité.

Il n’y a d’humain qu’ »entre deux ». Cette double capacité a présenter et à représenter place l’espèce animale humaine dans un environnement d’objets présents et d’objets représentés par lesquels elle intensifie sans cesse l’univers vivant.

Chapitre 7 : représentations

Représentation avec soi, représentation sans soi

Qu’est ce qu’une représentation ? D’une part la représentation d’un objet par un objet, d’autre part la représentation d’un objet par un sujet. Cette dernière a pour particularité de toujours apparaitre comme représentation avec soi, cad comme une représentation qui n’est ce qu’elle est que par la présence de soi. La présence de soi permet de distinguer la vision de l’imagination d’un tableau ou d’un film. Une représentation sui ne peut pas être partagée (représentation subjective).

Représentation de l’objet, objet de la représentation

La représentation objective n’est pas une représentation sans soi mais une représentation en soi. Désormais la question est celle de « l’adéquation entre la représentation et son objet ». Une première réponse déterminera une argumentation qui fait retour et se fixe sur la question de représentations sans objet. Or cette distinction tient pour acquis qu’il y a un sujet philosophique ou logique même si on a affaire à des représentations objectives. Le sens est une façon pour l’objet de se représenter indépendamment du fait de savoir s’il y a quelqu’un pour connaitre l’objet. On confond entre représentation d’un soi, qui se représente ce qu’il représente, et les représentations d’une image qui ne se voit pas. Un tableau représente sans soi et c’est pour ça que moi je peux me le représenter, soit comme représentant, soit comme objet représenté à mes yeux. Or il existe une différence entre une image qui représente un paysage et un paysage que je me représente.

Représentation sous forme d’objet

En concevant un vêtement, l’humain fabrique un objet plein, une chose qui peut devenir une forme comme contenant un corps. Tout art consiste dans la formalisation de certaines choses. L’art est capable de manipuler certains objets comme s’ils étaient eux-mêmes des formes de telle sorte qu’ils deviennent des formes qui peuvent elles-mêmes avoir des objets. Ils peuvent contenir aussi bien des choses présentes (des corps) que des choses qui ne sont pourtant pas là.

Présentation et représentation  

Le dessin donne forme au corps qui n’est pas là. Par une loi d’échange, l’absentement de quelque chose de présent provoque la présentation de quelque chose qui n’est pas là. Un visage est en 3D alors qu’un portrait est en 2D.

Absenter une présence pour présenter une absence

On distinguera mimesis et signification. Le signe est articulé à un objet et à une série d’interprétants.

Ni mimesis ni signification

La représentation sous forme d’objet laissée seule n’a pas besoin de moi pour être la représentation qu’elle est. Le tableau est le produit d’un art à quoi la signification n’entend rien. L’oeuvre fascine justement parce qu’elle exclut l’interprète.

l’art d’une représentation, le sens d’une représentation

Le sens d’une représentation n’est jamais inscrite dans la représentation elle-même mais l’art de cette représentation est imprimé dans l’objet même. L’art est la manière de faire un objet.

Chapitre 8 : arts et règles

Règles 

Qu’est ce qu’une règle ? Un paradoxe. Pour qu’il y ait règle, il faut que soit énoncée l’impossibilité de faire certaines choses qu’on peut faire. Il y a là une contradiction. La règle ne joue pas sur la notion d’interdit mais d’impossible…dans tel cadre. On appelle un jeu une activité qui consiste à faire usage de telles règles sur le possible possible et le possible impossible. Il est dans l’idée de jeu de pouvoir tricher. L’art serait-il un jeu où on ne peut pas tricher ?

Qu’un art est une forme réglée de représentation

On définira un langage comme un ensemble de règles de représentation. Mais il est possible de prendre le langage à revers, l’art poétique. Le langage devient alors une forme de représentation consistant à user de formes de représentation pour rendre présente une chose en absentant une autre chose. L’art n’est pas réglé ?

Genres réglés de représentation

Un genre n’est pas qu’une catégorie taxinomique, c’est un processus actif qui ferme le possible ouvert, par une forme, et offre ainsi des combinaisons multiples de représentation. Un genre définit des impossibles dans l’art. La modernité est la révélation progressive de ce que les arts sont d’abord des formes et non des corps de règles (avant-gardes). 

Régulation et dérégulation des arts

Pour fonctionner l’art intrique le générique et le singulier, l’appartenance au genre et l’appartenance à la forme. Lorsqu’un art est trop fermé, des oeuvres singulières l’ouvrent.

Formations d’arts nouveaux et dérégulation des arts anciens

En passant par le classique, le moderne et le contemporain, on dégage d’abord une position analytique et puis une position dialectique-critique. Est-ce que tout vaut comme art ? Quelle place faire au delà du singulier aux pratiques sociales et au rôle de l’Histoire ? Quel rapport tenir par rapport à un idéal quand il y a constat que tous les arts se côtoient… Qu’est ce que l’intéressant ?

Chapitre 9 : culture

Cultures plurielles, culture universelle, culture naturalisée 

Ce qu’on appelle culturel naît de la tension entre 264 acceptions du terme. Dans un sens proche de civilisation versus multiplication des modes humains d’organisation, on inclura savoirs, croyances, mœurs, droit, coutume ainsi que toute autre disposition ou usage acquis par l’homme en tant qu’il vit en société…et ceci s’oppose à la nature.

Mais à l’inverse on soulignera que les cultures s’opposent entre elles. Ce qu’on appelle culturel n’est pas un concept formel mais objectif. Il ne peut être pensé que par l’intermédiaire de l’universel et du naturel. Le culturel n’est pas formel puisqu’il concerne des objets vivants entre eux, considérés ensemble et non appréhendés seuls dans le monde. Étant objectif cad lié à l’entre compréhension des objets et des événements dans leur univers, le culturel concerne des  choses vivantes et animales en tant qu’elles vivent ensemble. Le culturel qui ne s’oppose pas frontalement au naturel est ce qui pour certains ensembles se tient entre le naturel et l’universel.

L’universel est ce qui vaut pour l’univers cad pour la plus grosse chose possible. C’est ce qui tend à la compréhension maximale. Le naturel ne tend pas vers l’univers mais il constitue l’univers. La nature est tout ce qui entre dans les objets et événements. La nature est la détermination objective minimale du rapport entre objets et événements. « Mais si elle constitue l’objectif, rien d’objectif ne la constitue ». Rien ne peut être la nature et entrer en elle. L’humain n’est pas naturel, pour autant tout ce que font les animaux n’est pas culturel, c’est en ce sens que le culturel n’est pas l’opposé du naturel. Entre ce qu’il y a de naturel dans les animaux et l’universel qu’ils visent, il y a le culturel.

Entre l’universel et le naturel : le culturel 

Le culturel est le milieu pour des animaux constitués naturellement et qui tentent de constituer un univers en présentant et représentant les choses. Une règle culturelle est la determination de possibilités possibles ou de possibilités impossibles. La culture humaine est l’intensification du culturel animal. Toute culture est ce qui décolle la nature de l’univers. Une culture est un effort de l’animalité qui provient de la nature pour en distinguer l’univers. Or entre la nature et l’univers il ne peut y avoir que des cultures. On aboutit au conventionnel, et pour éviter le compact il y a nécessité d’une contingence, de la détermination de certaines règles au détriment d’autres.

Il y a de la culture s’il y en a plus d’une.

Une culture autorise la production d’un sens commun par le langage des codes à la condition qu’elle ne soit pas seule. Or dans un contexte globish, les contre cultures se font digérer par une seule culture.

Chapitre 10 : Histoire

Histoire universelle 

Le problème c’est la possibilité d’organiser le temps comme un univers. Une histoire universelle manifeste la tentative d’enchâsser les objets et les événements dans un ordre de compréhension qui pointerait vers l’avenir. Vu ce qu’est le temps, il faut imaginer un récit qui transfigure les différences entre passé, présent et avenir afin de les placer sur un même plan comme s’ils étaient de la même étoffe.

La conscience prophétique et la fin de l’histoire 

Le prophète ne raconte pas seulement ce qui se passera demain, il révèle ce qui doit arriver bientôt, qui marquera la fin du temps présent. Les prophéties sont des représentations qui décrivent au futur l’envers de tout ce qui a eu lieu jusqu’à présent. Avec comme prix que celui qui annonce le pire travaille à ne pas le voir arriver et donc à perdre sa crédibilité d’annonceur.

La conscience historique et la poursuite de l’histoire 

Avec les Lumières on voit apparaître des anticipations qui situent le possible dans l’avenir mais qui le décrivent au présent, montrant comme le monde est dans quelques années. On le voit, nous n’avons pas de continuité. Au 19éme apparaissent des récits qui ne sont plus seulement des projections du présent mais bien d’un passé organisé et unifié. Il y a de la durée qui ouvre un laps de temps entre maintenant et la fin du temps. On produira un tableau historique du progrès jusqu’à ce qu’on le mette en doute.

Progrès, modes et saisons

A mesure que l’espace humain s’unifie, le temps culturel humain s’unifie aussi dans une mise à plat du passé, présent, avenir. Mais attention : structuralement entre forme et objet, le passé possède une structure objective semblable à celle de l’univers et le présent et l’avenir entretiennent un rapport formel. L’Histoire achoppe sur le présent et l’avenir. Chaque instant est égal. Il faut penser dans et par l’Histoire contre elle car tout ce qui est gagné comme progrès est perdu en proportion égale. La saison est le retour du même et la mode le retour du différent, il en résulte l’idée que j’ai quelque chose d’égal à un homme d’antan et que l’homme de demain aura quelque chose d’égal à moi.

Progrès objectif et compensation formelle 

La mise à plat formelle de tout ce qui apparaît est aussi la condition de progrès objectifs. On gagne historiquement en univers plus grand, au prix qu’on perd un univers plus divers.

Chapitre 11 : économie des objets 

Utilité 

La construction d’un système formel de distribution des utilités, coupant court aux systèmes de règles culturelles et de progrès historiques a été le fait de la pensée utilitariste. C’est un calcul rapportant des objets ou des événements à leur univers. Les principes de Bentham représentent une certaine idée de la nature humaine qui réduit la sensibilité à la douleur et au plaisir.

La plate raison 

Mill critique Bentham à partir du fait qu’il éprouve intérieurement les limites psychologiques d’un comportement réglé sur une telle norme rationnelle et il opte pour un utilitarisme indirect. Ce qui manque c’est la conception d’une valeur qui échapperait au calcul d’équivalence et qui vaudrait par lui-même.

La production, la consommation et la question du luxe 

L’économie politique se centre sur la consommation et la production dont l’entraînement positif l’un sur l’autre est appelé richesse. Smith dit que la consommation est le seul but de la production. D’où l’importance de la notion de dépense (et non d’épargne) pour relancer la production, la consommation est productive. Et se pose la question de la dépense improductive ou du luxe…car il n’est qu’une perte qui ne trouve pas immédiatement son gain.

La perte et le gain 

Say définit la consommation comme une perte essentielle. L’utilité n’a pas d’autre fin possible que sa destruction. La destruction de la valeur vient compenser la production de valeur par les hommes. La perte de valeur est envisagée comme une fonction inverse de la production de telle sorte que la dépense est rationalisée.  Comment concevoir une destruction qui ne serait pas reproductive mais improductive ? La perte est une fraction fonctionnelle du mécanisme de toute économie capitaliste et la condition de son évolution (destruction créatrice).

Désubstantialisation économique 

Les marginalistes modélisent une valeur économique comme « une fonction d’excès » de la valeur d’une chose par rapport à elle-même, par rapport à un consommateur. Il y a rapport entre un homme à un moment donné et une certaine utilité d’une chose à ce même moment. Ce n’est plus la quantité de travail positivement introduite dans une marchandise qui détermine sa valeur, mais la fonction de sa consommation relative qui détermine négativement, en l’altérant progressivement, sa valeur « en contexte ».

L’agrégat économique de l’utile et de l’inutile

Veblen démontre comment les mécanismes de l’économie contemporaine ont intégré l’excès de valeur d’une chose sur elle-même non plus comme une fonction d’altération de sa valeur mais bien d’augmentation de celle-ci. La tendance a rivaliser s’est emparée de la consommation, une utilité secondaire imprime un caractère honorifique à la consommation et aux marchandises qui répondent le mieux à cette fin d’émulation.

Valeur de remplacabilité et valeur d’irremplacabilité

Le problème de la valeur d’irremplacabilité d’une chose c’est qu’elle prépare le terrain à sa valeur de remplaçabilité. Le problème de l’irremplaçabilité c’est qu’elle augmente la valeur de remplaçabilité jusqu’à un point de rupture. Ce qu’on nomme la personne, le don, le commun, la dépense c’est au fond l’idéal d’une valeur d’excès absolu qui s’opposerait à « la valeur de compte » de toute remplaçabilité. Mais le propre de l’économie contemporaine c’est d’intégrer l’irremplaçabilité comme facteur d’augmentation de la valeur de remplaçabilité, de définir la valeur de compte des marchandises par une valeur d’excès.

Les contre-économies de la personne, du don, de la dépense échouent

Ce modèle économique de valorisation n’est plus tant celui de l’échange et du contrat, que celui du don ! Car il est plus efficace que les échanges marchands. Ce que les contre-économies n’ont pas pris en compte c’est une rationalité économique formelle.

L’intégration économique du négatif reconduit au monde plat

La perversité est le principe d’une contre-psychologie. Intégrée au fonctionnement économique, la perversité est une part reconnue et efficace des discours et des pratiques les plus habituels, elle participe à la formation des valeurs économiques de remplaçabilité des choses, elle habite au coeur de nos comportements économiquement modélisantes et modélisés.

Chapitre 12 : valeurs

Monde plat et intensités variables

Imaginons un monde plat, sans valeur. Non seulement ce monde est possible mais il est même le seul monde. Le monde plat est dénué d’intensité et par contre l’univers des objets et des événements est traversé d’intensités variables. Cela veut dire que chaque objet est susceptible d’être plus ou moins ce qu’il est, d’être +/- pour ce qu’il est. Tout est susceptible d’y être +/- beau, vrai et bon.

Cette intensité n’a aucun sens formel, le sens des intensités est objectif et c’est ce qu’on appelle « les valeurs ». Ces valeurs sont suspectes aux yeux d’un sentiment qui nous vient de l’économie moderne selon quoi elles sont relatives. Il n’y aurait que des valorisations (des échanges dépendants de la valeur qu’on leur donne). Le remplacement des valeurs par les valorisations consiste à mêler l’objectif au formel. La confusion de la théorie de la valorisation consiste à « faire comme si » le monde plat non intensif n’était pas le monde mais la part de l’univers qui comprend des objets non humains. Cet univers plat supposé est le terrain de jeu économique sur lequel pourrait se produire la valorisation par l’activité humaine. La relativité des valorisations tient au fait qu’on accorde toute l’intensité des valeurs à ceux qui les font, en ôtant toute intensité à ce qui reçoit la valeur donnée, qui est comme une matière plate, passive et indifférenciée. L’objet intensif n’a jamais de valeur que remplaçable. 

La valeur est l’intensité qui permet aux objets et événements leur singularité, la détermination de ce qui les rend irremplaçables.

Analyser le beau, le vrai, le bien conduit à une désubstantialisation des valeurs et à l’intensification des univers

En réalité la valeur n’est ni substantielle ni formelle, elle est objective. La valeur marque la transformation des choses en intensités variables. Toute chose reçoit avec sa valeur ce qui la rend échangeable et irremplaçable.

Chapitre 13 : classes (sociales)

Chapitre 14 : genres (sexualité)

Chapitre 15 : âges de la vie

Chapitre 16 : la mort

À partir d’ici je cesse de suivre le livre pour rapporter mon audition d’une présentation sur France Culture. Tristan Garcia y rappelle que la science est traversée par une tension entre un mouvement qui substantialise les choses « en soi » et un mouvement qui suit les « lignes de devenir ». Il est important de renvoyer dos à dos ces positions sans chercher à avoir une synthèse. Il faut renvoyer dos à dos mais aussi sauvegarder la chance de chaque position. 

C’est dans les querelles qu’on peut trouver le sens du « découpage des réels » qui sont différents. Encore faut-il les trouver. On a la biologie et la sociologie selon qu’on suit les approches différentes du culturel ou les voies de la génétique. Il y a en sociologie Durckheim et Bourdieu. Mais Lukaks franchit les limites de la science quand il fait du prolétaire un ouvrier pas comme les autres et de la société un univers communiste. De même la sexualité est traversée par la question du genre. Il y a Lacan et il y a Buttler…jusqu’au franchissement de la distinction homme-femme par les trans-genres. 

Nous/eux. Les distinctions sont floutées. L’identité s’émiette et le nous est en crise. Pour l’auteur les querelles s’orientent selon les polarisations depuis un point A vers un point B et inversement mais les positions ne se rencontrent pas. L’analyse de l’adolescence s’affine quand on distingue les rites de passage versus la notion de crise. C’est là que la notion de limite en prend un coup. 

Tout balance entre une chance et un prix. La chance d’un âge c’est que passant à l’âge suivant, l’âge précédent n’est pas anéanti. En passant à l’âge adulte, on ne fait pas que comprendre son adolescence, en plus on perd aussi quelque chose qui était la chance de cette adolescence… et qu’il faut savoir perdre pour avoir la chance d’être adulte. On ne va pas vers un absolu. Ce qu’il y a, c’est des objets et en passant d’objet à objet, chaque objet comme chose conserve sa chance. Et en passant ainsi, on doit « savoir ce qu’on gagne et ce qu’on perd » et l’accepter pour avancer.

Coda : formellement, objectivement

Tristan Garcia n’écrit pas que des textes philosophiques, il crée des fictions. « Faber ». Parce que toute élaboration philosophique laisse tomber ce qui ne convient pas. Les fictions ont pour matière ces chutes et les recyclent. Il y a donc intérêt à passer d’un genre à l’autre. Finalement le mot clé c’est : passage. Il y a à comprendre notre temps avec des modes de penser capables de risquer des nouvelles façons d’être. L’enjeu est politique car il est urgent de se dégager de l’opposition entre nous et eux.Il y a une expression qui revient souvent : ne pas laisser ceci se ramener à cela. Pour cela il faut tenir ensemble les deux sens de l’être.